Lassaâd Jamoussi, directeur de la 18ème édition des Journées théâtrales de Carthage(JTC), a tenu hier mercredi matin une conférence de presse au cours de laquelle il a présenté le programme de cette manifestation d’envergure internationale qui se déroulera du 18 au 26 novembre à Tunis et dans les régions.
Dès le début de la conférence, M. Lassâad Jamoussi directeur des Journées Théâtrales de Carthage, a invité les nombreux représentants des médias tunisiens et étrangers et les professionnels du théâtre à observer une minute de silence en la mémoire de Moncef Souissi, figure emblématique du théâtre tunisien et arabe et de la comédienne Saïda Sarray qui viennent de nous quitter.« Cette édition est dédiée à la mémoire de Feu Moncef Souissi, pionnier du théâtre tunisien et arabe et fondateur de la troupe de théâtre du Kef et des Journées théâtrales de Carthage. On ne peut qu’être reconnaissant à ce talentueux artiste qui a voué sa vie au théâtre et à la Tunisie », a déclaré d’emblée le directeur de la 18ème édition des JTC, Lassaâd Jamoussi, présentant, devant une bonne centaine de journalistes, les grands axes de la programmation de la session actuelle et mettant en exergue sa philosophie et ses nouveautés.
« Carrefour de rencontres entre les théâtres du Sud, l’Afrique et le Monde Arabe, d’une part, et les théâtres du Monde, d’autre part, les Journées théâtrales de Carthage (JTC) ont réussi à devenir au fil de leur histoire la plus importante manifestation théâtrale en Tunisie, dans le monde arabe et en Afrique. La 18e édition tente d’affirmer l’engagement de cette manifestation en faveur de la diversité culturelle et surtout de consolider la vocation arabe et africaine du festival, en donnant plus de visibilité aux créations théâtrales arabes et africaines contemporaines, en aidant à leur promotion ailleurs. Il y a certes l’esprit compétitif puisque pour figurer sur le catalogue des Journées théâtrales de Carthage, il faut que l’œuvre suggérée ne manque ni de créativité ni d’originalité. Il faut qu’elle apporte un souffle nouveau, qu’elle soit différente et innovante. Nous avons œuvré durant de longs mois pour pouvoir présenter une sélection d’œuvres dignes des JTC et de ce projet culturel et artistique tunisien qui tire ses origines de toute une stratégie, consacrant l’artiste arabe et africain », a précisé Lassaâd Jamoussi.
Décentralisation
Evoquant quelques moments forts de la précédente édition dont il a été le directeur, Lassaâd Jamoussi a souligné que l’équipe de l’édition 2016, partant du principe du droit de tous les Tunisiens à la culture, a beaucoup travaillé afin de renforcer la présence des JTC dans les régions intérieures de la Tunisie, ciblant surtout les publics jeune, scolaire et universitaire. « Renforcer la décentralisation était sur notre liste des priorités. Juste un petit rappel, l’édition précédente a su attirer 74.000 élèves et 31.000 étudiants. Précieux acquis à la faveur duquel nous avons mis tous les moyens pour le préserver. Et c’est dans cette logique que nous avons lancé le défi « Les JTC dans les 267 délégations » dans cette nouvelle édition. Nous avons signé des accords de partenariat avec les ministères de l’Education, de l’Enseignement supérieur, de la Justice… et nous avons tenu à programmer des représentations dans les institutions carcérales parce que nous sommes convaincus du rôle primordial de l’art et nous défendons le droit de chaque Tunisien à la culture là où il est », a déclaré Lassaâd Jamoussi.
Shakespeare au cœur
L’édition 2016 a mis l’accent sur le théâtre shakespearien et sur son impact sur les théâtres arabes célébrant à l’instar de la communauté internationale le 400ème anniversaire de la disparition de ce grand dramaturge. « Shakespeare sans frontières », tel est le thème du colloque qui sera organisé les 22 et 23 novembre et qui verra la participation d’éminents chercheurs et hommes de théâtre qui ont abordé de près le texte shakespearien.
Le 2ème volet de cet hommage au dramaturge anglais et universel est la programmation de plusieurs pièces adaptées des écrits de Shakespeare. « Même si les titres se ressemblent parfois, ces pièces représentent différentes visions de l’œuvre. Une sorte de regards croisés », a noté le directeur des JTC.
Quant au 3ème volet du programme spécial Shakespeare, les JTC proposent « l’Académie Shakespeare », l’une des nouveautés de l’édition.
» Conçue comme instrument d’éducation, de développement et de résistance à l’enfermement, à l’austérité et à l’isolationnisme, nous proposons « l’Académie Shakespeare », un atelier d’une semaine au profit de 20 étudiants issus des 4 pays suivants : Tunisie, Allemagne, Belgique et Egypte portant sur la question de savoir comment interpréter Shakespeare aujourd’hui dans des contextes différents. Ce programme est parrainé bénévolement par l’artiste tunisienne de renommée internationale Meriam Bousselmi. Il implique quatre institutions universitaires : l’université de Tunis, l’université de Hildsheim, l’université de Namur et l’université du Caire. Les quatre partenaires internationaux du projet sont responsables de l’organisation d’un l’atelier collectif d’une semaine dans leur pays « , a fait savoirLassaâd Jamoussi.
