Il venait d’avoir 84 ans le 19 octobre dernier: Tahar Kacem a quitté sa Tunisie qu’il a toujours rêvée en couleur; des couleurs de justice sociale et de liberté.
Son cœur, comme tout le monde, il l’avait à gauche mais plus à gauche encore que la plupart des gens, car très vite après un court passage dans l’enseignement de la langue arabe, – il était licencié, une licence doublée d’une formation supérieure en langue anglaise- , il n’a pas fallu le convaincre pour qu’il se lance dans la politique. Il va successivement être fonctionnaire au ministère du Plan et des Finances (1961), chef de cabinet auprès d’Ahmed Ben Salah (1963), très jeune gouverneur, à 34 ans, à Béja (1966-1968) puis, début 1969, président de l’Union nationale des coopératives. Partageant l’idéal d’existence des trois secteurs public, privé et des coopératives, l’homme de gauche, le militant au sein de l’UGET et de l’UGTT qu’il était, s’est lancé, par conviction, aux côtés d’Ahmed Ben Salah dans l’expérience collectiviste. L’arrêt brutal de cette démarche lui a valu, en 1970, à 38 ans, une condamnation à cinq ans de travaux forcés par la Haute cour de justice pour haute trahison. Il a purgé trois ans et 2 mois sous le régime de l’isolement, dans le couloir des condamnés à mort, à la Prison civile de Tunis. Mais il n’a jamais plié. Debout il est resté fidèle à ses convictions et à ses compagnons d’armes qu’il n’a jamais voulu renier.
Sa galère n’en avait pas fini pour autant puisque en 1977, son engagement au sein du Mouvement de l’Unité populaire (MUP), dont il était l’un des fondateurs et qui était viscéralement opposé au régime Bourguiba, lui avait valu d’en payer le prix avec un retour dans les geôles pour 2 années. Il en était ressorti atteint et affaibli par la maladie.
Alors que toutes les portes se fermaient devant lui, il trouvera un refuge en créant sa propre entreprise en 1987, dans une activité, à l’appellation proche de ses convictions, celle de détection et d’extinction des incendies. A l’âge de 80 ans passés l’esprit a continué de résister mais pas le corps!
Tahar Kacem était un militant, imprégné de patriotisme, d’un idéal de gauche sans équivoque. Il aspirait à une Tunisie juste, moderne et indépendante. Il est parti en léguant ses propres valeurs à ses enfants.
Allah Yarhamou wa inaamou.
Qu’il repose en paix!