La conception du monde de Donald Trump consiste notamment à ériger des murs. Une logique séparationniste qui l’amène à soutenir la « barrière de sécurité » qui sépare Israël de la Cisjordanie, pourtant jugée illégale par la Cour internationale de justice de l’ONU.
« Le mur est nécessaire », a indiqué Trump. « Ce n’est pas seulement de la politique et pourtant c’est une bonne chose pour la nation d’une certaine manière, parce que les gens veulent de la protection et un mur protège » ; « Il suffit de demander à Israël. Israël vivait une catastrophe qui touchait le pays et qui venait de l’extérieur et les Israéliens ont construit un mur. Les entrées non autorisées se sont arrêtées à 99,9 % »… Son esprit de transgression n’est pas absolu pour autant.
Le président américain a ainsi déclaré qu’il était « prématuré » de discuter du déménagement de l’ambassade de Tel Aviv à Jérusalem (entretien jeudi dernier avec Fox News). Ce déménagement ne devrait pas se faire à court terme. Il n’empêche, une telle perspective est désormais réaliste, l’hypothèse s’inscrit désormais dans le champ des possibles à cause des engagements de D. Trump durant la campagne présidentielle.
En mars 2016, dans une interview à CNN, il avait en effet déclaré que s’il était élu président des Etats-Unis, il reconnaîtrait Jérusalem comme la capitale d’Israël et transférerait l’ambassade américaine dans la Ville sainte : « je le ferais (…) plutôt rapidement » avait-il même précisé. Du reste, il a décidé de nommer David Friedman au poste d’ambassadeur des Etats-Unis en Israël. Cette figure du lobby pro-israélien est un fervent soutien de la colonisation et considère Jérusalem comme « capitale éternelle d’Israël »…
Quoi qu’il en soit, si cette décision devait être prise officiellement, la région entrerait dans un énième cycle de violence, avec le spectre d’une nouvelle intifada. Ce qui explique l’enthousiasme relatif de Benjamin Netanyahou de voir formaliser une situation qu’il considère acquise de facto.
La ville symbolise à elle seule le caractère complexe et multidimensionnel du conflit israélo-palestinien : religieux, certes, mais surtout idéologique/nationaliste et territorial. Ces trois aspects sont intimement liés et sont constitutifs de ce haut lieu de l’humanité. Jérusalem abrite les Lieux saints des trois religions monothéistes. Une ville « trois fois sainte », en somme, et source de tensions interreligieuses continues et plus ou moins intenses.
Le « noble sanctuaire » (selon les musulmans) est le troisième lieu saint de l’islam: il recouvre le Dôme du Rocher et la mosquée Al-Aqsa. Selon la tradition juive, le mont du Temple (détruit en 70 par l’Empire romain) était en lieu et place d’Al-Aqsa. Depuis l’annexion de Jérusalem-Est, Israël a pris le contrôle du mont du Temple, qui demeure administré par le Waqf, l’office des biens musulmans sous la souveraineté de la Jordanie.
Un accord conclu en avril 2013 entre la Jordanie et l’Autorité palestinienne a officialisé le rôle du royaume comme gardien des lieux saints musulmans de Jérusalem. Toutefois, la police et l’armée israéliennes assurent l’ordre et contrôlent l’accès au site (autorisé en principe aux seuls musulmans qui viennent y prier, et interdits aux juifs à l’exception de certaines heures).
Au-delà de cette dimension complexe mêlant religion, pouvoir de police et autorité administrative, Jérusalem demeure au centre de la construction idéologique et territoriale de l’Etat-nation israélien et palestinien. C’est la représentation (unitaire/partagée) qui est en jeu. Ainsi, après l’annexion de la partie arabe de la ville, la Knesset a déclaré – en décembre 1980 – Jérusalem « réunifiée » comme « capitale » (« éternelle et indivisible ») de l’État d’Israël. Une revendication -rejetée par la communauté internationale, y compris par les puissances occidentales- qui s’oppose frontalement à la volonté des Palestiniens de faire de Jérusalem-Est la capitale de leur hypothétique futur État. Ces prétentions antagonistes s’inscrivent dans l’histoire même du conflit israélo-arabe et israélo-palestinien.
Si la partie arabe de la ville fait partie intégrante de la Cisjordanie, la résolution onusienne n° 181 du 29 novembre 1947 sur le plan de partage de la Palestine reconnaît à la ville sainte un statut d’entité séparée qui la place sous le contrôle des Nations unies. Elle devait ainsi être dotée d’un statut international. A l’issue de la première guerre israélo-arabe, la partie orientale de Jérusalem a été conquise par l’armée jordanienne, la partie occidentale étant annexée par Israël qui en a fait sa capitale. La « guerre des Six Jours » en 1967 marque un tournant symbolisé par l’annexion israélienne de Jérusalem-Est.
Le gouvernement de Levy Eshkol entreprend une politique de « colonisation-judaïsation » de Jérusalem-Est, qui se traduit encore aujourd’hui par une succession d’expropriation et de construction de logements toujours plus nombreux, toujours contre la paix.