Les marges de manœuvre du Gouvernement d’union nationale en matière de conduite des politiques économiques, et surtout pour la mise en œuvre des réformes annoncées, seront extrêmement limitées, voire fragilisées, si un assainissement préalable et opérationnel des finances publiques tardait à être implémenté.
Quelles seraient réellement ces marges de manœuvre? Existe-t-il des solutions à la dépréciation galopante du dinar qui risque de s’amplifier et de fait de handicaper la compétitivité à l’exportation et d’alourdir le service de la dette externe en devises? Serons-nous encore servis de mesures purement populistes qui ne feraient que perdurer la crise de crédibilité du gouvernement?
C’est à cet ensemble d’interrogations qu’un rapport technique sur les marges de manœuvre du nouveau Gouvernement d’union nationale compte-tenu des déficits des finances publiques, des besoins de financement courants en devises et leurs impacts prospectifs sur la dépréciation du taux de change du dinar, a été publié par l’IACE, en date du 20 octobre 2016.
Par rapport à la fin de l’année 2015 et jusqu’à fin juin 2016, le cours moyen du marché interbancaire en fin de période du dinar a enregistré une dépréciation vis-à-vis de l’euro de 9% (contre 3,3% au premier trimestre), du dollar américain de 7,3% (contre une appréciation de 0,7% au premier trimestre), du yen japonais (20,9%) et du dirham marocain (8,6%).
En termes de moyennes sur la période, au premier semestre 2016 et en comparaison de la même période de l’année écoulée, le taux de change du dinar a enregistré une dépréciation de 5,6% à l’égard de l’euro et du dollar américain, de 12,2% vis-à-vis du yen japonais et de 4,5% vis- à-vis du dirham marocain. Sur les huit premiers mois de 2016, la dépréciation du cours du dinar sur le marché interbancaire par rapport à l’euro et au dollar s’est même creusée à près de 8%, en rapport avec la détérioration alarmante et sans précédent du déficit courant.
Dans le même temps, la baisse du solde des opérations en capital et financières, ajoutée aux pressions inflationnistes internes, ne font qu’aggraver encore plus les contraintes auxquelles fera face le nouveau Gouvernement d’union nationale pour la mobilisation des ressources externes de financement des déficits publics, aussi bien pour la loi de finances complémentaire de 2016 (dont un premier projet fût discuté le vendredi 23 septembre 2016 en conseil des ministres), la loi de finances et le budget de l’Etat de 2017, ainsi que du budget économique de 2017.
Parallèlement, et du fait que la Banque centrale de Tunisie (BCT) a progressivement allégé, sinon annulé, ses mécanismes d’intervention sur le marché de change, afin de soutenir la parité du dinar, l’amenuisement des réserves de change, faute de mobilisation de ressources en devises, exercera inéluctablement des pressions baissières additionnelles sur le cours du dinar. Car en dépit de la conclusion par la Tunisie d’un accord de principe avec le FMI au titre d’une nouvelle ligne de facilité de crédit élargie, pour mobiliser 2.9 milliards de $ sur quatre ans, 1.7 milliard de $ de ce nouvel arrangement seront utilisés pour rembourser le prêt stand by précédent.
De même, le programme encore en discussion avec la Banque Mondiale d’une enveloppe de cinq milliards de $ pour les cinq années à venir pourrait connaître des conditions plus drastiques du volet concessionnel du fait que depuis juillet 2016, la Tunisie a été déclassée par cette institution dans la tranche inférieure des pays à revenus intermédiaires avec un PIB par tête de 3970 dollars US (contre une moyenne régionale de 8207 dollars par tête dans la zone MENA), alors qu’elle était pendant plusieurs années auparavant dans le groupe des pays à revenu intermédiaire supérieur. Enfin, la dernière opération en date d’émission obligataire au mois d’août 2016 sur le marché obligataire américain, pilotée par la BCT et garantie par l’agence américaine pour le développement international (USAID), et ce pour un montant de 500 millions de dollars US d’une maturité de cinq ans, a été quasiment absorbée dans des tirages d’appuis budgétaires.
Les éléments contextuels précédents interviennent alors même que depuis le mois de mars 2016, l’agence Fitch Ratings a dégradé la notation souveraine de la Tunisie à BB- avec perspectives négatives contre perspectives stables auparavant, tout en demeurant dans le grade spéculatif. L’agence a indiqué que le recul des projections de la croissance en 2016 de 2% à 1.2% demeure la principale préoccupation, malgré les efforts du gouvernement.