La sécurité humaine pourrait offrir une nouvelle approche de développement. Mais entre la guerre, la violence et la déstabilisation politique, quelle est la nécessité d’assurer la stabilité et l’opportunité d’améliorer le niveau de coopération au cœur du dialogue 5+5? Tel est le débat co-organisé par l’Institut tunisien des Etudes stratégiqus ITES et le réseau think tank 5+5 partageant des perspectives et en améliorant la compréhension mutuelle entre les deux rives nord et sud de la Méditerranée.
La jeunesse représente le présent et l’avenir de nos sociétés. C’est particulièrement vrai pour la Méditerranée à la lumière des perspectives démographiques. L’objectif premier de ce workshop est comment favoriser la création d’emplois durables, ou encore promouvoir la prospérité et une coopération plus forte ? Dès lors, il va falloir sortir de la réflexion du cadre strictement sécuritaire face aux menaces auxquelles aujourd’hui la Méditerranée est confronté comme le terrorisme. Comment lutter contre l’endoctrinement et la radicalisation des jeunes ?
Pour Taoufik Bouaoun, expert en sûreté nationale auprès de l’ITES, la solution sécuritaire à elle seule ne suffit pas. Il précise : « Même si la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme est au beau fixe, le ministère de l’Intérieur est en train de mettre au point des plans d’action militaro-sécuritaires avec des moyens policiers et les forces armées. De même, le ministère de l’Education nationale est concernée par la lutte contre le terrorisme. Aujourd’ hui, on parle de mettre en marche une politique de déradicalisation, a-t-il ajouté.
La déradicalisation est-ce la bonne solution ? Sur cette question, il a répondu que l’esprit humain est capable de tous les revers. « Ce qu’on est en train d’étudier à froid, depuis voilà 12 mois de répit que nous n’avons pas connu d’actes terroristes, est quel est le meilleur chemin pour éviter à ce que les jeunes ne tombent dans la radicalisation ? Comment immuniser la jeunesse d’aujourd’hui pour qu’elle ne tombe pas dans le même sillage parce que c’est un phénomène continu dans le temps », indique-t-il.
La solution d’après lui est de revisiter la culture de l’art, donner aux jeunes un espace de créativité. Il souligne dans ce contexte: « La Tunisie devient plus attractive, il faut que l’écosystème ait plus de facteurs positifs à offrir à cette jeunesse qui doit voir en Tunisie un avenir meilleur. Il faut créer le rêve tunisien».
Connaitra-on la fin de Daech ? Pour Hatem Ben Salem, président de l’ITES, Daech en tant que structure militaire sera défaite, que ce soit en Irak, en Syrie, ou encore en Libye. Mais il y a une probabilité de retour des contingents combattants. A l’ITES, nous essayons de mettre en place une stratégie de prévention mais aussi une stratégie de lutte contre le phénomène.
Et la réhabilitation ?
«C’est une question très difficile. Dans une véritable démocratie, il y a des lois à respecter. Peut-on les déchoir de leur nationalité ? Certainement pas. C’est la responsabilité de l’Etat de trouver les bonnes solutions mais également de nous tous », ajoute Hatem Ben Salem.
Les solutions aux défis
La sécurité en Méditerranée occidentale a connu d’importants changements au Maghreb, le chaos en Libye, la guerre en Syrie et en Europe, avec le Brexit, la montée de l’extrême-droite. Mais la question est de savoir si les enjeux de sécurité vont-ils se recomposer? Quels sont les défis? Les relations entre l’Europe et le Maghreb contribuent-ils à construire de nouveaux horizons stratégiques ?
D’après Mehdi Taje, directeur de l’ITES : « Il existe de multiples contradictions. Tant que la rive nord ne fera que percevoir l’Autre sous le prisme du terrorisme, du crime organisé et de l’immigration clandestine, nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Il est question de s’interroger sur l’identité géopolitique de l’UE, la crise économique, la montée de l’extrême droite ».
Il précise: « Nous demandons d’être traité d’égal à égal. Nous devons avoir l’ambition, dans le cadre du 5+5 , d’aborder les problématiques sécuritaires communes et nous devons le faire mais en se parlant franchement en toute objectivité. C’est un non-sens qu’il ne soit pas relancé afin de créer le Grand Maghreb, l’UMA. Nous devons ériger un système de sécurité collectif, c’est à la Tunisie de proposer une relance de l’UMA, une alternative à l’UMA. Imaginez un grand Maghreb avec des frontières ouvertes, mais avec des infrastructures, des liaisons terrestres, maritimes, aériennes, des trains à grande vitesse relayant Tunis, c’est faisable ».
Et de poursuivre : « Je pense que la Tunisie doit porter ce projet de la Méditerranée. Maghreb et Sahel c’est la même matrice stratégique et géopolitique car la sécurité du Sahel dépend de la sécurité du Maghreb, qui elle aussi dépend de la bande sahélo-sahélienne. Les décideurs ne réagissent que lorsqu’ ils sont confrontés à des gestions d’urgence. »
Il conclut : « A l’image de 5+5, la Tunisie peut également porter ce projet, de créer un 5+5 maghrébo-sahélien qui intégrerait les cinq pays du Maghreb et les pays de l’Afrique de l’Ouest. Car nous avons des problématiques qui sont fondamentalement similaires. De plus, la Tunisie bénéficie d’un capital sympathie auprès des pays comme le Mali, le Tchad, le Niger… Quant à notre propre sécurité, nous ouvrons la voie aux ingérences étrangères et nous allons être dépossédés de notre avenir et de notre destin. Il ne s’agit pas de dire que la Tunisie est à l’abri ».
La nouvelle configuration de ces enjeux impose donc de repenser les conditions de la sécurité dans la région dans ses dimensions politique, économique et humaine.