Après avoir libéré la partie Est de Mossoul, l’armée irakienne a repris dimanche 19 février les combats pour libérer la partie ouest de la ville.
Les opérations s’avèrent nettement plus lentes que prévu, ce que les responsables irakiens expliquent par le souci de sauver le maximum de vies humaines et de provoquer le minimum de destructions dans les bâtiments officiels, les habitations et les infrastructures.
Sur le terrain, la situation de la partie Est libérée est désastreuse. Les réseaux d’eau et d’électricité sont hors service et la pénurie de nourriture touche la majorité des habitants. Avec le début des opérations dans la partie de la ville située à l’ouest du Tigre, ce sont 650.000 habitants qui risquent de se retrouver dans une situation déplorable avec la coupure imminente de l’eau et de l’électricité que ne manqueront pas de provoquer les combats, sans parler de la pénurie de nourriture.
L’ONU a déjà exprimé son inquiétude sur le « risque extrême » couru par les 650.000 habitants de la partie ouest de la ville de Mossoul.
L’ancien ministre irakien des Affaires étrangères, Hoshyar Zebari, est très pessimiste. Dans une interview donnée il y a quelques jours au journal britannique « The Independent », il prévoit « la destruction de la ville » ni plus ni moins. Pour lui, « les milliers de terroristes de Daech sont prêts à mourir jusqu’au dernier. Et pour libérer la ville, avec ses rues étroites et sa population très dense, il ne suffit pas de combattre rue par rue, mais maison par maison ».
Pour Hoshyar Zebari, « si la partie Est de la ville libérée a subi de vastes destructions, la partie ouest sera détruite ». Pour lui, « Daech est capable de mettre en place un système de résistance efficace en recourant à des méthodes habiles à travers l’utilisation de réseaux de tunnels, d’équipes de snipers et de kamikazes en grand nombre. »
Deux autres éléments importants expliquent la forte résistance à laquelle devrait s’attendre l’armée irakienne. D’abord, selon l’ancien ministre des Affaires étrangères, le « calife » Abou Bakr Al Baghdadi n’est pas mort et se trouve à l’ouest de Mossoul, un facteur important pour le moral des terroristes daéchiens pour qui ‘’le califat’’ n’est pas mort tant que le ‘’calife’’ est vivant. Ensuite, la résistance de Daech est conduite par de hautes compétences composées d’anciens officiers de la Garde républicaine de Saddam Hussein qui se battent non seulement pour protéger leurs privilèges, mais aussi et surtout pour préserver leurs vies.
Hoshyar Zebari, originaire de la ville de Mossoul, est très inquiet pour sa ville natale. Son inquiétude est d’autant plus fondée que même la partie-est libérée par l’armée irakienne n’est pas entièrement nettoyée des terroristes de Daech. Dans cette partie de la ville à l’est du Tigre, il y a encore des « cellules dormantes de 16 à 24 terroristes » dans divers districts qui sortent de l’ombre subitement et tuent encore des civils qu’ils accusent de « collaboration avec le gouvernement irakien ». Les cibles de choix de ces cellules dormantes sont les restaurants qui ont rouvert leurs portes et qui servent les soldats.
M. Zebari met le doigt sur un autre problème qui entrave les efforts de l’armée pour détruire la résistance des terroristes : la corruption. Selon lui, « il est possible pour n’importe qui de se procurer de faux papiers d’identité chez des officiers de police corrompus pour 25 000 dinars irakiens (environ 50 DT). ».
Cette corruption endémique qui mine l’Irak explique la persistance des actes terroristes dans les villes irakiennes, et en particulier la capitale Bagdad, victimes d’interminables attentats à la voiture piégée. Les check-points sont infestés par la corruption, et toutes sortes de voitures, y compris celles conduites par les kamikazes peuvent passer sans contrôle. Il suffit de payer…
A tous ces problèmes, s’ajoute un autre lié à l’élection aux Etats-Unis de Donald Trump. Avec ce dernier à la Maison-Blanche, la rivalité entre les USA et l’Iran en Irak prend une tournure dramatique. Désormais, « la nouvelle administration américaine subordonne son aide à l’Irak à la réduction de l’influence de l’Iran dans ce pays. »
Mais le plus inquiétant, ce sont d’une part les frictions entre divers partis chiites, dont ceux de Haidar Al Abadi et Moqtada Sadr, deux dirigeants chiites à couteaux tirés, et, d’autre part, la haine qui se nourrit de l’interminable violence entre les chiites et les sunnites. Autant de problèmes qui font que même après la libération de la totalité de la ville de Mossoul, le terrorisme persistera encore pour longtemps en Irak, un pays qui depuis 1980 n’a pas connu la paix.