Abir Moussi a été élue présidente du Mouvement Destourien Libre, samedi 13 août. Elle aura la charge de resserrer les rangs du parti qui a sombré dans le chaos après la dissolution du RCD, le 6 février 2011. C’était la candidate-surprise, assez connue du reste étant avocate de son état qui a su tout au long de sa carrière rester égale à elle-même. Interview.
Comment voyez-vous l’après-13 août depuis votre nomination en tant que présidente du mouvement?
L’après-13 août, c’est une lourde responsabilité dans laquelle moi-même et les autres membres du parti nous nous engageons à servir les nobles causes auxquelles nous croyons. Or aujourd’hui, nous sommes conscients de la situation extrêmement vulnérable du pays. Il est vrai que la tâche n’a pas été facile pour nous durant les cinq dernières années, entre la dissolution du RCD et les défis à relever. Et c’est aussi la raison pour laquelle nous avons donné au congrès le nom de “Ethabet ” (Mise au point).
Depuis la dissolution du RCD, et la diabolisation des destouriens, on ne va pas dormir sur nos lauriers, ou rester confinés dans les souvenirs du passé, il faut aller de l’avant et penser à l’avenir. Nous avons des solutions à soumettre. Il faut être honnête avec les Tunisiens.
L’avez-vous jamais été ?
Oui. Lors des campagnes électorales, nous avions proposé une feuille de route avec des programmes et des projets. Contrairement aux partis après le 14 janvier, lesquels hormis de crier haut et fort qu’ils seront les sauveurs du pays, qu’il n’y aura plus de corruption, qu’il y aurait une croissance économique importante, qu’ils vont miser sur le développement des régions, ils n’ont tenu aucune de leurs promesses.
Or ce que nous constatons aujourd’hui avec amertume est que les grands projets qui auraient dû être réalisés avant 2016 et dont leur budget est disponible dans les caisses de l’Etat depuis belle lurette, ce n’est que maintenant que certains ont vu le jour. D’ailleurs, nous ne sommes pas près de revenir aux indicateurs de 2010, tant s’en faut. Une chose est sûre, nous connaîtrons des moments difficiles, mais nous n’allons pas mentir aux Tunisiens, nous allons promettre que ce qui peut être réalisé sur le court-moyen-long terme car il n’y a pas de baguette magique où tout sera résolu en un clin d’oeil. Nous voulons être une force de participation pour la construction du pays. Aujourd’hui, nous devons réfléchir à propos de l’homme (ou la femme) de la situation capable de gérer le pays. Nous espérons que le Chef du gouvernement Youssef Chahed se concerte sur la compétence et non sur un système de quotas ou les intérêts partisans.
Y’aura-t-il un nouveau repositionnement aux prochaines élections?
Le congrès du 13 août est un nouveau départ pour nous, mais aussi une des raisons pour lesquelles nous avons voulu transmettre un nouveau message rassurant car nous croyons fermement au jeu démocratique. Que ce soit les élections municipales, présidentielles ou législatives, pour les prochaines années, nous serons présents avec une vision nouvelle, car nous sommes ouverts à toute proposition, disposés à réunir nos forces avec toutes les familles destouriennes pour participer ensemble aux élections municipales afin que les votes ne soient pas éparpillés et pour avoir davantage de chances de succès.
Comptez-vous imprimer un nouveau style de conduite des affaires du parti, où maintiendrez-vous la même ligne?
Aujourd’hui, nous sommes en train de mettre en place le changement. D’ailleurs, nous comptons sur la participation des jeunes dans l’ensemble du pays. Nous venons de donner l’exemple que la femme tunisienne joue un rôle très important, je suis présidente d’un parti, c’est bien une première. Cela dit, nous avons respecté le principe de la parité, fondé sur la compétence.
Avant le système était verrouillé par un seul parti, le RCD , qui revendiquait plus de 2 millions d’adhérents, pensez-vous conquérir le même nombre d’adhérents si le chiffre avancé par le RCD vous paraît réel?
Si on calcule seulement l’organigramme, on compte plus de 1000. Mais ce qui est certain, le nombre des adhérents dépasse plus de 2000. Ce qui compte, avant le nombre, c’est l’engagement des militants. Tous ceux qui à l’époque du RCD scandaient le slogan du parti n’ont pas hésité à retourner leur veste. Il faut savoir tirer les bonnes conclusions.
Vous avez affirmé lors d’une récente déclaration, qu’il n’y aurait pas d’alliance entre votre mouvement et le parti Ennahdha, comptez-vous maintenir votre promesse de ne pas vous allier?
Pour être clair quand on fait ce genre d’ annonce, ce n’est pas pour attirer plus de sympathie, bien au contraire cela signifie que nous avons la ferme décision de ne pas nous allier. Or on n’entend dans le paysage actuel que deux choses : le Bourguibisme et les partis contre Ennahdha. A un moment donné, c’est devenu une vieille chanson qui n’est plus d’actualité. Nous sommes Bourguibistes car nous sommes les enfants de Bourguiba, ce n’est pas un simple slogan comme certains veulent bien le croire. Le RCD a été un épisode du mouvement destourien, quoi qu’on en dise. Nous savons très bien qu’Ennahdha a son projet et nous le nôtre. Si nous sommes présents aujourd’hui c’est pour construire. Il n’y aura ni alliance encore moins des affaires entre nous. Le paysage politique doit être revu, ce n’est pas en gagnant les élections législatives qu’on laisse l’autre parti diriger le pays, ce sont les Tunisiens qui ont un devoir d’observation et non les partis politiques.
Dans le paysage politique, on est passé d’un régime présidentiel à un régime semi-parlementaire, pensez-vous que cette question fera l’objet de polémiques et de débats?
Quand on fait le compte, il s’agit du septième gouvernement. Est-ce normal? Je trouve que c’est même inquiétant. Plus grave encore, quand un chef de gouvernement ne peut pas faire cavalier seul, quand il est soumis aux diktats de l’ARP à cause d’un système de quotas qu’on lui a imposé, comment voulez-vous qu’il soit audacieux et qu’il prenne le taureau par les cornes quand il est soumis à toutes sortes de pressions? Il faut un régime politique qui permette au parti vainqueur d’avoir les coudées franches et surtout à la personne choisie pour diriger le pays d’avoir un vrai pouvoir décisionnel.
Plusieurs personnalités politiques vous reprochent de ne pas avoir demandé pardon au peuple tunisien? Que répondez-vous?
Cela n’engage que moi. Le pardon je n’y crois pas, il faut plutôt dresser un bilan. Après le 14 janvier, les gens broyaient du noir. Ils ont détruit les institutions de l’Etat. Vous savez, la Constitution 59 aurait pu suffire avec quelques modifications qui n’auraient demandé que quelques mois de temps. Nous aurions pu avoir la meilleure Constitution du monde en un rien de temps. Fort heureusement Bourguiba a légué à la Tunisie des institutions solides, autrement aujourd’hui nous serions des Kabyles.
Votre parti serait-il partant pour occuper des postes ministériels aujourd’hui?
Ni moi ni mon parti ne sommes concernés par les postes ministériels dans cette phase, nous voulons penser aux générations futures, nous voulons travailler pour la Tunisie de 2030. C’est l’avenir du pays qui prime.
Sa tombe bien, le peuple tunisien non plus ne crois pas au pardon et n’est pas près de vous pardonner votre appartenance à l’ancien régime. PS: j’espère pour vous qu’aucun kabyle ne va tomber sur cette interview…..