Parier sur le populisme pour séduire le commun, c’est contribuer au triomphe de la bêtise. Certains de nos concitoyens n’hésitent pas à le faire, malgré la brillance de leurs signes extérieurs pédagogiques ou quelques faits d’armes contre l’autoritarisme!
Au mois de février 2016, une universitaire cabotine, en vogue pour quelques esprits ingénus, s’était nettement prononcée contre l’exercice de la politique par les binationaux dans leur pays d’origine. Aujourd’hui, une ex-candidate aux dernières élections présidentielles, qui prétendait vouloir diriger la Tunisie, adresse une lettre ouverte au Chef du gouvernement désigné et l’appelle à ne pas engager dans son gouvernement de ministres ayant la double nationalité. Une posture qui démontre bien que même les «grands esprits» de ce pays peuvent partager les pires élans de la multitude! Deux attitudes surprenantes de la part de personnes censées agir pour élever le débat et rassembler les Tunisiens!
A ces auxiliaires du populisme et de la division, il convient tout simplement de rappeler l’article 74 de la Constitution tunisienne qui stipule : « La candidature à la Présidence de la République est un droit pour toute électrice ou tout électeur de nationalité tunisienne par la naissance et de confession musulmane… S’il est titulaire d’une nationalité autre que la nationalité tunisienne, il doit inclure dans son dossier de candidature un engagement à renoncer à l’autre nationalité dès après la proclamation de son élection en tant que Président de la République ». On est aussi forcé de mentionner qu’aucun texte de loi n’interdit aux binationaux d’occuper des postes ministériels ou d’autres hautes responsabilités de l’Etat et de l’administration. Cela signifie aussi que chacun est dans l’obligation de connaître la loi pour la faire appliquer et la respecter. « Nul n’est censé ignorer la loi », raison de plus pour une universitaire et une magistrate d’en tenir compte!
Le ministre des Affaires sociales vient pour sa part de sauver la mise, en marge de la conférence des chefs des missions diplomatiques, il a mis en garde contre « l’effritement des liens entre la Tunisie et les binationaux ». Ces derniers constituent selon lui « une richesse devant être mise à contribution pour consolider le développement intégral en Tunisie ». Il a souligné que le nombre des Tunisiens établis à l’étranger s’élève à 12 % du nombre global de la population et qu’ils contribuent à hauteur de 40 % à la production de la richesse nationale. En effet, près d’un million trois cent mille Tunisiens sont installés dans plus de 108 pays sur les cinq continents, les binationaux représentant environ 28%.
Cette tendance maladive d’ostraciser une catégorie de la population, en cherchant à la bannir de la scène politique, est à la fois injuste et discriminatoire, car elle prône l’exclusion et risque de priver le pays de l’apport de milliers de cadres de haut niveau, un vivier de compétences qui sont tout disposées à participer au redressement du pays. Ceci dit, on n’ignore pas les arrières pensées politiciennes et les personnes visées par ces querelles d’arrière-garde. Ces escarmouches puériles ne doivent pas compromettre l’approche d’un sujet aussi sensible. Faut-il préciser qu’aucun Tunisien n’a le monopole ni du cœur ni de la raison quand il s’agit d’aimer son pays et de le servir?!
Il est capital de se mobiliser pour que les citoyens ne cèdent pas à cette controverse populiste prêchée dans certain pays par des mouvements xénophobes d’extrême droite et inoculée subrepticement chez nous par des apprentis-sorciers. Il serait plus rationnel d’aborder ce sujet comme un renfort pour la Tunisie, en cette étape cruciale, pour tenter le relèvement et le redémarrage escomptés, et ce en concevant plutôt la binationalité comme l’un des marqueurs du processus de déterritorialisation des identités, rénovant l’ancienne conception de l’État-nation adoptée lors des indépendances.
En effet, ce monde contemporain est postnational, il exige une reconfiguration de la problématique des relations entre nationalité et territorialité. Parmi les initiatives qui peuvent contribuer à mieux aborder cette question, il y a l’accélération de la mise en place du Conseil supérieur de l’émigration promis par les gouvernements successifs, depuis 2011.