Il faut avoir la foi du charbonnier pour croire que les prix de produits de base ne sont pas, actuellement, en courbe ascendante. Bien avant de se référer aux rapports officiels et les cris d’alarme lancés par les économistes, les couffins presque vides des Tunisiens ont déjà tout dit. Retour sur un quotidien de plus en plus pénible.
Selon une récente note de la BCT sur les évolutions économiques et monétaires et les perspectives à moyen-terme, les perspectives de l’inflation sont orientées à la hausse avec un taux de 4,8% au terme du premier trimestre 2017 et un taux moyen de 4,7% pour toute l’année 2017.
Le dernier rapport de l’Institut national de la statistique affirme que l’indice des prix a enregistré une hausse de 0,7% au mois de janvier 2017 par rapport à décembre 2016. Les produits les plus concernés par cette hausse sont : les légumes (15% en hausse), huile d’olive, huiles végétales (15,6%) et œufs sauf la viande et les fruits. Quant au poisson, il s’est accru de 9,2%, l’eau minérale et les boissons gazeuses de 6,6%.
Même le groupe habitation et énergie domestique a enregistré une hausse importante de 0,9%. Hausse expliquée par la hausse des tarifs de l’électricité (+5%)et du gaz (+7%), entrée en vigueur le mois dernier et le groupe habillement et chaussure qui a enregistré une augmentation de 0,4%. Que retenir de ce rapport ?
Le consommateur se trouve entre l’enclume de la hausse des prix et le marteau des besoins vitaux et quotidiens à satisfaire. Le consommateur ne sachant plus à quel saint se vouer et ni sur quel pied danser toutes les fois qu’il s’agit de mettre la main à la poche.
Mais que se passe-t-il réellement dans nos marchés ?
Pour le président de l’Organisation tunisienne de défense du consommateur (ODC), Slim Saadallah, la cherté de la vie est une évidence en Tunisie et pas besoin de rapport et d’analyse pour s’en rendre compte.
En étayant ses propos, il nous informe que la dernière vague de froid causant la perte d’une partie de la récolte est certes responsable de la hausse des prix. Mais notre interlocuteur avance une autre thèse.
« Il est vrai qu’elle y est pour quelque chose mais ce n’est pas la cause principale car malgré l’abondance des produits les prix sont demeurés élevés », renchérit-il pointant le doigt une nouvelle fois les circuits de distribution qui détournent du marché de gros des quantités considérables de la production, pour assécher les marchés et faire monter en flèche les prix.
Il ajoute que pour s’en rendre compte, il suffit de faire un tour du côté du marché municipal pour constater qu’il est pratiquement vide et qu’à l’extérieur les marchands ambulants se sont accaparés la meilleure partie de la production, au vu et au su de tout le monde.
En fait, explique-t-il, la solution se trouve en amont : comment inciter les agriculteurs à ne plus vendre à bas prix leurs récoltes aux intermédiaires qui les revendent à prix d’or ?
Selon lui, les solutions existent mais leur application fait défaut. Entre autres suggestions, l’ODC n’ a eu de cesse, depuis 2012, de proposer le regroupement des petits agriculteurs dans des espaces ouverts au public pour vendre directement aux consommateurs leurs produits. En vain.
La classe moyenne : première victime de la flambée des prix
La classe moyenne est la première victime de la hausse des prix et de l’inflation, regrette l’enseignant-chercheur Dr Aram Belhadj, dans une déclaration à leconomistemaghrebin.com. Cela devrait inciter les autorités à adopter une stratégie pour le sauvetage de cette classe, laquelle représentait 80% de la population en 2010, 67% de nos jours.
De plus, cette classe s’est fragmentée : de nos jours, il existe une classe moyenne en voie de paupérisation, une autre qui peine à arrondir les fins de mois et une autre encore qui s’en tire en s’endettant. Une petite minorité de cette classe moyenne a pu se frayer un chemin vers la richesse, mais cela reste marginal.
Seule voie passante pour améliorer les conditions de cette classe : veiller à améliorer sensiblement le pouvoir d’achat par la maîtrise de l’inflation et la stabilité du taux de change. Est-ce possible ? Rien n’est moins sûr.
Oui pour une production nationale
Abdelmonem Fitouri, ancien président de l’Union régionale de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (Utica Tunis) expose le point de vue des commerçants qui estiment que la Tunisie est un pays consommateur et non producteur et qu’il n’y a pas en fait une politique qui encourage la production nationale pour empêcher l’importation et maintenir les prix stables.
Or, commente-t-il, c’est le contraire qui se passe : la dépréciation méthodique du dinar tunisien contribue grandement à la hausse des prix, décourageant le consommateur qui déserte même les soldes, vu la faiblesse de son pouvoir d’achat.