Signe d’une véritable reprise, le tourisme s’est mieux porté, en 2016, grâce aux efforts sécuritaires, selon les responsables du secteur. Toutefois, il ne faut pas crier victoire trop tôt, surtout qu’il faut rétablir la confiance des voyagistes et des touristes en la destination Tunisie.
Alors que l’industrie touristique a représenté jusqu’à près de 10% du PIB, cette part est désormais inférieure à 7%, selon des statistiques officielles.
L’espoir est en train de renaître dans le secteur du tourisme, avec des indicateurs pas encore au point, mais augurant d’une reprise de l’activité touristique, surtout après les victoires sécuritaires contre le terrorisme. Les professionnels ont reçu le message et beaucoup parmi eux sont en train de faire la toilette de leurs établissements, dont certains avaient fermé leurs portes depuis une longue période.
Les voyagistes étrangers et locaux semblent reprendre confiance et les préparatifs vont bon train pour un succès, du moins un peu plus que limité, de la nouvelle saison touristique, avec des chiffres très éloquents qui poussent à l’optimisme quant au redécollage d’un secteur qui a mangé son pain noir durant plus de cinq années.
Le secteur touristique se porte mieux, depuis la fin de l’année 2016, avec des signes de reprise certaine sur certains marchés traditionnels, en plus de la prospection d’autres marchés, notamment la Russie qui boude la Turquie et, surtout la Chine, qui est un marché prometteur et où de nombreux efforts ont été engagés pour attirer les touristes de ce pays.
Certes, la situation n’est pas encore claire au niveau des réservations qui n’affluent pas, mais, contacté par téléphone, avant sa récente nomination en tant que membre du gouvernement, M. Abdellatif Hmam, directeur de l’Office national du tourisme (ONTT), nous a indiqué que les anciennes pratiques, au niveau des réservations ne sont plus de mise et que le touriste européen attend, maintenant, les dernières offres pour bénéficier de tarifs préférentiels, crise économique mondiale oblige.
Dans ce sens, les dernières statistiques publiées par le ministère du Tourisme montrent que près de 4,8 millions de touristes ont visité la Tunisie jusqu’au terme du mois d’octobre 2016, soit une hausse de 3,4% par rapport à la même période 2015, mais une baisse de 24,1%, par rapport à 2014, avec la nécessité de combler un tant soit peu ce retard. Les recettes touristiques sont toutefois en régression de 7,1%.
Toutefois, le tourisme intérieur a représenté la part du lion avec 30% du marché, selon la ministre du Tourisme et de l’Artisanat, Salma Elloumi Rekik, qui a affirmé que 5,8 millions de touristes ont visité les hôtels tunisiens en 2016. Mais ce chiffre omet la chute remarquable des entrées européennes, surtout que sur les 5,8 millions de touristes, 2,5 millions sont de nationalités algérienne (1,5 million), soit une hausse de 15% par rapport à 2015, et libyenne (1 million) qui, dans des temps meilleurs, ne doivent pas être considérés comme des touristes, tout comme les Tunisiens, d’ailleurs.
Ainsi, le gouvernement fait preuve d’optimisme et table sur l’amélioration des indicateurs du secteur pour 2017, avec pour objectif d’atteindre les sept millions de touristes, avec les estimations du dernier rapport de la Banque centrale de Tunisie, qui indique que « le renforcement graduel de l’activité touristique devrait contribuer à un rétablissement progressif des activités de services d’hôtellerie et des activités connexes ».
Marchés traditionnels et nouveaux
Les préparatifs pour la saison 2017 ont déjà commencé et les marchés prioritaires sont dès lors la Russie (600 mille touristes russes sont venus en Tunisie en 2016) et l’Algérie, alors que d’autres marchés émetteurs sont dans le viseur des professionnels, notamment les marchés chinois, des pays du Golfe et des pays africains. Néanmoins, la reprise ou la consolidation du secteur reste toutefois conditionnée par la triple stabilité politique, sécuritaire et sociale.
L’évaluation de la saison touristique, la préparation de la saison 2017 ainsi que l’analyse du comportement des marchés émetteurs ont été, auparavant, au centre d’une séance de travail présidée par la ministre du Tourisme et de l’Artisanat, en présence de Radhouane Ben Salah, président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie, des responsables de l’administration centrale et des présidents des fédérations régionales de l’hôtellerie.
Concernant les axes de la politique promotionnelle, l’accent a été mis sur le ciblage par groupe de marchés, l’organisation d’événements touristiques d’envergure, le renforcement de la communication digitale et la consolidation de la démarche commerciale du produit tunisien.
Pour la propreté et la sauvegarde de l’environnement, la promotion du tourisme alternatif, culturel et de plaisance, la ministre a précisé que tous ces chantiers ont fait l’objet de concertations avancées avec les départements ministériels concernés.
A cet effet, plusieurs salons promotionnels sont prévus en Tunisie en 2017, dont l’organisation de la 23ème session du M.I.T « Marché International du Tourisme » qui se tiendra, du mercredi 5 au samedi 8 avril 2017, au Parc des Expositions du Kram.
D’autre part, cinq salons en un se tiendront à l’occasion, dont « Horeca Expo » (équipements et services pour l’hôtellerie et la restauration), « Spa Expo » (thermalisme, thalasso et spa), « Boat Show » (plaisance et activités nautiques) et « Golf Show ».
