Jamais la question du retour des terroristes n’aura mobilisé autant de personnes aussi bien experts de la sécurité que la société civile ainsi que les partis politiques.
Initiateur du débat, le parti Afek Tounes a réuni un grand nombre de spécialistes pour connaître leur avis sur la question au point de vue législatif, sécuritaire ou géopolitique.
« Le retour des terroristes pose aujourd’hui problème« , tel est le constat préoccupant que les Tunisiens dans leur ensemble ont exprimé.
Pour Sami Frikha, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation, la lutte contre le terrorisme devrait se traduire par l’application de la loi antiterroriste. Il précise dans ce contexte: « Il y a bien des lois à appliquer. Si les terroristes reviennent, il va falloir d’abord les identifier et les déférer devant la justice« .
Selon M. Frikha, le plus inquiétant est le nombre de revenants qui vont essayer avec toutes sortes de moyens de rentrer illégalement. « Là, il faut s’attaquer aux réseaux contrebandiers parce qu’il faut garder à l’esprit l’alliance entre les trafiquants et les terroristes« .Pour sortir de l’impasse, « il va falloir renforcer les unités de renseignement« , a-t-il ajouté.
De son côté, Tahar Refaï, président du Forum de Carthage pour la sécurité et le développement, a mis l’accent sur le défi auquel la Tunisie doit faire face, notamment l’extrémisme violent. Il précise : » 1800 dossiers liés à ce fléau sont déposés au Pôle judiciaire« . Et de poursuivre: « Il va falloir redoubler d’ efforts sur le court, le moyen et le long termes. Cela requiert des actions diversifiées car les terroristes sont victimes de l’emprise idéologique« .
Le retour des terroristes représente une menace aussi bien pour le présent que pour l’avenir de nos sociétés, affirme Walid Sfar, porte-parole d’Afek Tounes.
Il ajoute: « Ce sujet nécessite encore des réflexions. Et puis il faut se rappeler, il y a vingt ans de cela, ce qu’ont fait les djihadistes, les Afghans, par exemple, qui ont causé la mort de 300 mille citoyens algériens dans ce qu’on appelle la décennie noire de l’Algérie. Aujourd’hui, nous ne voulons pas d’une décennie noire en Tunisie. Il nous faut attaquer le problème à la racine« . Il préconise, en outre, de renforcer les frontières et les services du renseignement.
Phénomène complexe
D’après Mehdi Taje, expert en géopolitique à l’Institut des études stratégiques (l’ITES), ce qui est surtout préoccupant, c’est le retour justement de « foreign fighters » (les loups solitaires) non seulement en Libye, mais aussi du fin fond du Sahel.
Il explique: « Il faut faire attention à ce danger qui est une véritable bombe à retardement. Et personne n’en parle. On voit bien que l’intervention française au nord du Mali, non seulement elle n’a pas réglé le problème mais elle l’a amplifié. Entre le Mali qui est prêt à imploser et le Niger, une véritable bombe démographique, tous ces théâtres de l’islamisme radical sont propices à l’infiltration de ces foreign fighters. Il s’agit d’une menace qui va s’installer dans la durée et mettre à mal notre sécurité ».
D’évidence, il faut en premier lieu renforcer les mesures sécuritaires en prévision du retour probable de nos ressortissants dévoyés des zones de conflit mais est-ce suffisant ?