Si la cause amazighe semble être un détail voire une question peu intéressante pour les personnes non averties. Il n’en n’est pas de même pour Maha Jouini. Cette activiste des droits de l’homme, bloggeuse, chargée de projet pour la lutte contre le mariage des enfants au sein de l’Union africaine, est un visage emblématique en matière de lutte pour l’obtention des droits culturels des Amazighs. Dans cette interview exclusive, elle revient sur un sujet oublié par certains…
Leconomistemaghrebin.com : Qu’est-ce qui justifie le retour à la cause Amazighe et quelles sont ses manifestations culturelles en Tunisie ?
Maha Jouini : Mais qui a dit que la cause amazighe s’est éclipsée pour parler de son retour ? Cette problématique est une réalité palpable. Elle trouve son origine dans le choix qu’a fait le leader Habib Bourguiba. Un choix qui se caractérise par le refus de la diversité et la pluralité. Ainsi c’est un choix qui s’oppose à toute diversité culturelle. Il se base sur la conformité culturelle, la centralisation du pouvoir.
Ainsi la culture des indigènes a connu la marginalisation et s’est trouvée renfermée dans quelques régions montagneuses. D’ailleurs les montagnes et les monts ont représenté pour les Amazighs des forteresses et de lieux de révolte.
Je peux dire que le mouvement culturel des Amazighs vient en réponse à la marginalisation de la langue amazighe. Elle n’est pas enseignée à l’école, aux universités. Je me rappelle que les étudiants en archéologie ne connaissent pas cette langue malgré son importance pour comprendre l’anthropologie, le patrimoine et la toponymie.
Pire encore, en 1966, Habib Bourguiba avait refusé la création du musée de Chemtou dédié au patrimoine amazigh. Ce musée a enfin vu le jour en 1997 suite à plusieurs revendications.
Tout au long de cette période, plusieurs associations et organisation dont l’objectif est de défendre ce patrimoine ont été interdites. A tout cela vient s’ajouter les poursuites judiciaires contre le groupe musical Groupe Imazighen, sous Ben Ali, qui a chanté pour cette cause.
Pour ne citer que les régions qui souffrent de marginalisation et d’exclusion, je citerais : Henchir Konfida qui se trouve dans le gouvernorat de Sidi Bouzid, mont Khémir, Tamezret (Sud-Est du pays), Henchir amayer (Testour) et autres.
Le président déchu Ben Ali avait déclaré à l’époque de la publication de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones qu’il n’existe pas de peuple autochtone en Tunisie. Pourtant plusieurs régions dans le pays comme Takrouna, Chenini, Douirat s’expriment encore avec cette langue.
Après le 14 janvier 2011, les choses n’ont pas encore changé. Je reconnais le climat de liberté d’expression cependant les Amazighs tunisiens n’ont pas bénéficié de ce droit encore.
La nouvelle Constitution n’a pas fait en sorte que cette langue devienne officielle. En effet, une demande relative à la fondation d’un centre culturel pour la langue amazighe a été rejetée. J’ajouterais à cela un black-out médiatique sur les activités des associations actives dans ce domaine à l’instar du festival de Tamazret qui ne bénéficie pas de couverture médiatique digne de ce nom, malgré son importance.
La montée de l’islamisme a compliqué la situation. En effet, les islamistes qui ne reconnaissent pas la diversité et la pluralité considèrent que cette culture est un genre de mécréance et d’athéisme. A cet égard, le leader du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi a même mis en doute notre existence. Sans parler des pages des intégristes sur les réseaux sociaux qui ne cessent de nous matraquer.
Force est de constater que cette cause n’est pas présente dans les médias ?
Je voudrais bien attirer votre attention sur une remarque : les médias tunisiens utilisent plusieurs expressions racistes à l’égard des communautés.
Ils parlent de « la communauté juive en Tunisie » alors que c’est un peuple autochtone qui a sa propre histoire, les Berbères quand ils se réfèrent aux Amazighs, or nous savons très bien que Berbère veut dire l’étranger et a une connotation négative pour nos ancêtres.
Et ce n’est pas uniquement cela. Les médias tunisiens se focalisent uniquement sur la composante arabe de l’identité et de l’histoire tunisienne, comme si l’histoire tunisienne a commencé au 7ème siècle après J.C. Ces médias traitent la question comme étant folklorique alors que c’est une question civilisationnelle.
En Algérie, la langue amazighe est devenue une langue officielle. La réciproque est-elle possible en Tunisie eu égard au paysage politique ?
Nous n’avons pas revendiqué l’officialisation de la langue amazighe pour la simple raison que nous savons très bien que le nombre des personnes s’exprimant dans cette langue n’atteint pas 500 mille. Mais je reconnais la marginalisation de cette langue.
Par contre, nous revendiquons la reconnaissance de la langue amazighe comme langue tunisienne nationale et comme patrimoine national surtout qu’elle remonte à plus de 3000 ans selon les spécialistes de l’UNESCO.
