Les consultations ministérielles et le processus du remaniement ont mis à l’épreuve la classe politique tunisienne. Exigence du consensus, la feuille de route, appelée « Pacte de Carthage » a présenté des titres, évitant de préciser les mesures d’application. Programme réducteur et sans définition idéologique et même politique.
Nidaa Tounes, premier parti de l’échéance électorale de 2014, a obtenu le plus de charges ministérielles. Mais il a eu des difficultés pour former les délégations de négociation. Pour contenter tout le monde, il a présenté une cinquantaine de candidatures. Le choix fut laissé à Youssef Chahed, choisi en son sein, par le Président de la République. Mais le parti, plus divisé que jamais, n’a même pas l’intention de donner l’illusion d’une unité de façade. Résultats de la dérive, les chapelles et sous-chapelles vont s’épanouir, au cours des prochains jours.
Ennahdha, soucieuse de soigner son look, a présenté des candidatures modérées, de second rang, par rapport à son ancien establishment. Cette émergence d’une nouvelle génération politique lui permet de faire valoir sa nouvelle vision politique. Traduit-elle une mutation politique réelle? Est-elle conforme aux décisions prises dans l’underground?
Machroua3 Tounes, mouvement dissident de Nidaa Tounes, a su s’imposer à l’establishment. Consulté, il a fait valoir ses points de vue. Son vote, en faveur du nouveau gouvernement, le met hors de l’opposition et annonce un développement de son audience. Afek (deux ministères) et l’UPL, non représentés au gouvernement, se sont résignés à soutenir le pouvoir. Ils ne pouvaient prendre le risque de marginalisation.
Le Front Populaire a pris ses distances et voté contre le gouvernement. Fidélité à ses principes idéologiques, à son projet de société, il ne pouvait s’aligner sur les options libérales du nouvel establishment. Pouvait-il occulter les attentes sociales, le discours égalitaire et rejoindre les partisans du marché libre? L’économie de collaboration serait plus conforme à ses visions, en faveur du développement du bien être des classes populaires. Cependant son audience reste réduite. On évoque volontiers son utopie.
Alors que les Destouriens ont pu conjurer leur disparition, comme force politique d’avenir, les partis perdants des élections de 2014 peinent à s’affirmer. Leur marginalisation effective réduit leur champ d’action. Mais peut-on oublier les représentants de la société civile qui participent à la construction de l’opinion et mobilisent leurs compétences. Ils sont à l’écoute de l’actualité, prompts à dénoncer les manœuvres et les dérives.