Après une étude minutieuse et détaillée du projet de loi de finances 2017 ainsi que du budget économique pour l’exercice 2017, Solidar Tunisie émet les recommandations suivantes :
Le budget économique est d’une importance capitale pour l’analyse de la loi de Finances 2017 car il présente le modèle économique en amont, il quantifie les agrégats et rend compte à la fois de l’influence de l’activité économique sur les recettes de l’Etat et de l’impact de l’activité de l’Etat, des impôts et des subventions sur l’économie. Hélas, le débat sur le budget économique est souvent marginalisé dans notre pays et est l’apanage d’analystes et autres experts avertis. C’est ce qui ressort, d’ailleurs, du dernier rapport du FMI : « Evaluation de la transparence des finances publiques ».
Parmi les nombreux commentaires que suscite le budget économique, on peut évoquer par exemple les points suivants:
- On a révisé à la baisse les taux de croissance par rapport au Plan de développement 2016-2020 parce que certains secteurs comme le tourisme ou les industries non-manufacturières ont du mal à retrouver leur rythme de croissance et parce que, de façon générale, les investissements ne retrouvent pas le taux souhaité. Ceci aura nécessairement un impact négatif sur les ressources de l’Etat.
- Depuis 2011, la modeste croissance économique réalisée (1,5% en moyenne par an) a été tirée par la consommation, les investissements et les exportations ont eu un rôle marginal. En Tunisie, on consomme plus qu’on ne produit.
- De plus, en analysant la consommation, on trouve qu’une bonne partie puise dans les importations formelles et informelles. Ce qui implique que notre consommation a des effets multiplicateurs amoindris sur la production nationale, sur la création d’emplois, sur le paiement d’impôts et les recettes de l’Etat.
- Le Budget de 2017 projette de stopper cette dérive. Il suppose une légère réduction de la propension à consommer et il accorde une plus grande place à l’investissement et aux exportations comme moteurs de croissance. En même temps, le budget économique suppose que la croissance économique résulte essentiellement des secteurs productifs et non plus des activités non marchandes de l’administration. C’est là aussi un grand défi. Les entreprises doivent être au rendez-vous, les mesures du projet de loi de Finances doivent en tenir compte. .
- D’une manière générale, concernant les réformes à engager par l’Etat, on reconduit dans le budget économique les mêmes faiblesses que le plan de développement. En effet, le budget économique reste dans une logique de déclaration d’intention sans présentation de matrices des réformes à engager, des indicateurs de suivi et de performance à réaliser. Ceci interpelle d’autant plus qu’il s’agit de programmes de réformes à engager à court terme.
En ce qui concerne les dispositions fiscales contenues dans le projet de loi de Finances
Solidar Tunisie a procédé à une lecture critique du projet de loi de Finances et alerte l’opinion publique sur les principales dispositions qui concernent aussi bien les impôts directs que ceux indirects.
Les impôts directs :
L’IRPP : Le débat passionné qui s’en est suivi après le dépôt du projet de loi de Finances auprès de l’ARP le 15 octobre dernier, notamment en matière d’impôt sur le revenu des personnes physiques et pour ce qui est de l’imposition des professions non commerciales telles que les avocats et les médecins nous interpelle à plus d’un titre.
En effet, la loi de Finances 2017 apporte de nouvelles modalités d’imposition pour les avocats (le timbre fiscal), or pour l’exercice 2016 la LF contenait des mesures visant un meilleur recouvrement et suivi de toutes les professions libérales, par l’institution de l’obligation de l’émission des notes d’honoraires.
Quid de l’application de cette mesure ? Quelles sont les difficultés par rapport à son application ? Sera-t-elle maintenue ? Quelle est l’utilité du timbre fiscal si la mise en œuvre des notes d’honoraire est appliquée ?
La question se pose, non seulement pour les avocats, mais pour tous les BNC (Bénéfices non commerciaux : les professions libérales, les professions indépendantes (crèches, jardins d’enfants, auto-écoles, Ecoles et Universités privés). Il est à préciser, en effet, que toutes ces activités sont concernées par l’obligation de l’émission de notes d’honoraires.
Idem pour les médecins, la loi de Finances a également prévu l’obligation de mentionner, sur tous les documents qu’ils émettent et relatifs à l’acte de santé, leur matricule fiscal.
A ce propos, il y a lieu de signaler qu’il vaudrait mieux ne pas surcharger les professions non commerciales par de nouvelles obligations, d’abord pour le caractère confidentiel de leur activité, d’une part, et d’autre part, du fait qu’elles sont également concernées par l’obligation de l’émission de la note d’honoraires. Il aurait mieux fallu les astreindre à respecter des obligations déjà observées, mais dont on ne connait pas encore l’impact, que de leur imposer de nouvelles.
