La dernière dégradation de la note souveraine de la Tunisie par l’agence de notation Fitch Ratings est lourde de sens pour la Tunisie et son économie. L’expert-comptable associé au cabinet United Advisers, Omar Besbes explique pour les lecteurs de leconomistemaghrebin.com les répercussions de cette dégradation.
Il a rappelé que l’agence de notation Fitch Ratingsa baissé la note souveraine de la Tunisie de BB- à B+ avec perspective stable. Les raisons de la dégradation : M. Besbes a considéré que la décision a été prise suite à des constats faits par l’agence de notation, à savoir la faible reprise du secteur touristique, les risques sécuritaires, le ralentissement des investissements directs étrangers et le changement fréquent de gouvernement considéré comme un signal négatif pour les investisseurs. De même, l’agence a suivi de près les discussions et les inquiétudes quant au retour des terroristes des zones de conflit, la multiplication des grèves, le taux de chômage qui n’est pas en train de baisser pour empêcher la radicalisation des jeunes, d’après le rapport de l’agence de notation.
Cerise sur le gâteau, le chômage endémique fait courir un risque sérieux de radicalisation des jeunes Tunisiens. De plus, Fitch Ratings ne considère pas comme positif le fait que la Tunisie repose entièrement sur l’aide des pourvoyeurs de fonds internationaux comme l’Union européenne, la Banque Mondiale et le FMI.
L’expert-comptable précise :« Quand on ne compte que sur les bailleurs de fonds, cela rend vulnérable le pays. A titre d’exemple, le FMI soutient le pays mais en imposant ses conditions, à savoir la mise en place de réformes. Les réformes en question sont dans l’intérêt du pays pour redémarrer l’économie et pour créer de la valeur ajoutée, ce qui permettrait de réduire le déficit budgétaire et de solder les dettes publiques. La Tunisie n’a d’autre choix que de procéder aux réformes plusieurs fois annoncées et reportées ».
L’expert-comptable a affirmé que Fitch Ratings n’a pas pris en considération les améliorations de la situation sécuritaire, la reprise de la production du phosphate, le redémarrage de l’activité touristique. Cela est dû, selon lui, à un manque de confiance de la part de l’agence de notation dans l’avancement des réformes.
D’ailleurs, Fitch a cité dans son rapport les faibles réalisations des projections de 2016 et les difficultés constatées lors de l’élaboration du budget de 2017 et les aller-retour avec les corps professionnels des médecins et des avocats. « Malgré tout, l’agence de notation n’est pas sans citer quelques améliorations à l’instar de la promulgation de la nouvelle loi bancaire, du code d’investissement, la promulgation de la loi de finances proche d’une politique d’austérité et le plan quinquennal », continue-t-il.
Toujours est-il que le premier impact de la dégradation de la note souveraine se traduit par un manque de confiance des bailleurs de fonds, notamment le FMI, en la capacité de la Tunisie à appliquer les réformes malgré les discours rassurants du gouvernement, d’après le spécialiste.
Cela va inévitablement amoindrir la capacité du pays à s’endetter auprès des marchés internationaux. Il s’ensuit que la négociation du taux d’intérêt va être difficile et même si le gouvernement arrive à trouver des emprunts, le taux d’intérêt risque d’ être coûteux. Car le calcul du taux d’intérêt dépend beaucoup de la note souveraine du pays. S’ajoute à cela que les investisseurs étrangers se réfèrent à la note souveraine et au rapport de Doing Business.
Interpellé sur la dernière sortie sur les marchés internationaux, il a indiqué qu’étant donné la situation économique actuelle du pays, « nous sommes acculés à nous endetter pour couvrir les déficits courants », regrette-t-il.
Le taux d’endettement du PIB est actuellement de 64%, ce qui n’est pas catastrophique, prétend-il. Cependant en 2018 il atteindra 80%. Si l’on compare avec les années 90, le taux d’endettement n’a jamais dépassé les 60%. L’ennui est que cet endettement est orienté vers la consommation, la Caisse de compensation et le paiement des salaires. Cependant, si le bailleur de fonds constate que les projets compris dans cet endettement n’ont pas démarré, il pourrait l’annuler parce que l’endettement a une durée de vie bien précise, s’alarme notre interlocuteur.
Interpellé s’il existe une alternative à l’endettement, il a fait savoir qu’il en existe une seule : le retour de la croissance, la valeur ajoutée et la prise de conscience collective de la valeur travail.