Le Président de la République, lors d’une récente interview , a considéré qu’il est prématuré de faire le bilan du gouvernement d’union nationale et a estimé qu’il existe des signes positifs annonçant le redémarrage de l’économie. L’expert économique Ezzeddine Saidane, rencontré en marge d’un séminaire intitulé, « Le rôle de l’assurance dans le financement du développement », organisé par l’Institut Tunisien des Etudes Stratégiques (ITES) n’est pas du même avis et voit les choses autrement.
«Vous pouvez attendre l’économie si vous voulez, mais l’économie ne vous attendra pas», nous explique l’expert économique Ezzeddine Saidane. Il indique d’ailleurs que les indicateurs et les chiffres sont-là et sont persistants. En effet, la situation se dégrade de jour en jour «et l’économie tunisienne est en situation d’hémorragie».
Pour lui, deux chiffres traduisent la situation de l’économie tunisienne. Le premier est le taux de croissance réalisé en 2016. «En 2016, nous étions à 1,4% et il s’agissait là d’un taux de croissance réalisé par les services non marchands, c’est-à-dire par les augmentation salariales dans la fonction publique. Force est de constater que notre économie ne produit ni croissance, ni emplois, ni richesse», regrette-t-il.
D’après l’économiste, cette situation aura des répercussions sur le secteur extérieur, car le solde de la balance commerciale est alarmant. Et de rappeler qu’il a doublé en janvier 2017 par rapport au mois de janvier 2016. Cet indicateur est alarmant puisqu’il se traduit par un déficit de la balance courante de 9% du PIB, sachant que la norme internationale est de l’ordre de 3%. «Dès qu’on atteint le seuil de 3%, les indicateurs doivent s’allumer au rouge», dit-il.
Ainsi, cette situation risque de déboucher sur un endettement extérieur excessif. «Regardez ce qui s’est passé dernièrement, lors de la sortie sur les marchés européens : pour la première fois dans l’histoire de la Tunisie, nous n’avons pas levé le montant que nous escomptions. Nous nous sommes dirigés vers le marché européen avec comme objectif un milliard d’euros, mais nous n’avons pu en lever que 850 millions», rappelle-t-il.
M. Saidane estime ainsi que c’est indicatif de la situation de l’économie tunisienne : «Si on continue à penser que l’heure n’est pas encore venue de faire le bilan ou qu’on ne met pas en œuvre un plan de sauvetage en urgence, la situation va se détériorer», dit-il.
«Quand quelqu’un assume une responsabilité politique, il faut qu’il l’assume entièrement. Ce pays ne demande pas une panacée magique, mais la mise en place de solutions efficaces». Et de préciser que ces solutions doivent commencer à partir d’un diagnostic réel, effectif et consensuel. «On ne s’est jamais donné la possibilité de faire ce diagnostic. Et même l’accord de Carthage est resté dans les généralités et ne s’est jamais décliné sur le plan économique et financier, raison pour laquelle il doit être préciser, immédiatement après sa signature, par un document économique et financier qui explique la situation effective de la Tunisie.»
L’économiste a terminé son intervention en recommandant un diagnostic profond, un plan d’ajustement structurel et le démarrage des réformes, pour faire sortir l’économie tunisienne du marasme dans lequel elle se trouve.