Lotfi Ben Aïssa, universitaire et fiscaliste, revient sur le bilan socioéconomique de l’année 2016 et présente ses prévisions pour 2017 pour les lecteurs de leconomistemaghrebin.com. Bilan d’une année qui tire sa révérence et prévisions pour une autre qui approche à grand pas.
Pour présenter le bilan qu’il fait de l’année 2016, Lotfi Ben Aïssa a préféré commencer par les indicateurs socioéconomiques. Il s’agit d’un taux de croissance qui tourne, dans les meilleures des cas, autour de 1,4%. Ainsi si ce taux de croissance est traduit en emplois, il générera l’équivalent de 25000 emplois tout au plus, or la demande additionnelle annuelle d’emplois dépasse les 70.000. Les chômeurs étant estimés à 650 mille, un tel taux de croissance ne résoudra pas le problème, loin s’en faut.
D’après le spécialiste, tous les indicateurs sont au rouge : le déficit budgétaire est de l’ordre de 5.7%, le déficit courant avoisine les 9%, le chômage a atteint 15,5%, le déficit des caisses sociales environ 1200 M.D. Quant au déficit commercial, les exportations ne couvrent les importations qu’à hauteur de 31,10%. Après avoir frôlé les 53,4% du PIB en 2015, le taux d’endettement a atteint 63% en 2016.
Pour ce qui est du processus de la transition politique, le fiscaliste estime que le pays a avancé au niveau politique et à celui de la mise en place de ses institutions durables, mais d’autres restent à créer (la gouvernance locale et régionale notamment). Cependant, au niveau économique, les choses n’ont pas avancé : « Les jeunes sont désespérés surtout lorsqu’on leur dit qu’il faut oublier la fonction publique et se diriger vers le secteur privé et la libre initiative. », dit-il. Cela malheureusement n’est pas possible d’après notre interlocuteur, car l’esprit entrepreneurial ne s’improvise pas, d’autant plus que les jeunes croient encore et toujours à l’Etat providence.
Au niveau économique, la crise persiste et se manifeste à plus d’un titre. Une balance commerciale déficitaire mais qui avait été sauvée – une fois n’est pas coutume – par la récolte exceptionnelle des olives, ce qui constituait un gain exceptionnel. L’année 2016 est aussi celle du déficit budgétaire. « Alors que tout a été entrepris pour le limiter, le déficit budgétaire a atteint de grandes proportions en 2016. Les deux points gagnés par le gouvernement Mehdi Jomâa, qui avait reporté les augmentations salariales, ont été pratiquement perdus. En outre, l’engagement pris par le gouvernement Habib Essid avec le FMI pour réduire le déficit budgétaire et la masse salariale ne va pas faciliter les choses », déclare-t-il.
« Quant à la Loi de Finances pour 2017, même si les mesures antisociales les plus criantes que contenait la première mouture ont été abandonnées (augmentation de la TVA, gel des salaires, augmentation de la vignette), suite aux vives réactions des syndicats et des différentes professions et de l’opposition parlementaire, elle n’est pas en mesure de redresser la situation et de relancer les principaux moteurs de la croissance, à savoir l’investissement, l’exportation et la consommation. Le recours final risque d’être à nouveau l’endettement », regrette-t-il.
A la lumière de toutes ces données, le statu quo persistera en 2017 : « Je n’ai pas vu dans la Loi de Finances 2017 des indicateurs sérieux pour une véritable rupture avec les politiques antérieures, donc nous allons vivre une année extrêmement difficile compte tenu de tous ces paramètres puisque les estimations faites concernant un taux de croissance à 2,5 % semblent surréalistes, car les indicateurs sur lesquelles se base la LF2017 ont déjà changé, tels le prix du baril de pétrole, le dollar … »
Pour ce qui est des promesses (extérieures) de financement des investissements, elles demeurent tributaires du climat général des affaires qui reste morose. « Or, sauf miracle, l’année 2017 sera gérée comme l’a été 2016 avec toutes sortes de bricolages et de faux compromis. », conclut-il.