Sur la dégradation de la note souveraine de la Tunisie, l’impact de l’endettement et les solutions possibles, Houcine Dimassi, ancien ministre des Finances et économiste, a accordé une déclaration à leconomistemaghrebin.com.
Houcine Dimassi signale deux répercussions immédiates de la dégradation de la note souveraine de la Tunisie par l’agence de notation Fitch Ratings : la première, l’incidence sur l’attractivité de l’investissement étranger en Tunisie et même les investissements locaux. : « Cela peut jeter un froid sur les espoirs nés de la tenue de la Conférence internationale sur l’investissement Tunisia 2020 », s’alarme-t-il.
La deuxième répercussion concerne les emprunts extérieurs : « Cette dégradation risque de rendre les emprunts émis sur les marchés internationaux plus coûteux et plus contraignants, notamment au niveau de la durée de remboursement », explique-t-il.
Au-delà de ces deux dégradations majeures, la baisse de la note souveraine peut avoir des répercussions sur l’ensemble de l’économie, « car si l’investissement baisse, ça peut ralentir l’activité économique, les exportations et la création d’emplois », étaye-t-il.
M. Dimassi a affirmé que les estimations de l’agence de notation risque d’être un frein lorsque la Tunisie aura besoin de sortir sur les marchés internationaux en 2017 et emprunter l’équivalent de 7% de son PIB.
« Ça arrivera certainement puisque le déficit du budget de l’Etat en 2017 semble excessif et cela pourrait être encore plus lourd que les prévisions de la loi de finances 2017, puisque les principales hypothèses retenues sont des hypothèses douteuses. Par conséquent, le déficit sera encore plus élevé et donc le recours aux emprunts externes et/ou internes seront beaucoup plus importants que prévus », explique-t-il.
Interpellé sur la dernière sortie sur les marchés européens qui a permis de lever 850 millions d’euros avec un taux de 5,6% sur une période de remboursement de 6 ans, l’ancien ministre considère que le pays s’est endetté de façon excessive après le 14 janvier 2011 : « Nous savons très bien que le budget de l’Etat a été contraint depuis 2011 à hauteur de 35 milliards de dinars, ce qui a doublé l’encours de la dette publique », se rappelle-t-il.
Entre-temps, deux nouveaux phénomènes ont fait leur apparition et compliquent la situation, d’après notre invité. Il s’agit du recours de plus en plus fréquent aux emprunts sur les marchés internationaux.
« Il s’agit d’emprunts très coûteux et plus contraignants au niveau du remboursement ». S’ajoute à cela, le recours de plus en plus fréquent aux emprunts locaux : « C’est un phénomène qui risque non seulement d’alourdir excessivement la dette de l’Etat mais d’avoir des répercussions négatives sur l’ensemble de l’économie tunisienne, à savoir l’amplification de l’inflation et par ricochet, de la détérioration du dinar tunisien. Ce phénomène nous l’avons remarqué surtout pendant les deux dernières années », indique-t-il.
Sur un ton alarmant, il a considéré que si les choses continuent sur le même rythme, il y a un risque de nous retrouver empêtrés dans un processus intenable d’un point de vue non seulement financier mais aussi économique.
« Le grand risque, nous y sommes déjà ou presque, c’est emprunter à l’avenir non pas pour combler les déficits budgétaires et pour investir mais pour rembourser les dettes antérieures », prévient-il.
Interpellé sur les solutions possibles recommandées par certains partis à l’instar de la reprise des activités de la CPG, l’exportation des agrumes, et l’audit de la dette, Houcine Dimassi a considéré que la reprise de la production des phosphates avec le même rythme de 2010 n’est pas chose facile, étant donné que la production de phosphate piétine encore et la reprise ne se fera pas rapidement.
« Quant à l’exportation des agrumes, elle n’aura pas un grand impact sur le déficit », selon lui. Pour ce qui est du rééchelonnement de la dette et son audit, l’expert a considéré que le rééchelonnement de la dette n’est possible que pour les dettes bilatérales et non pas pour la dette multilatérale.
Quelles sont les solutions possibles ?
M. Dimassi suggère qu’une des solutions est la révision de fond en comble des finances publiques. Ce qui signifie la rationalisation des dépenses publiques en gelant les augmentations salariales distribuées à tour de bras ; la révision des dépenses de la Caisse de compensation ; une politique fiscale plus soutenue pour renflouer les caisses de l’Etat en incitant les catégories récalcitrantes à payer leurs impôts.
Et de conclure :« Malheureusement les politiques mises en place par les gouvernements successifs depuis 2011 vont dans le sens contraire ».