Les diverses fractures qui traversent l’espace méditerranéen et la polarisation nord-sud rendent à la fois difficile et nécessaire son intégration et son organisation en un ensemble ou bloc régional. Un projet qui s’inscrit dans la dynamique d’un monde structuré suivant un ordre multipolaire. La formation de blocs régionaux marque l’ensemble de la planète.
L’affirmation ou la « démarginalisation » de la Méditerranée sur la scène internationale suppose de pouvoir s’affirmer comme un bloc régional s’exprimant par des canaux communs voire par une voix unique. Or, après l’échec du projet originel de l’Union pour la Méditerranée, il n’existe toujours pas d’organisation internationale régionale réunissant les seuls pays du pourtour méditerranéen, avec des objectifs et intérêts communs.
Si les pays des rives Nord, Est et Sud appartiennent et participent à des organisations internationales régionales distinctes (Union européenne, Conseil de l’Europe, OTAN, Union du Maghreb Arabe, Ligue des Etats Arabes…), ils demeurent divisés et incapables de porter une voix unique au nom de valeurs, de principes et d’intérêts communs.
A défaut d’organisation commune d’union ou d’intégration, dès l’indépendance des pays de la rive sud, les Européens tentent d’imposer leur conception de la régionalisation en Méditerranée. Dès les années 1960, une politique de proximité fut mise en œuvre par la Communauté économique européenne. Des relations inter-méditerranéennes se nouent et se développent sur la base de simples accords de partenariat et de coopération bilatérale (entre l’Union européenne, les États membres et les pays partenaires méditerranéens de la rive sud) et multilatérale.
Les premiers accords bilatéraux d’association ou de coopération (de libre-échange ou financiers) de la Communauté européenne avec les pays de la rive sud de la Méditerranée datent des années 1960 et 1970 :
Accords d’association avec Israël (1964), avec le Maroc (1969), avec Malte (1971), avec Chypre (1973 et 1978).
Une nouvelle politique européenne en direction de la Méditerranée, appelée « Approche globale méditerranéenne » est lancée en 1972 et aboutit à la conclusion de nouveaux accords de coopération entre la Communauté européenne et les pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie), ainsi qu’avec les pays du Machrek (Égypte, Jordanie, Syrie, Liban…) en 1977.
Une nouvelle ambition – au-delà des seules considérations de libre-échange – s’affirme avec la première session de la Commission générale du Dialogue européen s’était ouverte à Bruxelles, en mai 1976, sur l’affirmation de la volonté d’entretenir entre les deux rives de la Méditerranée une « coopération d’un nouveau style ».
Les rencontres ultérieures, les colloques multiples définissent les objectifs prioritaires, envisagent un certain nombre de créations, notamment dans le transfert de technologies, dans la coopération commerciale. Dans les années 2000, des accords bilatéraux de nouvelle génération se sont progressivement substitués à ces accords de coopération et d’association « de première génération ».
À ce jour des accords d’association lient l’Union européenne avec la quasi-totalité des pays de la rive sud de la Méditerranée.
Les partenariats méditerranéens se sont inscrits progressivement dans un cadre général commun susceptible d’ouvrir la perspective d’une meilleure intégration à l’Europe des pays du sud. L’action de l’UE s’inscrire dans un cadre multilatéral de rapprochement de multi et bilatéraux pour en démultiplier les effets.
Il importe d’articuler ces cadres les uns par rapport aux autres pour les rendre plus cohérents et proposer des pistes pour réorganiser la coopération euro-méditerranéenne en vue du développement de l’ensemble du bassin et évitant une coupure Nord-Sud. L’espace méditerranéen est enserré dans un réseau ou tissu de coopération et d’une stratégie d’institutionnalisation des rapports Nord-Sud théoriquement susceptible de conférer une dimension plus intégrée au bassin méditerranéen. Initiée par les pays de la rive Nord, cette politique et les actions menées s’inscrivent essentiellement dans le cadre commun que représente l’Union européenne.
Une série d’instruments de coopération (accord de libre-échange, statut avancé, accord d’association, Union pour la Méditerranée) définit ainsi le cadre de la coopération entre l’Union européenne (UE) et les pays de la rive sud, en vue de « transformer la Méditerranée en un espace de paix, de démocratie, de coopération et de prospérité ».
Derrière l’objectif affiché par la mise en œuvre de ces instruments, force est de reconnaître que ces divers leviers d’action demeurent insuffisants à remédier au caractère asymétrique aux relations « euro-méditerranéennes ».
Le manque de résultat et le revirement stratégique de la nouvelle politique de voisinage fait craindre l’abandon de l’objectif premier de la création d’une région euro-méditerranéenne. Le soulèvement de peuples arabes en 2011 était une occasion historique d’initier un dialogue rénové.
De fait, les partenariats méditerranéens se succèdent, sans véritablement produire de résultats probants. Des instances multilatérales ont été mises en place mais ont du mal à s’articuler efficacement. Au demeurant, ces trois cadres n’ont pas été en mesure d’atteindre les objectifs fixés. Ils font l’objet de défiance, au moins de la part des pays du Sud quand ce n’est pas de tous, pour des raisons parfois contradictoires. La multiplication des cadres engendrent, de plus, une certaine confusion, voire l’impression d’une redondance contre-productive…