Dans le cadre de la lutte contre le marché parallèle des carburants et ses conséquences néfastes sur l’économie tunisienne, le Groupe Professionnel des Pétroliers GPP (Chambre syndicale des sociétés de distribution de carburants relevant de l’UTICA, Chambre syndicale nationale des gérants et des propriétaires des stations-service et la Fédération nationale de la chimie) a organisé, ce matin, une conférence de presse sur le thème «Impact de la contrebande des hydrocarbures sur l’économie tunisienne».
A cette occasion, Lotfi Hamrouni, membre du bureau exécutif de l’UTICA et président de la Fédération nationale de chimie, a appelé à l’application d’une politique gouvernementale efficace et engagée dans la lutte contre la corruption et la contrebande, l’atténuation des écarts de prix avec les pays frontaliers et la réforme de l’ensemble du secteur de la distribution des carburants visant à éradiquer le fléau de la contrebande, si néfaste à l’économie tunisienne.
Cet appel est justifié par la recrudescence du commerce illégal des carburants qui a pris, ces dernières années, une ampleur sans précédent puisque les bidons d’essence frelatée se vendent non seulement dans les zones frontalières, mais aussi dans le Grand Tunis sur le bord de la route. Chose qui a beaucoup impacté les sociétés pétrolières.
Il a annoncé, dans ce sens, qu’aujourd’hui, on a plus que jamais besoin d’une stratégie nationale impliquant tous les intervenants de manière à faire face à ce phénomène préoccupant. Il s’agit d’une démarche importante, surtout que le volume de cette contrebande a atteint à ce jour 30% de la consommation nationale contre 10 % dix ans auparavant.
Ainsi, le responsable n’a pas manqué de rappeler que le secteur de la distribution emploie plus de 12 000 personnes dans toute la République, sans dénombrer les emplois créés sur la partie transport, elle aussi fortement touchée par ce fléau.
Egalement, le marché parallèle menace, selon ses dires, la capacité de la profession à investir dans de nouveaux projets de croissance et impacte ainsi son développement et ses perspectives. Les dépôts clandestins de carburants de contrebande, installés un peu partout dans le pays, présentent également un risque très élevé pour la sécurité du voisinage et des consommateurs, comme l’attestent les différents accidents mortels dus à des explosions ou accidents de la route.
C’est dans ce contexte que le GPP a lancé une campagne de sensibilisation intitulée «El kontra kontrek» pour illustrer auprès des consommateurs les ravages de ce fléau sur la société tunisienne.
Dans le même sillage, Sadok Bédioui, président de la Chambre syndicale nationale des gérants et propriétaires des stations-service, a tiré la sonnette d’alarme suite aux pertes considérables causées par la contrebande de carburants, précisant qu’en 2015, les gérants et propriétaires des stations-service ont enregistré une perte atteignant 45%.
Pour sa part, Matthieu Langeron, président de la Chambre syndicale des sociétés de distribution de carburants et DG de Total Tunisie, a indiqué qu’environ 1 million de mètres cubes de carburants de contrebande sont commercialisés chaque année sur le marché tunisien, générant à l’Etat des pertes à hauteur de 500 millions de DT par an.
Face à ces pertes, le secteur formel s’efforce de créer de nouveaux postes d’emploi et d’ investir dans de nouveaux projets, soit 500 millions de dinars par an, a annoncé Mohamed Chaabouni, PDG de Vivo Energy Tunisie.
Il a affirmé que la contrebande est un grand concurrent qui n’est soumis à aucune contrainte, notamment la sécurité, l’environnement, la qualité, le contrôle…sans aucune contribution à l’économie tunisienne.
Attitudes concernant le marché parallèle de carburants de contrebande
Les résultats d’une étude quantitative réalisée en novembre dernier par Sigma Conseil sur les usages et attitudes concernant le marché parallèle de carburants de contrebande ont fait ressortir que ce marché est perçu par les consommateurs comme étant supérieur au marché formel en termes d’offres et de prix. Un écart de 700 millimes sur le prix du litre entre le carburant légal et celui de contrebande reste la principale raison qui porte les consommateurs tunisiens à se tourner vers ce marché illégal.
D’ailleurs, 64% des personnes interrogées consomment le carburant de contrebande pour la différence de prix qui existe entre les deux marchés, même s’ils sont conscients des risques en particulier ceux qui sont liés à la qualité de carburants. 34% des personnes perçoivent la contrebande comme un système bénéfique pour eux mais également pour leurs régions et cautionnent ainsi ces pratiques.
A l’issue de cette étude, Hassen Zargouni, DG de Sigma Conseil, a constaté que le marché parallèle de carburants se développe essentiellement parce qu’il présente des réponses à des insights importants chez les habitants des régions frontalières, du sud et du centre (besoin d’emploi, besoin d’améliorer le niveau de vie…). Il s’agit d’un marché à plusieurs intervenants et mécanismes, bien organisé, ce qui le rend difficile à contrôler.
Il a également constaté que les régions concernées sont conscientes des risques et ont mis en place les mesures nécessaires pour les gérer ou les accepter.
Pour y faire face, M. Zargouni a indiqué que les acteurs du marché légal de carburants ont besoin d’aide de la part de l’Etat pour reconquérir leur part de marché ou limiter le développement de ce marché parallèle qui nuit aussi bien à l’économie qu’à la sécurité du pays.
A noter que l’étude a été menée sur un échantillon de 1000 Tunisiens âgés entre 18 et 60 ans, de différentes classes sociales et tous ceux qui achètent le carburant de contrebande. Les régions couvertes par l’étude sont le Grand Tunis, la région du Sahel (Sousse et Mahdia), la région du Centre (Sidi Bouzid Kairouan, Kasserine), Sfax, Tataouine, Médenine, Gabès, la région du sud (Tozeur et Gafsa), Le Kef et Jendouba.