Le budget économique 2017 (BE 2017) est une déclinaison annuelle du Plan 2016-2020. Il actualise les prévisions effectuées dans le cadre du plan pour 2017, à la lumière des réalisations de 2016, la première année du plan.
1-Le schéma de croissance adopté par le budget économique 2017 suggère les remarques suivantes :
- Une croissance du PIB de 2,5% est prévue pour 2017 contre 1,5% estimée pour 2016. Ces taux sont en deçà de ceux prévus par le plan (respectivement 3% et 2%). L’économie nationale a du mal à rehausser son rythme de croissance. Le budget économique 2017 est une actualisation du plan à la lumière des réalisations de 2016. Les projections de 2017 prévoient un point de croissance de plus par rapport aux estimations anticipées pour 2016. A ce titre, le budget économique semble effectuer une prévision prudente.
- L’analyse de la contribution des secteurs à la croissance montre que, contrairement à ce que l’on a observé en 2016, la croissance projetée en 2017 sera réalisée quasi exclusivement par le secteur productif. L’administration ne comptera que pour 0,1 point de pourcentage de croissance. Ceci dénote une évolution favorable de l’économie qui commence à corriger les dérapages qu’elle a connus après 2010, le secteur public ayant crû, jusqu’en 2016, de façon démesurée.
Les gains de croissance projetés en 2017 seront réalisés principalement par (i) l’agriculture dont la contribution passe de -0,4 en 2016 à +0,4 en 2017 et (ii) les industries non-manufacturières dont la contribution à la croissance passe de -0,2 à +0,3 en 2017. Ces deux secteurs restent tributaires de facteurs exogènes. Le schéma de croissance prévu est de ce fait fragile.
La contribution des industries manufacturières à la croissance (0,5 en 2017 contre 0,4 en 2016) et celle des services marchands (1,2 en 2017 contre 1,1 en 2016) démontrent une légère évolution de l’appareil productif tunisien vers des activités plus créatrices de valeur ajoutée.
Les impôts indirects nets des subventions augmenteront en 2017 au même rythme qu’en 2016 nonobstant la prévision d’une croissance plus soutenue et en dépit des réformes en cours qui visent à renforcer la fiscalité indirecte et à alléger les subventions indirectes.
2- Le budget économique analyse la croissance des diverses composantes de la demande globale mais n’évalue pas leur contribution à la croissance pourtant celle-ci est riche d’enseignements.
La décomposition de la croissance selon une optique de demande montre que :
- la contribution de la consommation publique passera de 0,6% en 2016 à 0,3% en 2017, par contre celle de la consommation privée augmentera de 2,5% à 2,7%. La consommation totale a ainsi une contribution positive, importante et quasi constante (3,1% en 2016 et 3% en 2017).
- la FBCF verra sa contribution croître sensiblement de 0,5% en 2016 à 1,1% en 2017.
- Les exportations joueront un rôle majeur, leur contribution à la croissance passe de -0,4% en 2016 à 1,3% en 2017. Par contre, les importations en croissant plus vite auront une contribution négative de -1,4% en 2017 contre -0,2% en 2016.
- L’ensemble de ces composantes donnent lieu à une augmentation de la demande globale de 3,1% en 2016 et de 4% en 2017.
Au final, l’offre globale (le PIB) croît de 1,5% en 2016 et de 2,5% en 2017. La demande globale (la consommation, la FBCF et les exportations nettes des importations) augmente de 3,1% en 2016 et de 4% en 2017. Ce déséquilibre entre la croissance de l’offre globale et de la demande globale est résorbé par une réduction des stocks de -1,6% en 2016 et de -1,5% en 2017. On observe donc un ajustement par les quantités. Le schéma de croissance montre qu’en 2016 et 2017, les Tunisiens sont davantage des consommateurs que des producteurs, leur consommation privée augmente beaucoup plus vite que le PIB. En 2016, la consommation privée a augmenté de 3,6% pour une augmentation du PIB de 1,5%. En 2017, les taux projetés pour 2017 sont respectivement de 3,8% et 2,5%. Ne produisant pas assez, les Tunisiens consomment les stocks accumulés auparavant !