Le dossier des Amazighes sera résolu le jour où un gouvernement nationaliste accédera au pouvoir dont les principes se basent sur le respect des droits de l’homme et non sur les intérêts personnels et les intérêts partisans.
C’est à la société civile et les organisations intéressées d’être une force de suggestion et faire de la pression pour que les revendications se concrétisent et pour intégrer le principe de la diversité culturelle.
On a souvent entendu ce slogan « Nous sommes Tunisiens et pas des Arabes ». Qu’en pensez-vous ?
Que les Tunisiens ne soient pas des Arabes est une vérité incontestable…
Certains accusent les activistes qui soutiennent cette cause d’être des sécessionnistes et de vouloir semer la discorde…
Celui qui a des preuves à l’appui contre moi ou contre l’un des activistes, il peut bien les présenter à la justice. Je ne fais pas partie de ceux et celles qui attendent les ordres des ambassades pour agir et je n’ai pas d’autre nationalité à part la nationalité tunisienne.
Tout le monde sait que nous sommes respectueux de la souveraineté de la Tunisie, notre engagement aux causes nationales. Ceux qui nous accusent de vouloir semer le trouble et la discorde je leur dis : la discorde c’est quand tu incendies les mausolées de tes ancêtres, c’est quand tu refuses de reconnaître la langue de tes ancêtres alors que les langues turques et perses sont enseignées dans nos universités. A bon entendeur…
C’est dommage qu’elle est musulmane ?!
« Que les Tunisiens ne soient pas des Arabes est une vérité incontestable… » , phrase, qui à mon sens, aurait dû apparaître dans le titre, et non à la fin de l’article ! Eu égard à l’histoire de cette région d’Afrique du Nord, il était certainement temps que cette majorité de Tunisiens se fasse entendre et revendique haut et fort leur « amazighité » (histoire culturelle millénaire dont fait partie la dominante linguistique) ! La cause est légitime, faire reconnaître « son » amazighité, juste une normalité, du bon sens que de recouvrer « son » identité ! Ces militants comme leurs voisins d’Algérie, du Maroc, de Libye, d’Egypte, de Mauritanie prennent de facto, -fait et cause- contre l’expansionnisme de la langue Arabe dont la finalité est d’imposer ici et là, l’idéologie sectaire wahhabo-salafiste ! La langue du Coran doit demeurer langue du Coran, pas plus, comme en Indonésie (pays où l’on compte le plus grand nombre de Musulmans), ou d’Albanie (un peu plus de 82 % d’Albanais musulmans) ou encore Azerbaïdjan ( un peu plus de 98 % de la population est musulmane) ou encore de Gambie 95,3 %, Guinée 84 % pour ne citer que ces pays situés en Europe, en Asie, en Afrique … Le sage Kamal Attaturc, visionnaire et « avisé » a fait traduire le Coran dans la langue Turque et dernièrement, la Direction des affaires religieuses, qui est la plus haute instance islamique de Turquie, à songer à la composante Arménienne en traduisant le Coran dans les deux principaux dialectes occidental et oriental arméniens. ! Le cultuel au détriment du culturel, une aberration point vue chez les croyants du monde « pratiquants » des deux premières religions monothéïstes !
« Que les Tunisiens ne soient pas des Arabes est une vérité incontestable… » , phrase, qui à mon sens, aurait dû apparaître dans le titre, et non à la fin de l’article ! Eu égard à l’histoire de cette région d’Afrique du Nord, il était certainement temps que cette majorité de Tunisiens se fasse entendre et revendique haut et fort leur « amazighité » (histoire culturelle millénaire dont fait partie la dominante linguistique) ! La cause est légitime, faire reconnaître « son » amazighité, juste une normalité, du bon sens que de recouvrer « son » identité ! Ces militants comme leurs voisins d’Algérie, du Maroc, de Libye, d’Egypte, de Mauritanie prennent de facto, -fait et cause- contre l’expansionnisme de la langue Arabe dont la finalité est d’imposer ici et là, l’idéologie sectaire wahhabo-salafiste ! La langue du Coran doit demeurer langue du Coran, pas plus, comme en Indonésie (pays où l’on compte le plus grand nombre de Musulmans), ou d’Albanie (un peu plus de 82 % d’Albanais musulmans) ou encore Azerbaïdjan ( un peu plus de 98 % de la population est musulmane) ou encore de Gambie 95,3 %, Guinée 84 % pour ne citer que ces pays situés en Europe, en Asie, en Afrique … Le sage Kamal Attaturc, visionnaire et « avisé » a fait traduire le Coran dans la langue Turque et dernièrement, la Direction des affaires religieuses, qui est la plus haute instance islamique de Turquie, a songé à la composante Arménienne en traduisant le Coran dans les deux principaux dialectes occidental et oriental arméniens. ! Le cultuel au détriment du culturel, une aberration point vue chez les autres croyants du monde, ceux « pratiquants » des deux premières religions monothéïstes ! Ne m’identifiant jamais aux sujets des dynastes à la ghutra, j’assume et revendique mon appartenance d’Africaine du Nord ! Khadidja