Alors que le nouveau chef du gouvernement multiplie les rencontres avec les différents partis politiques, voilà qu’à son tour Yassine Brahim, ministre sortant du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale du gouvernement Essid, brise le silence et décide de ne pas participer au prochain gouvernement d’union nationale.
Dans un communiqué du parti Afek Tounes, il a ajouté que compte tenu des événements, cette décision était le fruit d’une série de réunions avec le bureau politique du parti.
Pour Faouzi Ben Abderrahmane, ex-secrétaire général du parti et membre du bureau politique d’Afek Tounes, joint par téléphone, le retrait de la participation au prochain gouvernement d’union nationale de Yassine Brahim est une question débattue depuis fort longtemps. « Tout le monde a approuvé son retrait, parce qu’il faudrait renforcer le développement du parti en interne, mais aussi préparer le parti aux prochaines échéances électorales municipales et régionales. Et tout cela nécessite un vrai grand travail. Nous avons besoin d’un nouveau souffle dans la gouvernance politique de notre parti. C’est la raison pour laquelle Yassine Brahim a un rôle majeur à jouer dans le développement du parti. »
Afek Tounes contre le système des quotas
Selon M. Ben Abderrahmane, le gouvernement d’union nationale doit s’écarter du système des quotas. Il a indiqué : « Le gouvernement Chahed sera toujours dans la philosophie du gouvernement d’union nationale. Le but est de réunir autour d’une table les partis politiques, quelle que soit leur idéologie, avec des partenaires sociaux, qui pour rappel ne se sont pas réunis depuis l’indépendance, pour l’UGTT et l’UTAP. Il faut bien admettre qu’il y a une pensée stratégique importante issue de cet accord commun, dont la priorité est la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. »
Les cartes du jeu politique seront-elles rebattues ? Faouzi Ben Abderrahmane estime que : « Certains de ceux qui gouvernent aujourd’hui seront probablement dans l’opposition et c’est tant mieux pour la démocratie. »
D’après lui, il faut différencier les résultats des urnes de 2014 du système des quotas arithmétiques, qui ne tient absolument pas compte des compétences. Il explique : « Nous ne sommes pas favorables à un système de quotas des partis qui définit ses propres ministres. Il faut tenir compte de la compétence, de la solidarité entre ministres et du programme sur lequel on va travailler, ce qui est le plus important à nos yeux. »
« Concernant la compétence, il s’agit de choisir la bonne personne au bon poste, cela ressort de la responsabilité du chef du gouvernement. Nous devons éviter ce qui s’est passé auparavant, à savoir des allégeances plus aux partis qu’à la patrie. C’est pour cela qu’il faut se mettre d’accord sur un programme commun, où tout le monde est solidaire, y compris les partenaires sociaux. »
Les priorités selon Afek Tounes
« Nous pensons que les priorités sont connues, suite à l’Accord de Carthage et la note d’orientation stratégique sur les trois prochaines années. D’ailleurs, nous pensons aujourd’hui qu’il est fondamental de continuer la lutte antiterroriste intégrale, c’est-à-dire en tenant compte de tous ses aspects, économiques, sociaux religieux. Il faut remettre la Tunisie au travail, redonner confiance à tous, aux citoyens, aux investisseurs locaux et internationaux, à travers l’assouplissement des procédures. Or, nous n’arriverons pas à créer de la richesse si nous ne travaillons pas. Il faut qu’il y ait une paix sociale, un pacte de prospérité, en réduisant les inégalités des classes sociales du pays, pour donner un espoir social aux Tunisiens. »
Qu’en est-il de l’environnement financier ?
« A cet effet, le système financier doit être un support de la création de richesses, ce qui n’est malheureusement pas le cas aujourd’hui, car notre système financier ne joue pas son rôle de moteur pour l’initiative privée, et il s’apparente beaucoup plus à un système de prêt sur gages. Tout ceci ne peut se faire que si on instaure une justice et on rétablit l’Etat. Le problème de la Tunisie est bien là : il faut se mettre d’accord sur une ambition de prendre notre place dans le monde et de créer de la prospérité. En somme, tout est à faire. »
Et M. Ben Abderrahmane de conclure : « Je suis raisonnablement peu optimiste pour le court terme car la démocratie ne peut se construire sans partis politiques et c’est ce qui laisse à désirer aujourd’hui. Nous encourageons les partis à devenir de vrais partis, de vraies machines ; nous devons travailler à redonner l’espoir. Le challenge est intéressant, et nécessite une bonne dose d’optimisme et de prudence. »