Le budget économique, en n’analysant pas cet aspect, ne tire pas la sonnette d’alarme qui s’impose et ne met pas suffisamment l’accent sur la nécessité de mettre en œuvre une politique de l’offre à même de réduire la rigidité au niveau des institutions et de l’appareil productif, d’inciter à la production et d’appeler les Tunisiens au travail productif.
On peut questionner à ce titre, par exemple, l’impact sur la production de l’augmentation de la pression fiscale que subiraient les entreprises en 2017. On est dans un cercle vicieux où la faiblesse de la croissance impacte négativement les recettes de l’Etat ; l’Etat, en manque de ressources, taxe davantage les entreprises ; ceci dissuade la production et freine davantage la croissance au risque de creuser encore plus les déficits publics.
2- Les finances publiques
Le budget économique 2017 ne comporte aucune analyse des finances de l’Etat ni dans leur globalité ni en rapport avec la situation financière des entreprises et offices d’Etat, celle des finances locales et la situation des trois caisses sociales (CNSS, CNRPS et CNAM).
De même, le budget économique 2017 n’évoque que sommairement la question de la dette publique. Seuls les nouveaux crédits à contracter et les échéances à honorer en termes de remboursement de la dette en capital sont précisés.
3-L’inflation
Le budget économique prévoit de limiter l’inflation dans les limites de 3,6% (le taux anticipé pour 2016). Aucune analyse n’est présentée sur l’évolution des prix administrés et des prix libres. L’inflation sous-jacente, mesurée par la variation de l’indice des prix « hors produits frais et produits à prix administrés » n’est pas non plus appréhendée.
Par ailleurs, l’analyse a montré que, sachant les prix projetés, la demande globale (consommation, FBCF et solde extérieur) est supérieure à l’offre globale (PIB). L’équilibre est atteint à travers une baisse des stocks, c’est-à-dire un ajustement des quantités. On peut craindre que cet excès de demande engendre des tensions inflationnistes et l’augmentation des prix anticipée (+3,6%) serait alors sous-estimée.
4-L’emploi
S’agissant des créations d’emplois, le budget économique prévoit la création de 58000 emplois en 2017 outre les 15000 emplois créés dans le cadre de la politique active de l’emploi et des programmes spéciaux. Le budget économique ne fournit aucune indications sur la contribution des secteurs à la création d’emplois ni d’éléments spécifiques sur l’évolution de la productivité.
La prévision des 73000 emplois se base sur une sensible accélération du rythme des créations d’emplois que l’on a observé entre 2011-2015. Or cette période a été marquée par une forte participation du secteur public aux créations d’emploi et le rythme des créations d’emploi y a été beaucoup plus élevé que celui que connaissait l’économie auparavant.
De même, le budget économique suppose un accroissement de l’emploi total de l’ordre de 2,1%. Sachant le taux de croissance de 2,5%, la productivité du travail augmenterait de 0,4% seulement. Ceci semble insuffisant vu l’effort d’investissement à réaliser.
5- La sensibilité du schéma de croissance et des équilibres macroéconomiques
Le budget économique aurait été basé sur l’hypothèse d’un report des augmentations de salaires prévues pour 2017. Qu’adviendrait-il des divers équilibres macroéconomiques si cette hypothèse n’était pas respectée ? Le budget économique ne présente pas de scénario alternatifs au scénario retenu ainsi qu’une analyse de sensibilité du schéma de croissance adopté aux hypothèses qui le fondent.
Il est à rappeler que Solidar Tunisie est un think tank tunisien composé d’experts indépendants, aussi bien universitaires que de hauts cadres de l’administration tunisienne en exercice ou à la retraite, et dont le but est un appui technique aux parlementaires tunisiens qui se manifeste par des propositions, analyses et recommandations sur les principaux projets de loi que le parlement tunisien traite.