La globalisation devait enterrer le monde des Etats ou l’ordre international fondé sur la volonté souveraine des Etats. Et pourtant cette fin d’année 2016 semble consacrer un ordre international basé sur le jeu des puissances étatiques, de certaines puissances étatiques du moins.
La parenthèse d’un monde unipolaire reposant sur l’hyperpuissance américaine s’est définitivement refermée. Sur quoi repose le nouvel ordre sans arbitre étatique ou interétatique (ONU) ?
Premièrement, la fin du monopole étatique de la puissance internationale s’accompagne de l’émergence et l’affirmation d’acteurs non étatiques, qui ont un statut et une nature très diversifiés allant des groupes djihadistes aux ONG.
A noter ce premier paradoxe : d’un côté, les États sont de plus en plus influencés par l’action d’acteurs non étatiques, ou de phénomènes qu’on pourrait qualifier de transnationaux et dans le même temps, il faut bien reconnaître que les États ont une part de responsabilité dans la naissance ou le développement de ces acteurs ou phénomènes…
Parmi ces acteurs transnationaux, les organisations djihadistes s’affirment comme un véritable défi pour l’autorité et les frontières des Etats. Or il convient ici de souligner la part de responsabilité de certains Etats qui ont tenté d’user du levier religieux, ou plus généralement identitaire, à des fins internes ou parfois internationales.
Ce facteur a échappé à leur propre contrôle et s’est même retourné contre l’existence de l’État en tant qu’État-nation ou État souverain. Le cas syrien est pour le moins significatif. On pourrait également naturellement parler du cas irakien.
La concurrence des acteurs non étatiques ne se pose pas qu’en termes de puissance, elle se joue aussi en termes de légitimité des acteurs non étatiques, certains d’entre eux, en tout cas, contestant la faculté des États à défendre les droits ou les intérêts des individus. C’est notamment le cas de Daech, qui considère que sa raison d’être repose essentiellement sur la défense des droits des musulmans en général et des sunnites de la région en particulier et donc c’est là un vrai défi auquel est confronté l’État aussi…
Enfin, on cite souvent la mondialisation comme un facteur d’affaiblissement des Etats. Or le développement et l’intensification de la libération de circulation des biens et services, ne sont pas des phénomènes spontanés nés in abstracto.
Il s’agit d’un phénomène qui a été impulsé et accompagné par les États, notamment grâce à leur pouvoir normatif international, en créant des normes via ce qu’on appelle le treaty-making power, des traités de libéralisation des échanges, qui ont facilité de différentes manières, dans différents secteurs, précisément la communication intersociale.
Et donc il y a une part de responsabilité qu’il ne faut pas ignorer, pas pour accuser les États, mais pour relativiser, parfois, une position de victime de la mondialisation.