Il est difficile de trouver actuellement un sujet qui déchaîne autant les passions que celui de la loi de finances 2017 et notamment la question de la levée du secret bancaire. Ses détracteurs aiguisent leurs preuves et ses partisans intensifient leurs pressions.
Ce sont souvent les mêmes arguments qui sont repris d’un côté comme de l’autre. Pour le citoyen salarié lambda, qui n’a rien à dissimuler, le principe du secret bancaire revêt une connotation négative dans le sens où il suggère l’utilisation d’une pratique visant la non divulgation d’informations entraînant dans certains cas la fraude fiscale, l’évasion fiscale ou le blanchiment d’argent.
L’ampleur que prend la spéculation à tous les niveaux du marché en Tunisie a permis à certains un enrichissement facile et rapide. De grosses fortunes sont apparues du jour au lendemain même chez des politiciens, au moment où les salariés et les retraités voient leur pouvoir d’achat se réduire comme peau de chagrin. Cette fameuse levée du secret bancaire devrait être plus sélective et présumer que l’action du fisc porte sur une infraction réprimée par la loi, où les principaux concernés sont des fraudeurs à grande échelle qui coûtent le plus cher aux caisses de l’Etat.
Il convient de rappeler que ce débat de la levée du secret bancaire ne date pas d’aujourd’hui. Déjà le projet du Code des droits et des procédures fiscaux, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2002, avait prévu le principe de la levée du secret bancaire. Puis, la loi de finances complémentaire 2014, qui est entrée en application le 1er janvier 2015, comportait la levée du secret bancaire conditionnée. Un compromis avait été alors trouvé par l’ARP pour que la levée du secret bancaire passe par le recours à la justice.
Aujourd’hui, le gouvernement propose la suppression de ce passage par la justice, puisque le projet de loi donne plus de prérogatives à l’administration fiscale pour pouvoir appliquer elle-même la levée du secret bancaire. Le porte-parole du gouvernement a affirmé, comme pour justifier les carences des autorités publiques, « qu’on ne peut pas lutter contre la corruption avec un système bancaire opaque ».
Dans une note sur la loi de finances 2017, l’Utica a exprimé pour sa part un ensemble de remarques sur les principales dispositions et a avancé de nouvelles propositions. Cette note soulève des appréciations d’ordre général indiquant comment « l’entreprise paie le prix le plus élevé des dérives économiques et budgétaires », et dénonçant « les entraves à l’entrepreneuriat et à l’initiative privée, le renforcement bureaucratique et la faiblesse de l’Etat, les excès du train de vie de l’Etat »… Des appréciations fondées à plus d’un titre et partagées par de nombreux observateurs. Quant à la levée du secret bancaire, l’organisation patronale avance des arguments susceptibles de convaincre et à prendre en considération. Elle soutient que la levée du secret bancaire telle que proposée est « sans garantie […]
La nouvelle proposition de l’Administration est de supprimer le passage par le juge et conférerait aux services fiscaux, seuls et à eux seuls, le pouvoir d’exiger dans les 10 jours la levée du secret bancaire de n’importe quel contribuable, le prétexte étant que la Tunisie a signé des conventions internationales. Soit. Si ces conventions sont en contradiction avec notre législation, il est possible de donner dans ce cas dérogation et de passer par le juge en procédure d’urgence, ou de prévoir cette exception, en se fondant sur la demande de la partie étrangère, sans chercher prétexte à généralisation ».
Par ailleurs, la même note de l’UTICA soulève un aspect préoccupant, à savoir l’éventualité « d’accroître les sources de dérives corruptrices ». Il faut reconnaître que cette crainte n’est pas dénuée de fondement, elle est d’autant plus sérieuse que des présomptions de corruption planent sur quelques agents du fisc. Il ne faut certes pas généraliser, mais des cas de harcèlement et même de racket fiscal sont dénoncés par les victimes de ces pratiques déloyales, aussi bien des personnes physiques que morales, qui « payent » en silence sinon elles savent qu’elles ne pourraient plus exercer leur métier.
Au fait, qui contrôle les agents du fisc et atteste de leur probité ? L’administration fiscale n’est pas un tiers ordinaire. Toute personne qui possède une information privilégiée, tout agent qui a pour fonction de définir ou d’appliquer un système de sanctions/récompenses est potentiellement corruptible. La question cruciale du contrôle des contrôleurs se pose donc résolument.
Pour surmonter ce dilemme, le Chef du Gouvernement pourrait charger la Cour des Comptes de lever le secret bancaire des quelques centaines de contrôleurs du fisc pour effectuer une audit sur leurs revenus au cours des cinq dernières années et déceler d’éventuels cas de corruption ou d’enrichissement illégal.
Toutes les dispositions seraient prises pour que tout agent impliqué dans une situation de corruption réponde devant la loi. Une sélection des agents serait effectuée sur des critères d’efficacité et d’honnêteté, l’objectif étant de réduire leur marge de manœuvre discrétionnaire et permettrait de donner les garanties nécessaires d’intégrité pour la levée du secret bancaire des contribuables directement par l’administration du fisc sans passer par un juge. C’est une option à envisager pour contribuer véritablement au rétablissement de la confiance, du climat des affaires et des investissements.