Rappelons-nous ce 5 novembre 2008 au soir. Une foule très dense convergeait vers Grant Park, cet immense jardin public de Chicago, où Barack Obama, ivre de sa victoire, s’adressait à ses partisans en liesse. C’était un grand événement. L’Amérique où le racisme est encore profondément enraciné et le Ku Klux Klan toujours actif venait d’élire un président noir. C’était un grand événement dans le monde aussi où les promesses de paix, de coopération et d’entraide internationales faites par le candidat Obama avaient soulevé d’immenses espoirs. Le Comité du Prix Nobel de la paix avait tellement pris pour argent comptant ces promesses qu’il n’avait pas hésité à décerner son prix prestigieux à ce nouveau président, déterminé, à en croire ses discours, à réparer les grands dégâts occasionnés à l’Amérique et au monde par son prédécesseur George W. Bush.
Huit ans et deux mandats plus tard, le même Obama fait son discours d’adieu le mardi 10 janvier à Chicago, 10 jours avant de quitter définitivement la Maison-Blanche. Il n’est pas étonnant qu’un président en fin de mandat utilise son discours d’adieu pour mettre l’accent sur les quelques rares réalisations tout en ignorant les échecs, et ils sont nombreux, qui ont marqué ses huit années à la Maison- Blanche.
A l’entendre, dans les premiers mois de son long séjour à la Maison-Blanche, discourir à Washington, au Caire et ailleurs, on s’était dit ça y est. Voilà enfin le président américain qui va mettre un peu d’ordre dans un monde que son prédécesseur a laissé dans un état lamentable. Tout le monde était à peu près sûr que cet Afro-Américain devenu président du pays le plus puissant du monde allait s’atteler à réparer les dégâts causés par la politique criminelle de son prédécesseur en Afghanistan et surtout en Irak.
Après huit ans d’exercice du pouvoir à la tête d’une superpuissance, on ne peut que faire le constat amer que ce président s’est révélé aussi belliqueux et aussi agressif que son prédécesseur. Que peut-on dire quand un lauréat du prix Nobel de la paix se vante d’avoir ordonné le bombardement de sept pays musulmans (Irak, Libye, Syrie, Yémen, Somalie, Afghanistan et Pakistan) ?
Certes, il a réduit les forces américaines en Irak et en Afghanistan, mais il a intensifié de manière terrifiante la guerre aérienne par bombardiers et drones, et a surtout augmenté de manière terrifiante l’utilisation des forces spéciales américaines, présentes dans 70% des pays que compte la planète. Grâce à Obama, celles-ci sont déjà présentes dans 138 pays, une augmentation vertigineuse de 130% par rapport aux années Bush.
Mais c’est en l’année 2016 que ce lauréat du Prix Nobel de la paix a terminé en beauté, si l’on peut dire. En effet, pour la seule année qui vient de s’écouler, Barack Obama a ordonné le largage de 26.171 bombes sur des pays arabes et musulmans, soit une moyenne de 72 bombes par jour ou encore 3 bombes par heure, dont la bombe qui a détruit l’hôpital de Médecins sans frontières à Kunduz, en Afghanistan faisant 42 morts et 39 blessés.
Quand il était sénateur, il avait voté contre l’intervention de Bush en Irak. Une fois président, il a fait en Libye ce que son prédécesseur a fait en Irak. Certes, il n’a pas envoyé un demi million de soldats occuper la Libye, mais il a envoyé ses bombardiers détruire le régime de Kadhafi qui protégeait le pays de l’anarchie et du terrorisme et assurait une vie décente aux Libyens. Ce fut un acte d’une lâcheté méprisable. Détruire un régime qui tenait le pays et livrer tout un peuple à l’anarchie et à la sauvagerie des terroristes et regarder ailleurs comme si de rien n’était est indigne du président d’un grand pays.
Il a failli rééditer son exploit en Syrie, n’eût été la grogne exprimée par l’opinion publique américaine qui a réussi à le faire reculer. Mais s’il s’est abstenu malgré lui d’envoyer ses avions bombarder Damas, Obama a dépensé des milliards de dollars en entraînement et en armement d’une opposition hétéroclite, faisant durer la terrible guerre en Syrie et le calvaire de millions de Syriens.
Quant aux terroristes d’Annusra et de Daech, Obama faisait semblant de les combattre tout en les aidant en sous-main jusqu’à l’arrivée des Russes qui ont repris les choses en main et dont l’intervention a fait découvrir au monde entier la duplicité et les mensonges d’Obama concernant la guerre qu’il prétendait mener contre le terrorisme.
Mais ce ne sont pas seulement les peuples libyen et syrien qui sont les victimes de la politique guerrière et agressive du président-prix-Nobel -de-la-paix. Le peuple yéménite aussi. Car sans le soutien politique d’Obama aux Saoudiens, sans la vente des milliers de tonnes de matériel militaire à l’armée saoudienne, le Yémen, le pays le plus pauvre du monde, n’aurait pas été détruit par le plus riche. Et bien qu’il n’y ait plus grand-chose à bombarder, la guerre continue.
Si Obama a fait le malheur de millions d’Arabes et de musulmans en leur lançant 26 171 bombes sur la tête en une seule année, il a fait aussi le bonheur des fabricants d’armes américains qui se frottent les mains. Ils se frottent les mains car les bombes sont loin d’être bon marché. Une « bombe muette » (‘’dumb bomb’’) de taille moyenne par exemple coûte jusqu’à 30.000 dollars. Et un missile ‘’Hellfire’’ (littéralement feu d’enfer), le joyau de la firme Lockheed-Martin, coûte plus de 100.000 dollars pièce. Quand on sait que des milliers de ‘’Hellfire’’ ont été largués sur l’Irak, la Syrie, la Libye, la Somalie, l’Afghanistan et ailleurs, on peut avoir une idée des sommes faramineuses engrangées par Lockheed-Martin.
Obama va quitter le 20 janvier la Maison-Blanche. Il laissera le Pentagone face à un grand problème, un vrai casse-tête : l’Amérique dans sa frénésie guerrière lance plus de bombes sur la tête des Arabes et des musulmans que son complexe militaro-industriel ne peut produire. Et ce n’est pas une blague, le Pentagone se plaint réellement que Lockheed Martin, Boeing et les autres fabricants, bien que leurs usines tournent à plein régime, 24 sur 24 et 7 sur 7, n’arrivent pas à satisfaire la demande…
En toute logique, les plus honteux dans ce monde fou doivent être les membres du Comité Nobel de la Paix à Oslo qui, en 2009, avaient choisi d’honorer Obama. Après huit ans d’exercice du pouvoir, leur lauréat laisse son pays si possédé par les démons de la guerre qu’il lance plus de bombes qu’il ne peut produire avec pour résultat toujours plus de morts, d’anarchie et de terrorisme.