Le Département Recherche de l’intermédiaire en Bourse MAC SA a consacré son récent billet économique au nouveau taux interbancaire : « Le TUNIBOR ».
Il y a toujours un risque de manipulation du Tunibor par des banques de la place. Quand la croissance est de retour, certaines banques, à la recherche d’une marge plus juteuse, peuvent être amenées à majorer les taux proposés afin de pousser le taux interbancaire de la place (Tunibor) à la hausse.
Ou, au contraire, lorsqu’une banque se retrouve dans une situation de fragilité financière, elle risque d’encaisser une prime de risque plus élevée (majoration du Tunibor) quand elle s’adresse aux autres banques pour demander de la liquidité. Pour éviter un tel risque, elle serait tentée de cacher sa fragilité en annonçant, lors de la procédure du calcul du taux interbancaire, un Tunibor faible pour pouvoir profiter de la liquidité à bon marché.
Si de telles manipulations se limiteront à une seule banque, l’impact sur le taux de référence est quasi nul, car, dans la procédure de détermination du Tunibor de référence, les propositions de taux les plus extrêmes (à la baisse ou à la hausse) seront impérativement écartées.
Par contre, si plusieurs banques s’entendent sur la volonté de manipuler les cotations, le risque devient plus sérieux. Car, une telle entente pèsera sur le niveau du Tunibor, et du coup, sur tous les contrats et les produits financiers associés (dérivés et autres).
En décembre 2013, la Commission européenne a infligé des sanctions (une amende de 1,71 milliard d’euros) à six banques impliquées dans la manipulation des taux du marché interbancaire (Euribor, Libor, Tibor). Au lieu de favoriser la concurrence sur le marché des produits dérivés, ces banques ont scellé une entente pour agir sur le taux.
La plus forte sanction revient à la Deutsche Bank (725 millions d’euros d’amende) et la Société Générale (446 millions d’euros). Quatre autres banques ont écopé de sanctions moins douloureuses.
Alors que deux autres ont échappé à la sentence : la Barclays (économise 690 millions d’euros) et l’UBS (2,5 milliards d’euros) pour avoir révélé l’existence de l’entente à la Commission européenne.
Un scénario à ne pas exclure en Tunisie tant que la détermination du régulateur à faire respecter les textes réglementaires n’est pas toujours au rendez-vous. L’amertume ressentie après l’échec de la mise en place du compartiment secondaire du marché obligataire, nous offre un très bon exemple.
Le lancement du Tunibor est aujourd’hui une occasion pour les autorités monétaires et financières de réussir la modernisation du marché des capitaux.
*La BCT devrait offrir aux entreprises tunisiennes l’opportunité de gérer leur risque de taux d’intérêt, en lançant les produits dérivés les plus adaptés à la gestion de ce type de risque (les Swaps de taux, les FRA forward Rate Agreement…).
*La BCT devrait veiller au respect des obligations des contributeurs en matière de cotation des taux d’intérêt, pour éviter qu’un groupe de banques s’accorde pour sceller une entente et du coup fausser les mécanismes de marché.
*Les autorités tunisiennes doivent au plus vite engager une dynamique de réforme dans le marché obligataire, afin de doter la place de Tunis d’une véritable courbe de taux. Une courbe nécessaire pour développer les instruments dérivés de gestion du risque de taux et indispensable pour moderniser le segment BFI des banques.
Certes, un pas a été franchi pour échapper aux dictats du TMM. La place de Tunis gagnera en attractivité grâce à ce type de réforme. Néanmoins, tant que la mauvaise performance de l’économie tunisienne continue de peser sur le système financier, via le climat des affaires, la prudence doit être de mise. Car des réformes « à la va-vite» peuvent très vite devenir contre productives, surtout lorsque le régulateur brille par son excès de conservatisme et son manque de détermination pour sanctionner les dérapages.