Le « Rapport sur le droit à la santé en Tunisie « , réalisé par l’Association tunisienne de défense du droit à la santé est composé de 50 pages est un nouveau cri d’alarme lancé par la société civile sur une réalité inquiétante d’un secteur vital.
L’élaboration d’une stratégie nationale de santé, la promulgation d’une loi-cadre pour la mise en œuvre du droit à la santé, la mise en place d’une structure de participation des usagers et des citoyens aux décisions et au programme de santé, d’une instance de réception et de suivi des plaintes concernant le non-respect des droits économiques, sociaux et culturels sont, entre autres, les recommandations en vue d’appliquer l’article 38 de la Constitution et réduire les inégalités en matière de santé.
En se basant sur des chiffres officiels de l’INS, chiffres publiés par le ministère de la Santé et repris par d’autres sources, il a expliqué les raisons qui entravent l’exercice du droit à la santé qui est un droit constitutionnel en vertu de l’article 38 : « La santé est un droit pour chaque être humain.
L’État garantit la prévention et les soins sanitaires à tout citoyen et fournit les moyens nécessaires pour garantir la sécurité et la qualité des services de santé. L’État garantit la gratuité des soins pour les personnes sans soutien et à faible revenu. Il garantit le droit à une couverture sociale, tel que prévu par la loi ». Cependant malgré cet article dédié entièrement au droit à la santé, tout n’est pas concrétisé. Tant s’en faut.
Lors de la conférence de presse tenue au siège du Forum tunisien des droits économiques et sociaux, Dr Belhaj Yahya Moncef a pris soin de présenter les conclusions et les constatations qui pointent du doigt les inégalités dans les neuf déterminants de la santé. Tout en reconnaissant qu’ils ont connu une amélioration depuis l’indépendance, ces inégalités persistent encore aujourd’hui, telles celles dues à l’indigence, aux faibles revenus.
La même source précise que la pauvreté et la mauvaise santé sont souvent liées : « La pauvreté et les bas revenus sont souvent une cause de mauvaise santé et la mauvaise santé est souvent associée à des frais de santé importants pouvant entraîner ou aggraver la pauvreté ». Dans ce contexte, l’étude réalisée par l’INS en 2011 estime que le taux de pauvreté a été estimé à 15,5% et la pauvreté extrême à 4,6% en 2010.
« L’analphabétisme féminin pourrait également constituer un véritable obstacle au développement sanitaire en raison de l’importance de l’éducation des femmes pour la promotion de la santé et plus particulièrement pour celle de la santé maternelle et infantile », considère le rapport, tout en citant le recensement 2014 par l’INS qui affirme que le nombre d’analphabètes est de 1. 718 000, soit un taux d’analphabétisme de 18,8% et que le nombre d’analphabètes femmes est de l’ordre de 25% contre 12,3%.
Le chômage et par la suite l’absence de ressources financières est aussi l’une des causes entravant l’exercice du droit à la santé.
Les résultats de l’enquête nationale sur la population et l’emploi en date du quatrième trimestre 2015 évoquent également le nombre des chômeurs s’établit à 618 800, soit un taux de chômage de 15,4%.
Pour ce qui est de l’accès à l’eau potable, le taux de raccordement au réseau de l’eau potable de la SONEDE est de 86,7% en milieu communal et 40,9% en milieu rural, selon le recensement de 2014 mais « ces réseaux connaissant d’énormes difficultés depuis des années. Les médias font état régulièrement de plusieurs localités et même d’écoles ne disposant pas d’eau potable ».
Pour ce qui est de l’assainissement, 36,8% disposent d’une fosse septique et 5% déversent les eaux usées dans la nature. « L’accumulation des déchets ménagers dans les agglomérations est une source de multiplication d’insectes, de rongeurs, attire les chiens errants et constitue une nuisance pour la population et une menace pour la santé publique », dit-il.
Pour le facteur pollution, le rapport a pointé du doigt le bassin minier, Gabès et Sfax où se concentre la pollution. Au niveau de l’alimentation, le rapport considère que la chaîne alimentaire manque d’une supervision systématique » et de continuer : « C’est ainsi que des taux de sucre au-dessus des normes internationales ont été retrouvés dans les yaourts, les jus de fruits et plusieurs autres produits agroalimentaires ».
52% des hommes et 11% des femmes fument et la prévalence du tabagisme est en augmentation chez les femmes et les jeunes. Quant à la consommation d’alcool, elle touche toutes les catégories sociales.
Des chiffres alarmants concernent le poids considérable des maladies non transmissibles et des accidents de la voie publique. Il rappelle, en effet, que les maladies non transmissibles sont responsables de 82% des décès. « Aujourd’hui, on estime que la Tunisie compte environ 2 millions d’hypertendus, 1 million de diabétiques, 15000 nouveaux cas de cancer par an, 1000 d’insuffisance rénale chronique ».
Par ailleurs, les inégalités et l’incohérence de l’offre de soins sont aussi au cœur du problème. L’offre territoriale de soins est inégalitaire en Tunisie et dans plusieurs régions, les citoyens sont confrontés à des difficultés pour trouver la structure de soins pouvant prendre en charge leur problème de santé.
Les centres de santé de base étaient au nombre de 2091 en 2011. Malgré ce nombre considérable, « la grande majorité des CSB des zones rurales n’offrent qu’une consultation médicale par semaine et dans la moitié des gouvernorats, la proportion de CSB offrant une consultation médicale 6 jours par semaine est inférieures à 18%.
Le rapport considère que dans le secteur privé, les disparités sont plus importantes. En 2014, la région du Grand Tunis avec un population de 2 500 000 habitants dispose de 34,8% des cabinets de médecine générale existant dans tout le pays alors que les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, avec une population de 2 260 000 habitants n’en comptent que de 10,3%. La situation est la même pour la médecine dentaire.
La densité des dentistes qui exercent à plus de 80% dans le secteur privé est supérieure à 36/100000 habitants dans le Grand Tunis, Sousse et Sfax et inférieure à 18/100000 habitants dans les six gouvernorats de l’intérieur.
Les inégalités couvrent aussi l’offre de soins en équipements lourds.
En effet, le secteur privé dispose de la grande majorité des équipements lourds disponibles dans le pays avec une tendance de les concentrer dans les zones déjà bien pourvues aggravant ainsi les disparités entre les régions : 80% des scanners étaient concentrés dans le secteur privé en 2014.
Ci-après le lien du téléchargement du rapport.