On peut comprendre que nos amis avocats et médecins soient en état d’alerte maximale. Tout le monde est aux abois, d’autant que le gouvernement détient des preuves qui montrent que la plupart, dans les deux camps, sous-déclarent leurs revenus, quand ils ne sont pas carrément aux abonnés absents. Et cela se voit.
Désigné à la vindicte populaire, on tente, d’un côté comme de l’autre, des explications et des justifications, avec pour objectif de lever les équivoques et montrer à des citoyens qui ont une opinion bien arrêtée, que les avocats et les médecins sont d’honnêtes gens qui s’acquittent de leurs obligations fiscales et qu’ils sont loin de cette réputation dévalorisante d’éternels fraudeurs et de profiteurs sans foi ni loi qui s’enrichissent sur le dos de leurs compatriotes.
Je dois bien reconnaître que c’est un peu excessif. La sentence est encore plus terrible pour le corps des médecins, où on ne se préoccupe pas de faire la part des choses entre public et privé. Pour le citoyen lambda, c’est du pareil au même. Pour les blouses blanches qui triment dans des hôpitaux publics insalubres et manquants de tout, on dira, bien sûr, que c’est regrettable et injuste.
Cela ne changera rien. Barreau et Conseil de l’Ordre, même combat ? De part et d’autre, l’heure est à la mobilisation. La rue, elle, regarde incrédule ce qui ressemble à une guerre larvée, mais reste inflexible et surtout impitoyable : tous, des chats gras, répète-t-on à l’envi. C’est à peine si on ne dit pas, tous des voleurs ! Il est vrai que dans le confort de leur bulle, aussi bien ceux qui ont juré de défendre tous les opprimés de la terre, que ceux qui ont juré fidélité au sermon d’Hippocrate, on s’est laissé aller face à la réussite et à la tentation de l’abondance qui va avec. Peut-être un peu trop.
Forcément, cela peut indisposer, voire indigner, alors même que d’autres chats beaucoup plus gras et ayant le bras long, continuent de s’empiffrer au propre comme au figuré et de faire la fête sans retenue, quand beaucoup parmi leurs concitoyens crient famine et appellent au secours. A côté d’eux, avocats et médecins passeraient pour des prolétaires. Je voudrais, pour ma part, adresser le message suivant : très chers maîtres avocats et très chers médecins, vous avez tout notre respect et toute notre considération pour les services énormes que vous ne cessez de rendre à la population de ce pays.
Dans la gestion de cette délicate mais pas compliquée affaire d’impôts à verser à l’Etat, le principe de la confiance auquel vous semblez être si attachés, c’est bien et c’est même essentiel, à condition toutefois qu’il ne soit pas halal pour les uns et haram pour les autres. Voilà qui est dit.
Le gouvernement Chahed a décidé de prendre le taureau par les cornes et de s’attaquer à deux citadelles qui se voulaient inexpugnables, je dirais que c’est tant mieux, mais attention à la reculade, ce serait le pire assuré. Et puis, la rue ne lâchera rien et continuera à exiger l’application d’une justice fiscale et à crier au voleur, même si l’ennemi est public et qu’en plus, il est numéro Un !