« L’arrogance est comprise comme un acte d’incommunication doublé d’une imposture stratégique. Car en niant l’interaction, on ne peut la maîtriser. Et en ne se donnant pas les moyens de sa maîtrise, on court inexorablement vers la défaite ». Nicolas Moinet
« L’Islam politique prédominera, c’est une question de temps… », c’est la prédiction de Abdeljelil Ben Salem, président de la Zeitouna de 2011 à 2014 et qui est devenu par la volonté de ses ténors de la faction islamiste ministre des Affaires Religieuses. Il avait proféré cette rodomontade devant un parterre d’affidés lors d’une conférence intitulée « La charia et la Constitution » à la mosquée Zeitouna. La vidéo date de 2012, elle a été reprise sur les réseaux sociaux et commentée dans quelques médias comme un rappel aux amnésiques. Ce fervent sermon a été prononcé, en présence de Rached Ghannouchi et Abdelfattah Mourou!
Nous voilà prévenu donc de ce qui nous attend par la voix et l’image de ce sectateur exalté de « l’islamisme modéré ». On saisit alors pour la énième fois en quoi le projet d’Ennahdha semble condamnable et dangereux pour la société tunisienne et pour la Tunisie.
On voit bien aussi quel pedigree on nous choisi pour assainir les mosquées infestées et comment on agit afin de propager un discours de tolérance, inculquer un islam apaisé sans interférence avec la politique ni les sectarismes! Sortir de la simple foi pour vouloir imposer un projet idéologique et une vision étriquée à une société qui résiste, mène toujours à la violence et à la haine. A la différence du terroriste qui peut commettre des crimes de sang, le dogmatique est un possédé qui ne veut transiger avec aucune forme de sens pour précipiter le règne de SA vérité. Il ira jusqu’à tuer pour faire triompher son idéologie. Les deux sont la plupart du temps manipulés, achetés par des intérêts qui souvent les dépassent.
Ni le dernier congrès destiné à faire reluire l’image de ce mouvement, ni les déclarations lénifiantes et édulcorées n’arriveront à mystifier les Tunisiens. Est-ce avec une semblable grille de lecture que nous allons résoudre nos problèmes? Faut-il supposer que des réglages mentaux ont été effectués depuis, pour que des responsabilités nationales soient confiées à des personnages de cet acabit? Il serait naïf d’attendre qu’Ennahdha se démarque de ce genre de propos!
Par contre, ce qui est inadmissible, c’est le mépris avec lequel les milieux du pouvoir traitent les réactions de la société civile et des commentateurs libres. Pour les nouveaux arrivants qui sont arrivés, déjà imbus d’eux-mêmes, il n’est pas question de s’y attarder pour se justifier, ni pour rectifier leur mauvais choix. Ils tiennent pour rien ce qui n’est manifestement pas rien. Le plus choquant, dans cette affaire, c’est le silence dédaigneux. Pourquoi tant d’indifférence de la part du chef de gouvernement? Le cas de ce personnage estampillé islamiste fondamental, enfourné sur le radeau de la méduse revu et corrigé par le locataire de Carthage, mérite davantage que cette indifférence et ce mépris qui trahissent les conditions de la formation d’un gouvernement, produit faisandé du népotisme, de l’irrésolution et du volontarisme apocryphe.
Que tous ceux qui prétendent à la gouvernance comprennent une fois pour toute, qu’un bouleversement complet s’est produit dans ce pays. L’éveil de la conscience d’un peuple ne peut se suspendre ni se soumettre. Les citoyens perçoivent tout et savent tout. Ils n’ont pas toujours raison, mais il est impossible de reconstruire la confiance en sous-estimant à ce point les récepteurs qu’ils sont. Ceux du gouvernement doivent savoir que la pratique de l’humilité, qui est exigée, requiert beaucoup de courage, contrairement à ce qu’ils semblent penser. Il convient d’attirer leur attention aussi sur le fait qu’il y a actuellement une réelle incommunication. Le retour éventuel de la confiance est lié aux réalisations escomptées, mais aussi à une communication politique ajustée et crédible. La confiance est indispensable pour légitimer un pouvoir et le rendre acceptable. Rien n’est pire que ceux qui n’ont rien appris des déboires de leurs prédécesseurs.
Au-delà du personnage imposé et qui sent le souffre, cet épisode révèle une autre signification plus générale. Il semble que ces gouvernants nous disent : « Journalistes ou simples citoyens, vous pouvez toujours critiquer, dénoncer, apostropher le gouvernement, c’est pareillement que de crier dans le désert! Votre voix est aussi inaudible que la plainte d’un aphone! Dormez tranquilles braves gens, l’omerta veille encore et toujours sur vous, on s’occupe de tout, tout est pour le mieux, fermez les yeux… bouchez vos oreilles… Dormez… dormez… dormez… dormez…»