Qu’est-ce la culture du travail, comment la valoriser aujourd’hui? Comment s’exprime-t-elle, quel est son avenir ? Cela dit de quoi avons-nous besoin au juste ? Serait-ce pour être reconnu socialement ?
Il est clair qu’aujourd’hui, la valeur du travail n’est pas à l’ordre du jour. Loin s’en faut. Un constat autour duquel nombre d’experts et psychologues se sont relayés pour apporter des pistes de réflexion. Certains ont mis l’accent sur la nature du conflit entre le salarié et l’employeur. Il est question ici d’identifier et de trouver les causes à l’origine du conflit. Généralement, ils sont liés à des signes de tension, de stress, de malentendus.
Alors que d’autres conflits évoquent des conflits de générations, il y a bien une incompatibilité d’humeur entre les juniors et les seniors. Et pour cause : compétences remise en cause, différence au niveau de la méthode de travail, incompréhension, inadéquation entre le salaire et les compétences.
Depuis le 14 janvier, le pays est confronté à une montagne de problèmes d’ordre économique, social, politique et sécuritaire. La perception même de la valeur travail a changé. En effet, ils sont 44% des sondés à considérer qu’ils n’y attachent pas beaucoup d’importance contre 23% qui estiment qu’elle n’a pas changé, selon une étude récente de Sigma Conseil.
Après avoir scandé “Liberté, dignité, et travail”, lors du fameux 14 janvier, qu’en est-il cinq ans plus tard ? Un constat inquiétant : le chômage est reparti à la hausse, d’après l’Institut national des statistiques, où on compte un taux de chômage à hauteur de 15.6% au deuxième trimestre de l’année 2016, contre 15.3 % (deuxième trimestre de 2015).
On a beau évoquer une culture du travail orientée entreprise, la mentalité d’assisté chez les jeunes, surtout en ces temps de précarité à tous les niveaux, persiste et signe. Plutôt que de se prendre en main, les jeunes préfèrent recourir à l’aide de la famille tout en espérant décrocher un poste stable dans la fonction publique, la planque en somme, sans se préoccuper s’ils ont la compétence requise. Or le système éducatif à l’heure actuelle ne fournit pas cette compétence, il est à revoir de fond en comble, du primaire jusqu’aux études supérieures. Il y va de l’avenir de ce pays.
Travailler signifie exister. Or combien sont-ils à le penser ? Insaf Robbana, psychologue, nous livre son diagnostic sur l’attitude défaitiste des jeunes : selon elle, il s’agit de la crainte des privations qui pousse à rechercher le gain facile plutôt que le statut social que procurerait le travail durement obtenu.
Elle ajoute: “Les gens veulent tout et rapidement”. Pour elle, la solution réside à prendre l’initiative dès la maternelle, en soulignant: “Il faut s’y prendre tôt pour revaloriser la valeur travail .Et à partir de là, on voit le rôle important que doivent jouer les enseignants”.
“Pourquoi ne pas se référer aux contes de Aroui dans lesquels il valorise le travail des artisans avec proverbes tunisiens à l’appui”, explique-t-elle. A titre d’exemple: “ youfa mâl ejjeddine wa tbka sanet el iddine” ?
En psychologie, d’après Dr Robbana, “ il y a l’estime de soi qu’on doit mettre en valeur. Il faut mettre l’accent sur la technologie qui avance à grands pas et si on ne prend pas le train en marche, on risque d’être dépassé même dans sa vie de tous les jours”.
Qu’en pense l’UGTT?
Garantir le bien-être de ses salariés, c’est ce qui devrait être fait, témoigne Sami Tahri, secrétaire général adjoint de l’UGTT. Selon lui, la culture du travail chez le Tunisien ne date pas d’hier, elle existe depuis plus de 3000 ans, et aujourd’hui elle nécessiterait un encadrement, un management, une remise en valeur. Autrement dit, un travail décent, souligne-t-il, qui assure à la fois une décision de l’organisation du travail : sur les salaires, les horaires du travail, les moyens du transport, et il faudrait que les hommes d’affaires puissent prendre conscience que les hommes ne sont pas des machines, mais des êtres qui ont besoin d’être valorisés.
Il explique: “Le Tunisien est par nature un bosseur, il suffit d’avoir la bonne astuce de le motiver pour le rendre plus productif encore”.
Selon lui, il est tout à fait normal, comme dans toute phase de transition démocratique, qu’ il y ait un certain laxisme, un relâchement des institutions durant laquelle la valeur du travail est en situation de burn-out. Et ce n’est qu’une phase passagère.
Il faut également garder à l’esprit que c’est bien l’administration et les institutions de l’Etat qui ont sauvé le pays durant les premiers jours du 14 janvier.
Il ajoute: “Mais ce qu’on entend durant ces derniers jours, comment valoriser la culture du travail, n’est autre qu’un message purement politique et économique, dans le but de s’éloigner des vrais problèmes comme l’évasion fiscale. Il faut donc revoir tout le processus de production, entre autres.
En somme, repenser la culture du travail par ces temps de crise pourrait aider à surmonter les obstacles qui empêchent les populations de se retrousser les manches, de prendre conscience que se remettre sérieusement au travail, tous ensemble, n’est pas seulement fondamental, c’est tout bonnement une question de vie ou de mort pour notre pays.