Revenant sur les propos annoncés hier soir par le Chef du gouvernement, Youssef Chahed, l’expert-comptable Walid Ben Salah a affirmé que concernant les questions de fond les plus prioritaires, il n’y a pas eu de propostions et d’actions concrètes, mais il s’agit tout simplement d’un discours marqué par le même problème d’approche que les gouvernements précédents.
Ainsi, M. Ben Salah a précisé qu’un gouvernement qui se respecte, doit arrêter un plan d’actions à court, moyen et long termes. Ce plan doit être annoncé au public et même approuvé par l’ARP pour s’inscrire dans le cadre du Plan de Développement 2016/2020.
Or, à ce jour, le gouvernement Chahed n’a pas de plan d’actions et il est resté dans les mêmes slogans que les gouvernements précédents, et notamment l’engagement de relancer l’économie tunisienne, à travers la mise en place des réformes nécessaires.
Néanmoins, lorsqu’on parle de la relance économique, il faut dépasser les effets d’annonce et miser sur les différents facteurs de relance, à savoir l’investissement, les grands projets, etc.
Sur le plan fiscal, il a parlé de la contribution conjoncturelle des sociétés de 7,5% de l’impôt sur les sociétés. Cette mesure va, selon l’expert-comptable, augmenter la pression fiscale et par conséquent diminuer l’investissement. Sachant que le niveau de la pression est déjà élevé.
En ce qui concerne la création d’une «police fiscale» et d’un dispositif de 250 contrôleurs fiscaux supplémentaires, M. Chahed a parlé d’un recouvrement sur terrain par de simples agents fiscaux, or la police fiscale a un rôle différent, celui de contrecarrer les problèmes de fond dont les fraudes fiscales, le blanchiment d’argent…
En France par exemple, la police fiscale est formée de très hauts cadres (experts comptables, financiers…) qui travaillent dans des bureaux et qui sont bien payés pour éviter d’être corrompus.
Sur un autre plan, le chef du gouvernement a prévu un taux de croissance de 3% en 2017. En réaction, Walid Ben Salah a indiqué qu’il faut être très optimiste pour prévoir ce taux, au moment où le ministre des Finances a prévu, ce matin, un taux de 2,3% et le FMI a abaissé ses prévisions à 2 et 2,5%.
S’agissant de la lutte contre le marché parallèle et la corruption, Youssef Chahed a souligné que l’unique solution est de passer de l’informel vers le formel. Mais, il n’a rien présenté de concret, ni chiffres clefs, ni programmes clairs.
Contrairement à ce qu’il a annoncé, le problème de l’informel en Tunisie ne se résout pas par l’aménagement de locaux idoines destinés aux marchands ambulants. Il faut s’attaquer directement aux portes d’entrée, aux barrons de la contrebande, aux produits importés…
Au plan de la lutte contre le chômage, il fallait que le responsable annonce que l’objectif est d’abaisser le taux de chômage de 15,8% à 12% en optant pour des programmes clairs.
Néanmoins, il a annoncé, dans ce contexte, la création d’un «Contrats de dignité» pour une durée de deux ans qui va coûter pour l’Etat 120 MDt par an. Il concernera 25 mille demandeurs d’emploi diplômés du supérieur.
Contrairement à cette décision, la Tunisie a besoin, aujourd’hui, d’emplois durables et non précaires. Ainsi, de telles décisions doivent être bien étudiées, en prenant en compte les besoins de l’économie nationale, notamment des entreprises qui souffrent déjà de problèmes financiers.
Quant aux problèmes de l’habitat, le chef du gouvernement a affirmé que l’Etat fournira sous forme de crédit l’autofinancement du premier logement. Cette action va faire naître de la concurrence déloyale dans le secteur bancaire.
Il fallait plutôt abaisser le taux d’autofinancement de 20% à 5% par exemple, augmenter la période d’octroi du crédit immobilier à 30 ans par exemple, bonifier le taux d’intérêt à certains bénéficiaires. Ce qui permettra d’améliorer les performances du secteur bancaire et ne coûtera rien à l’Etat.
M. Chahed a également parlé du report des augmentations salariales à 2019, mais jusque là, ce sujet n’a pas été discuté avec les syndicats et patronats.
Le responsable n’a pas réellement misé sur des solutions pratiques pour résoudre des problèmes prioritaires et faire face à la situation critique que connait le pays depuis des années: déficit de la balance commerciale, balance de paiement, contrebande, corruption…, la réforme de l’administration fiscale qui apportera beaucoup de gains aux caisses de l’Etat.
Au final, M. Ben Salah a préconisé de mettre en place l’Instance constitutionnelle du développement durable et des droits des générations futures. Entre autres, il faut créer un Conseil économique et social et désigner de bons conseillers dans les plus brefs délais.