Vérité incontestable : les établissements publics connaissent un sureffectif de fonctionnaires et ce à partir de 2012. Recrutements abusifs et nominations partisanes ont préparé le terrain à leur paralysie. Retour sur une situation inquiétante….
D’ailleurs plusieurs organismes ont tiré la sonnette d’alarme face au sureffectif au sein des établissements de l’Etat (ministères et entreprises publiques).
Les économistes et les activistes de la société civile l’ont crié sur tous les toits. En effet, en mars 2013, Abdel Kader Labaoui, président de l’Union tunisienne du service public et de la neutralité de l’administration, expose des chiffres alarmants lors d’une conférence de presse tenue à Tunis. D’après lui, 90 % des nominations dans le secteur public depuis le mois de décembre 2011 et jusqu’au mois de février 2013 ont été faites par le gouvernement Jebali sur la base d’orientations partisanes.
Pis encore, quelques ministres ont avoué que le sureffectif empêche le bon déroulement des activités et le rendement de l’établissement public. Pour ne citer qu’un seul exemple, Latifa Lakhder, ministre de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine sous Habib Essid, avait déclaré que 70% du budget de son ministère est affecté au versement des salaires d’un nombre pléthorique de fonctionnaires, soit 7 000.
L’Institut national des statistiques (INS), quant à lui, a donné son éclairage en chiffres sur la situation au mois de juillet 2016. Dans un rapport intitulé « Caractéristiques des agents publics et leurs salaires 2010-2014 » on peut lire ce qui suit :
« Le nombre des agents de la Fonction publique atteint 591.200
en 2014 contre 435.500 en 2010, soit une augmentation de l’effectif de 155.700 agents, durant ces cinq années, enregistrant ainsi un accroissement annuel moyen au taux de 6,3% l’an sur la période 2010-2014 ».
Le même rapport indique que la majorité des fonctionnaires (66,7%) étaient payés entre 600 et 800 dinars en 2014 contre 51,1% qui touchaient moins de 600 dinars en 2010. Actuellement la masse salariale représente 13% du PIB, d’après des sources concordantes.
Malgré le changement des gouvernements, le recours à la même stratégie persiste : on recrute dans la fonction publique et les établissements étatiques toutes les fois qu’un mouvement social se déclenche. Dans cette logique, deux grands recrutements sont prévus. Et pas n’importe lesquels : la CPG envisage de recruter 1700 agents malgré sa situation difficile et la Société des transports de Tunis (TRANSTU) vient de lancer un avis pour le recrutement de 992 employés malgré les pertes qu’elles endurent depuis 2011.
Pourquoi l’Etat continue-t-il à adopter la même démarche soit les recrutements abusifs pour des entreprises déficitaires ?
Pour Moez Joudi, les gouvernements successifs ont opté pour une solution de facilité, toutes les fois qu’il s’est agi de préserver la paix sociale. Bien que cette stratégie ait montré ses limites,
« On n’en a pas tiré les enseignement nécessaires », affirme-t-il. « Résultat des courses : on se retrouve avec des responsables qui manquent de compétence, qui improvisent et qui prennent des solutions politiques par rapport à des calculs électoraux », assène-t-il.
D’où l’incapacité des responsables à prendre les bonnes décisions au moment opportun. Pour remédier à cette situation périlleuse, Moez Joudi s’en tient à ce qu’il a toujours soutenu, à savoir « recourir à la dictature de la loi ».
Où va-t-on avec cette logique des recrutements abusifs ?
Pour le président d’honneur du Conseil national de l’ordre des experts-comptables, M. Nabil Abdellatif, plusieurs entreprises publiques ont déjà fait faillite à cause d’une masse salariale insoutenable. Les pouvoirs publics se gardent bien de l’annoncer et préfèrent recourir à l’acharnement thérapeutique, à savoir injecter sans cesse des liquidités sans se soucier de l’autre grand problème des entreprises publiques soit l’absence de gouvernance, fait-il remarquer.
« Ainsi, s’il s’avère nécessaire d’appliquer des mesures d’austérité, il vaut mieux les appliquer sur les entreprises publiques déficitaires plutôt que sur les citoyens », ajoute-t-il.
En tout état de cause, un audit pertinent et global s’avère plus que nécessaire pour sortir de cette situation périlleuse. Cela va permettre de savoir quelles sont les entreprises publiques qu’on peut sauver, enchaîne-t-il.
Il conclut sur cette interrogation : « Pourquoi l’Etat n’a-t-il pas converti ou créé des entreprises publiques dans le domaine des énergies renouvelables et les nouvelles technologies pourtant il s’agit de secteurs stratégiques ? ».
Mais comment voulez vous que les étrangers investissent, qu’il y ait un « Plan Marshall » pour la Tunisie, que l’Union Européenne se penche sur notre cas quand ils sont au courant qu’une telle gabegie orchestrée par des incapables va nous mener certainement droit au mur…