La mondialisation serait un processus irréversible. C’est du moins ce qui ressort des déclarations du président chinois Xi Jinping, tenus lors du dernier Forum de Davos : « Toute tentative de stopper les échanges de capitaux, technologies et produits entre pays (…) est impossible et à rebours de l’histoire ».
De fait, l’ordre mondial depuis les années 1980 est traversé par un mouvement de libéralisation des échanges : la levée des restrictions des flux de capitaux décidée par l’OCDE en 1989, chute du bloc communiste, la création de l’OMC en 1995, multiplication des accords de libre-échanges, l’intégration de la Chine à l’économie internationale et le développement des technologies de l’information et de la communication.
Or cette dynamique en faveur de la libre circulation des biens/services et des personnes connaît aujourd’hui une évolution singulière. La mondialisation commerciale décroît tandis que les mouvements migratoires s’accélèrent, essentiellement pour des raisons géopolitiques, et que les flux de capitaux restent stables.
De plus, les transformations de l’économie globalisée et désindustrialisée ont touché les classes moyennes des pays occidentaux. Elles font, en retour, valoir un fort besoin de protectionnisme. Les cartes du vote pour Donald Trump, du vote en faveur du Brexit et du vote pour le Front national en France présentent ainsi des similarités. Dans ce contexte, on observe une crispation occidentale, qui se vérifie tant en Europe qu’aux Etats-Unis.
L’accession de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, première puissance économique mondiale, marque-t-elle la fin de la mondialisation ? Si les positions exprimées par Trump en matière de politique étrangère sont floues et parfois contradictoires, il s’est montré durant la campagne, puis la transition présidentielle, résolument protectionniste et isolationniste. Du reste, la carte électorale américaine montre nettement le clivage entre les gagnants et les perdants de la « mondialisation », ces derniers formant le noyau dur de l’électorat de Trump.
«L’économie mondiale est à la peine et ceux qui en souffrent ont l’impression que la mondialisation en est la responsable», a réagi l’économiste japonais Seiji Katsurahata, après la victoire de M. Trump, qui a séduit les électeurs américains avec un discours virulent contre le libre-échange. Loin d’être un hasard, la victoire de Trump se produit à un moment où les accords commerciaux de libre échange ont de plus en plus de mal à être acceptés par les peuples, comme l’attestent les traités transatlantiques Etats-Unis/Union européenne (TAFTA) et Canada/Union européenne (CETA).
Une défiance populaire nourrie par le sentiment que le libre-échange répond plus à l’intérêt des sociétés multinationales qu’aux peuples nationaux … occidentaux. La mondialisation a en effet suscité des effets négatifs sur la répartition des revenus, la redistribution des gains collectifs, la soutenabilité des équilibres. Elle est aussi corrélée à une concentration spatiale qui fait des villes son principal moteur.
La crise financière internationale de 2008 a eu le mérite de montrer des limites de la gouvernance mondiale tout en déconstruisant la fiction de l’autorégulation des marchés. Il convient de définir un mode d’exercice du pouvoir au niveau global, niveau pertinent pour tenter d’apporter des solutions à des problèmes transnationaux tels que le changement climatique, les épidémies, le capitalisme financier, etc. La mondialisation renforce la nécessité d’autorités publiques qui assurent la régulation de secteurs sensibles.
La nécessité de mener des actions collectives coordonnées répond à des phénomènes qui ignorent les frontières territoriales du pouvoir national-étatique. Cette réponse prend traditionnellement le nom de « gouvernance mondiale », néologisme qui ne renvoie pas à un pouvoir central et hiérarchique, mais à un ensemble de principes, de pratiques et d’institutions communes qui concourent à la définition de normes, recommandations et actions destinées à être appliquées par les États et/ou acteurs privés.
Outre un problème de rationalisation et d’efficacité de la gouvernance mondiale, celle-ci se heurte à une profonde crise de légitimité. Penser une gouvernance mondiale sans peuple mondial pose directement la question de l’assise démocratique de l’autorité décisionnelle ou régulatrice. Même si la perspective d’une démocratie ou d’un gouvernement représentatif mondial demeure irréaliste à court terme, la gouvernance mondiale ne saurait échapper à toute exigence démocratique.
Les structures mises en place pour assurer la gouvernance mondiale sont de nature à la fois interétatique et technocratique. L’enjeu est de les démocratiser en les reconnectant avec la volonté des peuples.