Depuis les attaques terroristes du Bardo, de Sousse et de Mohamed V, le gouvernement Essid avait promis la fermeture des 80 mosquées hors de contrôle. Qu’en est-il aujourd’hui et quel bilan peut-on dresser?
En marge d’une conférence, le ministre des Affaires religieuses Mohamed Khelil a nié l’existence de mosquées hors du contrôle de l’Etat, en déclarant : « Concernant le contrôle des mosquées, nous sommes en train d’y travailler depuis longtemps. D’ailleurs, vous pouvez voir les résultats : aujourd’hui, toutes les mosquées sont sous le contrôle du ministère, cela signifie qu’aucune mosquée n’est hors de contrôle. »
Des milliers de jeunes Tunisiens ont rejoint les organisations terroristes, comme Daech ou el Qaïda, que ce soit en Libye, en Syrie ou encore en Irak. Pour une bonne partie, leur départ a été facilité par une centaine de mosquées radicales, longtemps échappées au contrôle du ministère, peu après le 14 janvier, affirme Ali Ghorbal, chercheur enseignant et imam à la mosquée d’Ennasr.
Il déclare : « Pour comprendre ce qui se passe, il faut faire un retour sur ce qui s’est passé durant les cinq dernières années. Tout juste après le 14 janvier, il y a eu en tout 3000 mosquées qui ont été prises de force par des soi-disant imams, dont certains avaient été graciés à cette époque, profitant ainsi du laxisme des autorités et du vide politique. Ces mêmes personnes- qui étaient déjà dans des prisons étrangères, en Espagne, en Allemagne, puis transférées dans les prisons tunisiennes, parce qu’elles auraient été impliquées dans des attentats terroristes survenus dans différents pays- se sont auto-proclamées imams par la force. Alors que d’autres, véhiculant déjà l’apologie du wahhabisme, sont devenus des muezzins, des imams, mais plus grave encore, des fonctionnaires au ministère des Affaires religieuses. »
Et Ali Gorbal de poursuivre : « Il y a trois ans de cela, un autre imam, Mokhtar, a appelé au Jihad en Syrie et pourtant il continue son prêche dans la mosquée Omar Ibn Khateb à Ibn Sina, et personne ne l’a arrêté. »
Interrogé sur la fermeture des mosquées hors de contrôle, il a répondu que le ministère des Affaires religieuses n’a pas réagi fermement, en soulignant : « Bien au contraire, ces même personnes continuent à faire l’apologie du wahhabisme et l’appel au jihad en Syrie. » Même si certains affirment le contraire, des cas existent encore. Comme fut le cas du prédicateur Khatib Idrissi, il y a six mois de cela, qui prêchait à la mosquée de Sidi Bouzid. Il n’a pas été poursuivi en justice. Il y a un grand paradoxe entre le bilan annoncé par le ministère des Affaires religieuses et la réalité. »
Pour faire face à la montée de l’extrémisme religieux et à la radicalisation des jeunes, « il faut un diagnostic clair, mais aussi revenir à ce que nous ont enseigné nos intellectuels, comme le recteur de l’Université de la Zeitouna Mohamed Tahar Ben Achour, revoir les émissions qu’on nous propose, parce que les jeunes d’aujourd’hui sont totalement endoctrinés par le wahhabisme, connu par son caractère agressif et violent. C’est à partir de là que nous pourrons faire un diagnostic et trouver des réponses. Vous savez la responsabilité nous incombe à tous, que ce soit l’Etat, les médias, la société civile. Chacun de nous a une part de responsabilité dans le combat contre le terrorisme », conclut-il.
Dans l’affaire des mosquées hors de contrôle de l’Etat, personne ne sait réellement ce qu’il en est, mais cette affaire nécessite de la vigilance.