Ils sont venus de plusieurs pays méditerranéens armés de leurs présentations et de leur savoir pour un objectif unique : débattre sur le sujet de la filière blé dur en Méditerranée. De France, du Maroc, ils sont venus pour participer à un colloque international intitulé « Mobiliser les savoirs pour un développement durable de la filière blé dur en Méditerranée », organisé par le Pôle de Compétitivité de Bizerte et le Syndicat des agriculteurs de Tunisie en collaboration avec la plateforme Blé dur en France. Le colloque a réussi à être un bon terrain d’échange et de réflexion.
En bon maître de cérémonie, Kamel Belkahia a pris soin de présenter le sujet du colloque tout en estimant que c’est crucial pour la sécurité alimentaire et présente un intérêt commun pour les pays méditerranéens, raison pour laquelle des partenaires sont venus de l’autre rive du Méditerranée pour débattre du sujet et enrichir le débat.
Au-delà de la volonté de lancer le débat autour du blé dur, une réflexion se pose sur la situation actuelle des céréales, notamment la filière du blé dur et les méthodes de promotion de la recherche scientifique dans ce secteur. Ainsi vu l’ampleur de la problématique une brochette de spécialités ont été mobilisées pour soulever la question.
La céréaliculture en Tunisie : Où en est- on ?
Concernant l’état des lieux de la céréaliculture en Tunisie, les données du ministère de l’Agriculture indiquent que la céréaliculture occupe le tiers de la superficie agricole utile avec 1.3 million d’hectares durant la dernière décennie et c’est une activité qui fait travailler 50% de la main-d’œuvre agricole soit 240 mille agriculteurs et nécessite 2.5 millions de jour de travail par an.
La production des céréales a peu augmenté entre 2003 et 2014 (en moyenne +2.5% par an) et a enregistré son plus bas niveau en 2010 avec 10.8 millions de quintaux toutes céréales confondues.
La première des difficultés d’après Leith Ben Becher, président du SYNAGRI est la variabilité interannuelle, la succession des années de sécheresse surtout que l’agriculture tunisienne est une agriculture pluvieuse.
Il a recommandé que la recherche scientifique accompagne les études sur la fertilité du sol. « Le blé dur devrait être considéré comme une filière intégrée », indique-t-il et d’estimer qu’il faut adapter l’exemple européen à la réalité du pays. Dans le même contexte, il s’est prononcé pour une politique agricole globale.
Pays maghrébins :mêmes défis
Les interventions qui se sont succédé ont fait remarquer qu’il ne s’agit pas d’un sujet uniquement tunisien, bien au contraire, c’est un sujet d’intérêt commun entre les différents pays méditerranéens, ce qui nécessite une collaboration étroite entre les différents acteurs et les différents pays.
C’est dans ce sens que l’intervention de Jean-Louis Rastoin, Chaire UNESCO en alimentation et professeur à Supagro, a évolué. Pour lui la filière blé dur en Méditerranée se trouve face à plusieurs défis. En premier lieu, l’intervenant a évoqué la dynamique de la consommation – du fait de la convergence des modes de vie vers un modèle urbain et industriel – tend à s’orienter vers les produits dérivés du blé tendre plutôt que du blé dur.
En deuxième lieu, il s’agit, toujours selon le spécialiste, des irrégularités des productions liées à la pluviométrie, tandis que le réchauffement de la planète induit un plafonnement des rendements. En troisième lieu, l’intervenant a constaté un effritement des positions commerciales des exportateurs européens dans la zone au profit des pays tiers, notamment le Canada.
Le spécialiste a considéré que le cadre stratégique de la filière doit être envisagé sur le long terme et non en fonction d’une conjoncture fluctuante au gré de la volatilité des marchés et du court-termisme des décideurs politiques et financiers.
La plateforme française blé dur : exemple à tunisifier ?
Présenté par Jaques Mathieu, chercheur auprès d’Arvalis-Institut du Végétal, l’intervenant a expliqué les spécificités de la plateforme et sa valeur ajoutée.
Son devis est « produire mieux et plus ». Elle semble être un bon exemple pour le partenariat public-privé. D’après l’intervenant la plateforme a renforcé les synergies entre la recherche publique (INRA, supagro), la recherche publique (sélectionneur de GIE Blé dur, collecteur blé dur, collecteur au travers des coopératives, transformateurs réunis autour de cfsi-SIFPAF).
Intervenant pour expliquer l’expérience marocaine avec le blé, un responsable de l’Office marocain des céréales a affirmé que l’Etat achète, dans les années de sécheresse, des pourcentages de la récolte afin de promouvoir l’agriculture et d’aider les agriculteurs. Par ailleurs, il a estimé que le secteur des céréales a les mêmes caractéristiques et doit faire face aux mêmes problèmes entre les deux pays, à savoir la Tunisie et le Maroc.