Diffusé le 17 décembre dernier, 6 ans jour pour jour après le déclenchement de la Révolution, le documentaire d’Al Jazeera sur les essais cliniques réalisés pour la conception d’un médicament contre la leishmaniose cutanée par l’Institut Pasteur de Tunis tombe à pic.
Un reportage de 45 minutes au cours duquel le téléspectateur découvre que des « expériences » sont réalisées sur des enfants défavorisés de la région de Sidi Bouzid , dirigées par un institut de recherche basé à Tunis en collaboration avec l’armée américaine et un laboratoire israélien. Le décor est bien posé, et avec une telle ambiance n’importe quel délire peut passer comme une lettre à la poste . La médecine tunisienne et la communauté scientifique tunisienne s’adonneraient à des pratiques obscures, exploitant des enfants mineurs, le tout dans un climat anxiogène de guerre. La menace guette, mais le reportage ne dit pas explicitement laquelle, et fait planer le doute.
A en croire le reportage, ces enfants ont été choisis non pas parce que cette maladie sévit de manière endémique ( autrement dit en permanence) dans cette région , mais pour la région elle-même.
De graves allégations non seulement à l’encontre de l’institut , mais surtout à l’encontre de la population locale concernée. Car si l’on suit la logique de l’instigatrice de cette pseudo enquête, de nombreux pères de famille de cette région seraient prêts à mettre en danger leurs enfants contre une poignée de dinars. Ces enfants seraient-ils à vendre pour cinquante dinars?
Comment présenter la population locale d’une manière aussi dégradante , tout en prétendant prendre sa défense ? Ces allégations sont tout aussi insultantes pour l’Institut Pasteur que pour la population locale. Chose qui a poussé les personnes ayant participé aux essais en question à signer une pétition dénonçant le manque de considération à leur encontre.
Pour couronner le tout, le reportage donne la parole à cinq personnes , qui n’ont jamais participé à l’essai clinique. Le Directeur de l’Institut Pasteur de Tunis (IPT), Hechmi Louzir, a déclaré, lundi, que l’IPT engagera des poursuites judiciaires contre la productrice de ce film pour « diffamation et calomnie ».
Au-delà des explications purement techniques qui pourraient balayer ces accusations, d’autres arguments penchent en faveur de l’Institut Pasteur.
Si ces expériences correspondaient à ce qui a été décrit dans le reportage, les premiers résultats auraient-ils été publiés dans une revue aussi prestigieuse que le New England Journal of Medicine ?
Les chercheurs de l’Institut Pasteur Tunis auraient-ils eu l’appui de l’OMS, de l’Institut Pasteur France , et tant d’autres institutions de renom ? La Corée du Sud aurait-elle fait confiance aux compétences scientifiques tunisiennes, au point de conclure dernièrement avec cette institution tunisienne un accord de transfert technologique du vaccin du BCG ?
De plus, le reportage présente cet essai comme une expérience sur des cobayes humains, comme si les molécules qui composent ce médicament ont été « inventées » et que l’on ignore tout de leurs effets. Le médicament conçu par L’IPT est une association de deux antibiotiques ( paromomycine et gentamicine ) bien connus et commercialisés depuis des décennies, autrement dit aucun mystère ne plane au sujet de leur innocuité puisqu’ils sont déjà disponibles en pharmacie. S’ils étaient dangereux comment les utiliserait-on pour sauver des vies, et ce, dans des cas de figure bien plus graves que la leishmaniose cutanée qui, rappelons-le, est une maladie bénigne ?
Devant cette campagne de calomnie, sans fondement, il est facile de comprendre que les compétences tunisiennes puissent faire de nombreux jaloux, d’où cet acharnement.
La question qui se pose est la suivante : si l’Institut de Pasteur est sujet à un tel acharnement pour avoir découvert une pommade pour le traitement de la leishmaniose, qu’adviendrait-il s’il découvrait un traitement contre le cancer ?