L’Impôt sur les sociétés
Il est à préciser que Solidar Tunisie comprend tout à fait les besoins de l’Etat, dans cette période de marasme économique que traverse la Tunisie. Il convient, néanmoins, de préciser qu’il ne faut pas alourdir davantage la charge fiscale sur les entreprises soumises à l’IS et procéder à un meilleur recouvrement de la dette fiscale auprès de ces dernières. A ce titre, Solidar Tunisie souligne que la contribution exceptionnelle contenue dans le projet de loi de Finances n’atteindra pas ses objectifs pour les raisons suivantes :
- C’est une contribution qui va ponctionner le revenu des ménages (pour ceux qui ont des revenus non salariaux) et aura une incidence sur leur consommation.
- C’est une mesure qui est non équitable, puisqu’elle concerne, entre autres, les « petits » commerces et forfaitaires, alors que les salaires et particulièrement les hauts salaires ne seront pas concernés.
- Elle est supposée générer un impact de 900 MDT, or le calcul a été effectué sur la base des déclarations d’impôts de 2015, sans prendre en compte l’effet dissuasif qu’elle aura sur la production.
- On ne peut bâtir un budget de l’Etat sur des contributions exceptionnelles et conjoncturelles. Que fera-t-on pour combler ces ressources de 900 MDT lors du prochain budget de 2018 ? Sachant qu’on va avoir de nouvelles échéances… !
Par ailleurs, et toujours en matière d’impôt sur les sociétés, Solidar Tunisie apporte les clarifications suivantes en ce qui concerne l’imposition des sociétés exportatrices vu l’importance de leur contribution dans un secteur considéré comme prioritaire pour l’Etat :
L’Etat tunisien a engagé une réforme basée sur la convergence fiscale entre les régimes « offshore » et « onshore ». On ne peut, dès lors, faire machine arrière vers une exonération fiscale, alors que le processus est engagé depuis 2014.
De plus, la demande émanant des producteurs de revenir vers l’exonération est plus motivée par l’allègement administratif que par la charge fiscale en elle-même surtout que les exportateurs étrangers sont soumis à la convention de la non-double imposition, et sauront gré de payer leurs impôts en Tunisie plutôt que dans leur pays d’origine.
Solidar Tunisie propose, par conséquent de créer une alternative permettant, d’une part, de garder le même niveau d’imposition aux exportateurs, mais de leur alléger et faciliter les formalités administratives.
Concrètement, nous proposons un choix à l’exportateur entre le régime usuel de 10% sur l’IS , ou un taux de 1.5% sur le CA déclaré de l’entreprise. Cette mesure ne peut être qu’exceptionnelle sur une période de 3 ans.
Au cours de cette période, la réforme de l’administration fiscale doit être sérieusement engagée vers plus de moyens, une meilleure gouvernance et transparence, et efficacité du service de contrôle.
Les impôts indirects
Le projet de loi de Finances s’est illustré par la volonté du gouvernement d’élargir l’assiette de la TVA en imposant certaines activités qui étaient jusque-là exonérées de payer cette taxe et de répartir les taux appliqués aux autres activités entre le taux de droit commun qui est de 18% et le taux minoré de 6%.
Si cette initiative est souhaitable dans la mesure où elle contribue à adoucir l’effet de rémanence constatée dans l’application de la TVA, notamment entre les contribuables assujettis et les contribuables non assujettis, force est de constater que l’élargissement de l’assiette de la TVA sur des activités comme la vente au détail des médicaments ou les loyers perçus par les foyers universitaires, et nonobstant leur incidence financière très préjudiciable sur les catégories de population concernées, risque de ne pas engranger au profit de l’Etat le montant de 70 millions de dinars prévu par cette reforme.
En effet, le crédit de TVA constaté entre les assujettis qui achètent à 18% et collectent 6% à la vente rendra l’Etat plutôt redevable (12%) que créancier.
Enfin et en matière d’effort pour l’intégration du marché parallèle dans le circuit officiel , il ya lieu de signaler que la LFC2014 avait prévu des mesures tendant à encourager l’intégration du marché parallèle dans le circuit officiel .
La LF2017 a prévu des mesures équivalentes plus spécifiques aux marchands ambulants. Or, il faut éviter la duplication des mêmes mesures et essayer d’évaluer les rendements des mesures précédentes. Les reconduire éventuellement après étude de leur impact ou les supprimer si elles n’ont pas atteint les objectifs escomptés.
A titre d’exemple, la LF2017 viendrait en contradiction d’une disposition prévue d’une disposion de LF2016 ayant fixé une amende de 1000 à 50000 DT pour toute personne physique qui exerce une activité commerciale sans avoir de matricule fiscal.