Intevenant au débat du premier panel de la 31e édition des Journées de l’entreprise qui se tient à Sousse les 9 et 10 décembre, le professeur à l’IMD Business School Lausanne, en Suisse, et ancien ministre Tawfik Jellassi livre à leconomistemaghrebin.com sa vision pour la transformation digitale. Interview…
leconomistemaghrebin.com : Lors de votre intervention, vous avez soulevé un point important : la différence entre l’informatisation et la transformation digitale. Pouvez-vous nous expliquer davantage la différence ?
Tawfik Jelassi : Ce matin il y a eu une mauvaise compréhension de la thématique de la transformation digitale. Certains intervenants ont parlé de l’informatisation et de la numérisation. La transformation digitale est une transformation des mentalités, des politiques, des stratégies, des comportements, une transformation dans les usages,…
C’est une autre vision qui doit être menée par le PDG au niveau de l’entreprise et par le chef du gouvernement au niveau d’un pays. Il s’agit d’une transformation radicale et d’une rupture causée par le digital. Ce n’est pas tout simplement la numérisation.
L’informatisation existe depuis plus de 50 ans. Il s’agit d’informatiser et d’automatiser des process et des procédures manuelles pour réduire les coûts et accélérer les tâches. Par contre, la transformation digitale est de se réinventer et de se challenger avec une coupure digitale à partir de nouveaux business models. Il s’agit également de créer un écosystème digital qui réunit tous les partenaires. On parle donc d’une transformation radicale majeure au niveau de toute l’organisation et de ses acteurs. Ce n’est pas une informatisation de type fonctionnel. On parle plutôt de repenser l’ensemble de l’entreprise, sa raison d’être, ses objectifs, la valeur qu’elle peut créer avec cet écosystème digital. La transformation digitale est une révolution et non pas une évolution.
Lorsque j’étais ministre de l’Enseignement supérieur et de la Technologie, j’ai formulé, finalisé et adopté le plan stratégique « Tunisie digitale » qui comporte les axes présentés aujourd’hui au débat. Je pense qu’il faut élever le débat au niveau du gouvernement de manière transversale afin d’englober tous les ministères, au niveau du secteur privé, de la vision du pays et de l’Etat.
Qu’attend-on de la Tunisie 2020 – 2030 ? Quel est le devenir digital de la Tunisie ? Comment utiliser les technologies comme un catalyseur de changement économique vers un modèle économique et comme un tremplin pour la création de la richesse et de nouveaux emplois et plus d’export de notre savoir-faire et de services dématérialisés ? Comment créer cette intelligence tunisienne et l’exporter à travers notre know-how ?
Il faut que la transformation digitale soit l’une des priorités et ait une place prépondérante dans le raisonnement des politiques publiques.
S’agissant de la réalité de la transformation digitale dans les entreprises tunisiennes, l’étude de l’IACE publiée aujourd’hui montre qu’une entreprise sur quatre seulement possède une certaine maturité digitale. Ce n’est pas suffisant. Il faudrait aussi savoir ce que les entreprises qui se disent matures ont réellement fait ? Est-ce qu’elles sont passées à l’action ? Il faut aussi voir leur stratégie business et la place du digital dans leurs nouvelles stratégies d’entreprise.
Etre mature est une chose, mais passer à l’action et créer de la valeur ajoutée à travers les nouvelles technologies en est une autre. C’est un investissement et un retour sur un certain coût. Je pense que la transformation digitale est inéluctable pour la Tunisie. On ne peut pas vivre en îlot isolé si on veut que nos entreprises soient compétitives.