Label « JTC »
S’agissant de la soirée d’ouverture et de clôture, M. Lassâad Jamoussi a affirmé que les JTC se sont lancées depuis l’édition précédente dans une grande expérience artistique, reposant sur des coproductions entre les Journées théâtrales de Carthage et les hommes de théâtre tunisiens. Dans ce sens, l’ouverture prévue le 18 de ce mois sera marquée par la présentation en avant-première de la nouvelle coproduction JTC- Le Centre arabo- africain de formation et de recherches théâtrales « El Hamra », intitulée « Radeau ».
« Roméo et Juliette » est l’intitulé de la 2e coproduction entre les JTC et le jeune et talentueux homme de théâtre tunisien Ghazi Zoghbaniet qui sera présentée lors de la soirée de clôture le 26 novembre 2016. « Ces créations feront le tour des scènes avec le label JTC », a-t-il précisé.
Réseautage et opportunités
Les JTC organisent en 2016 des rencontres professionnelles qui réunissent tous les programmateurs africains, un nombre important de programmateurs arabes et un nombre croissant de tourneurs de spectacles européens, directeurs de théâtre, responsables d’organismes, directeurs de Festivals etc. « Nous avons plus d’une cinquantaine de programmateurs qui ont confirmé leur présence. Depuis deux ans, nous entreprenons une politique soutenue de réseautage, de networking, pour renforcer la présence internationale de nos artistes et faire des JTC la plus grande plateforme d’échanges sud – nord », a-t-il fait savoir.
Evoquant les nouvelles opportunités proposées par les JTC, Lassâad Jamoussi a souligné que pour la première fois de leur histoire, les JTC organisent des séances de pitching ou « showcase », destinées à offrir aux producteurs de théâtre tunisiens dont les productions sont en cours d’élaboration (Work in progress) et qui n’ont pas pu figurer dans la programmation officielle de l’édition, de présenter leurs projets aux programmateurs invités au festival.
La 2ème importante opportunité est le speed meeting : « Ce sont des rencontres rapides successives dont la durée maximale est de 20 mn, avec les programmateurs et les tourneurs venant de tous horizons, et ce, le 21 novembre 2016, à partir de 15h00 à l’hôtel Africa. Ce speed meeting est ouvert à toutes les troupes présentes aux JTC, aussi bien tunisiennes qu’étrangères. Les troupes ont la possibilité de déléguer un public- relation (producteur ou autre personne, présent aux JTC) pour représenter la pièce par simple demande de participation », a expliqué le directeur.
Artistes tunisiens, Sfax…
Un Festival entier de théâtre arabe et toute une programmation diversifiée, théâtre, animations, colloque, meublent ce programme conçu dans le cadre du partenariat entre les JTC et Sfax Capitale de la culture arabe 2016.
S’agissant de la part des artistes tunisiens dans cette édition, Ramzi Azaïez, membre du comité d’organisation, a précisé qu’au total 18 créations tunisiennes sont programmées et que chaque création sera jouée deux fois (36 représentations théâtrales tunisiennes dont 31 figurent sur le programme officiel).
Hommages et reconnaissance
La 18ème édition des JTC rend hommage à quatre femmes et hommes de théâtre qui se sont consacrés au service des valeurs de l’art oratoire et ont laissé une empreinte indélébile sur la marche du théâtre dans leurs pays respectifs : la Tunisienne Jalila Baccar, l’Ivoirienne Werewere Liking, l’Algérien Mohammed Adar, et le Béninois Béno Sanvé. Quatre parcours jalonnés de passion, de créations, d’abnégation, de sueur, de lutte pour que vive le théâtre en Afrique et dans le Monde Arabe sous le signe du renouvellement esthétique et éthique. Un hommage à titre posthume a été aussi rendu à Moncef Souissi, qui a tant fait pour les théâtres tunisien et arabe, à Saïda Sarray, une jeune comédienne qui avait tout l’avenir devant elle, à Ahmed Snoussi, magistral dans ses différents rôles, à Ahmed Ameur, dont la fameuse plume va nous manquer, et à Tayeb Saddiki, l’ami des JTC, l’un des monuments du théâtre marocain.
Consécrations
« Certaines institutions nous ont fait la proposition de décerner des prix aux jeunes artistes tunisiens. Le 1er prix, prix de la relève artistique, est d’une valeur de 12.000 euros et a été décerné par une compagnie artistique belge à un jeune Tunisien. Le 2e prix est décerné par l’UGTT au meilleur scénographe tunisien, le 3ème est celui des critiques et qui sera décerné par le Syndicat national des journalistes tunisiens alors que le 4e consacrera la meilleure comédienne tunisienne de l’édition et il sera décerné par la Fondation tunisienne « Femmes et mémoires ». Nous remercions ces entreprises qui ont voulu à titre volontaire appuyer la jeunesse artistique tunisienne », a précisé Lassaâd Jamoussi.