Revenant sur le discours prononcé hier par Youssef Chahed, chef du gouvernement d’union nationale, devant les représentants du peuple, l’économiste Moez Joudi a affirmé à leconomistemaghrebin.com qu’il s’agit d’un bon discours au niveau de la forme et du fond, au moment où les Tunisiens et la situation ont besoin de ce genre de discours de confiance et de profondeur d’analyse.
M. Joudi a indiqué, dans ce sens, que le chef du gouvernement a abordé des questions de fond par rapport à la situation économique du pays qui est en train de s’aggraver, tout en disant la vérité en toute transparence. Ce qui n’a été prononcé auparavant par les autres gouvernements.
Il a été, selon ses dires, bien déterminé, notamment au plan des chiffres qui sont plus graves que ce qu’on croyait. Notant par exemple le taux d’endettement qui avoisine, selon M. Chahed, les 62% du PIB, Moez Joudi a estimé que les dettes qui ont été comptabilisées depuis 2011 (31 milliards de dinars) sont énormes, inacceptables et très graves. Cette hausse d’endettement n’est que le coût lourd de la révolution, exigeant le recours immédiat à un audit.
En ce qui concerne les recrutements qui ont atteint les 200 mille nouveaux fonctionnaires depuis 2011, notre interlocuteur a précisé qu’il faut mener une enquête pour que tout le monde assume ses responsabilités.
De même, pour la production de phosphate qui est en baisse de 60% depuis 2011, il a indiqué que cette chute est criminelle et une haute trahison. Sachant qu’il y a une mafia qui transporte le phosphate, ce qui a été confirmé par le chef du gouvernement.
Face à cette situation grave et critique, Moez Joudi a souligné qu’on ne peut pas s’arrêter au niveau du constat, mais qu’il faut plutôt que le chef du gouvernement pointe du doigt, en premier lieu, les responsables.
Par la suite, il doit arrêter l’hémorragie des recrutements, ne plus remplacer les retraités, optimiser les effectifs, faire la gestion des ressources humaines et développer les compétences.
Il faut qu’il sache que les marges de manœuvre sont très rétrécies et que la situation est très difficile, quitte à imposer la prise de mesures courageuses et même douloureuses et la mise en place d’un plan de sauvetage et de relance. Parallèlement, il importe de rester dans ce niveau de transparence, communiquer solidement, et surtout agir courageusement pour faire apprécier les actions concrètes.
Autrement, la Tunisie sera obligée d’adopter la politique d’austérité qui va bloquer encore plus l’économie. Il vaut mieux optimiser et maîtriser le déficit budgétaire, et ce, en adoptant une politique budgétaire de stop and go soit une alternance entre la relance et la rigueur; sinon la situation va dégénérer en récession économique.
Pour ce faire, il faut que l’Etat relance l’investissement via les grands projets, notamment dans les régions, développe les recettes par la lutte contre l’évasion fiscale, la contrebande et le commerce parallèle, et pourquoi pas privatiser certaines entreprises publiques, notamment celles de services, conclut-il.