L’avant-garde de la société civile a célébré, le 13 août, la fête de la femme. Elle a saisi cette occasion pour faire valoir la nécessité de consolider et de développer les acquis du Code du statut personnel. Elle demande de poursuivre l’élan d’émancipation, en application de la Constitution tunisienne, qui prône l’égalité du genre.
Par contre, l’Establishment au pouvoir a limité la célébration à la sauvegarde du statu quo. Pourrait-il faire autrement, alors que la dynamique du progrès de Nidaa Tounes est bloquée par ses alliances politiques. Or, la fidélité au Président Bourguiba, thème dominant du discours de campagne de Nidaa, lors des élections présidentielles et parlementaires, fait valoir, comme exigence, la poursuite de son œuvre.
L’adoption, du Code du statut Personnel, le 13 août 1956, quelques mois après l’indépendance tunisienne (20 mars 1956) atteste que le leader Habib Bourguiba transgresse, dans la mise en application de son idéaltype, sa stratégie des étapes et le « gradualisme » qui a marqué son action politique. Durant ce moment décisif du recouvrement de l’indépendance, le leader réalise que l’ordre du monde passé s’effondre, alors que l’ordre de l’avenir ne se dégage pas encore. Les deux moments― celui du dépérissement, tout comme celui de la régénération― vont souvent de pair dans cette conjoncture. Alors que la nature du pouvoir n’a pas été encore définie, le régime beylical étant en sursis, Habib Bourguiba nommé Premier ministre, après l’élection de l’Assemblée Constituante, promulgua le Code du statut personnel.
Habib Bourguiba souhaitait profiter de l’élan révolutionnaire et de « l’état de grâce » du gouvernement national. Constat d’évidence, une consultation démocratique n’aurait pas permis l’adoption de ce statut d’émancipation des femmes. « Ce que j’ai fait pour la femme, dira-t-il en 1972, demeure la fierté de mon œuvre. » « Les convictions de Habib Bourguiba, sa volonté et son prestige lui permirent de bousculer tabous et conservatismes. » Nous partageons ce jugement de Bertrand Delanoë, maire de Paris, lors de l’inauguration de l’esplanade Habib-Bourguiba, le 6 avril 2004.
L’émancipation féminine, la suppression de la polygamie et du divorce unilatéral et l’égalité du genre― à l’exception de l’égalité de l’héritage, que Habib Bourguiba a annoncée, mais n’a pu promulguer― constituent des exceptions dans l’aire arabe. Elles constituent des axiomes des acquis démocratiques et associent la rupture avec le despotisme colonial et le traditionalisme de la société tunisienne, dominant, dans une large mesure, son inconscient collectif. L’égalité du genre, la modernité et l’ouverture sont désormais des marqueurs politiques de son action.
Le Code a pu résister aux épreuves, aux campagnes de dénigrement. Mais l’œuvre de promotion et de progrès n’a pas permis de franchir le Rubicon et d’annihiler ce processus de progrès. Une prise de conscience générale a affirmé que ce pas accompli est décisif et irréversible. Quelques voix obscurantistes rappellent régulièrement leur revendication de la polygamie. Leurs dirigeants occultent officiellement leurs demandes. Mais quel est leur discours dans l’underground?
Cependant, la fidélité doit assurer le suivi du CSP, d’assumer ses perspectives d’avenir, parachevant l’œuvre égalitaire. La fidélité à Bourguiba exige du gouvernement actuel de confirmer le discours de promotion par des actes. On ne peut se contenter de sauvegarder le statu quo. Une résignation devant la pesanteur sociale bloquerait la dynamique du progrès. Il faut ouvrir de nouveaux horizons, confirmant la position d’avant-garde de la Tunisie.