La ministre du Tourisme a pris, encore une fois, récemment, son bâton de pèlerin, pour se rendre en Russie, à la tête d’une forte délégation, notamment des artistes et des professionnels du secteur, pour donner un aperçu du potentiel touristique de la Tunisie.
Cette visite intervient après la visite, fin mars 2016, d’une délégation russe composée de 440 agents de voyage appartenant à l’agence Pegas Touristik, à Djerba.
D’ailleurs, les chiffres sont très éloquents, avec une hausse spectaculaire de près de 800% à fin septembre, du fait du contexte géopolitique qui a détourné les Russes de la Turquie et de l’Egypte.
Dépasser la barre des 500 mille visiteurs français
La destination Tunisie connaît un regain d’intérêt notamment de la part des vacanciers français dont près de 500.000 sont attendus en 2017. Cette embellie s’explique par les campagnes de l’Office national du tourisme tunisien (ONTT) auprès des tour-opérateurs français.
De bonnes prémices sont remarquées avec la fréquentation qui a grimpé de 29,5% en janvier 2017, selon des données de l’ONTT. Cette croissance fait suite à celle de 39% en décembre 2016. Mais tout reste relatif et cette reprise reste liée à l’adoption d’une politique tarifaire «agressive», avec des tarifs très bas.
En outre, la mission de l’ONTT est de convaincre le maximum de tour-opérateurs de s’engager en Tunisie. Parmi eux, figure Mondial Tourisme, qui n’a jamais quitté la Tunisie. En 2016, le TO a fait venir en Tunisie environ 15.000 vacanciers et, pour 2017, il compte au moins doubler ce chiffre en proposant 35.000 sièges au départ de la France sur l’ensemble de la saison.
Autre TO fidèle à la Tunisie, Voyamar, qui voit aussi ses ventes repartir nettement à la hausse actuellement, avec un niveau de prises de commandes à plus du double de l’an dernier.
D’autres TO sont optimistes, mais veulent rester prudents. C’est le cas de Thomas Cook France, qui a vu ses ventes grimper de 74% pour la destination Tunisie, lors de la sixième semaine de l’année.
TUI France, pour sa part, annonce également une reprise sur les ventes pour l’été 2017, alors que Club Med a confirmé l’ouverture de son club de Djerba La Douce en juillet 2017. Bien que la reprise reste timide, il garde l’espoir qu’elle s’accélère très vite.
Des tarifs très bas et un net renforcement de la sécurité sont les deux atouts à l’origine de la reprise du tourisme tunisien, du moins en ce début d’année 2017. Les opérateurs pensent que le pays devrait dépasser, pour une première étape, la barre des 500 mille visiteurs français, surtout que le gouvernement de ce pays a mis au « vert » toutes les zones touristiques tunisiennes, comme l’a indiqué l’ambassadeur de France en Tunisie, Olivier Poivre d’Arvor, dans une récente déclaration.
Les Polonais reviennent
Le marché polonais des touristes a connu une forte baisse, après les attentats sanglants qui ont visé en 2015 le musée du Bardo et l’Hôtel de Sousse. Plus de 152 mille touristes polonais avaient visité la Tunisie en 2010.
Mais les touristes polonais reviendront en Tunisie, a assuré, récemment, l’ambassadrice de Pologne à Tunis Lidia Milka-Wieczorkiewicz, dans une déclaration à l’agence TAP.
Plusieurs tour-opérateurs polonais ont déjà entamé des vols charter en direction de la Tunisie à raison de deux vols par semaine, a ajouté la diplomate, lors d’une rencontre à Tunis avec la société civile pour dresser le bilan du soutien de la Pologne à la démocratie tunisienne pendant la période 2012-2016.
Selon la diplomate, les tour-opérateurs polonais ont envisagé une augmentation de leurs activités touristiques vers la Tunisie pendant la haute et l’arrière-saison 2017.
Toujours selon elle, la ministre tunisienne du tourisme ira bientôt à Varsovie pour rencontrer son homologue polonais, les tour-opérateurs ainsi que les plus grandes agences de voyage polonaises.
Pour ce qui est des touristes britanniques, les choses ne semblent pas vouloir évoluer dans le bon sens, surtout qu’ils ont payé le plus lourd tribut dans l’attentat de Sousse (26 juin 2015).
Quelque 1500 touristes anglais, attirés par les bas prix pratiqués par les unités hôtelières, ont visité la Tunisie, au mois de janvier, enregistrant une augmentation de 22,4% par rapport à l’année dernière.
Feu vert de la Belgique
La Belgique, de son côté, a décidé de lever l’interdiction de voyage sur certaines zones de la Tunisie. Dans une note publiée jeudi 23 février 2017, le service fédéral des Affaires étrangères belge a annoncé de nouvelles précisions à l’adresse de ses ressortissants souhaitant voyager en Tunisie.
La note précise que les voyageurs peuvent se rendre à Tunis, sur l’axe côtier Mahdia-Monastir-Sousse-Hammamet-Nabeul-Tunis-Bizerte, tout en restant vigilants et prudents. Toutefois, les déplacements sont formellement déconseillés dans les zones frontières avec l’Algérie à l’ouest de l’axe Tabarka – Jendouba – Le Kef-Kasserine-Gafsa-Tozeur, et dans les zones frontalières avec la Libye au sud de l’axe Tozeur-Kebili-Matmata-Medenine-Zarzis, ajoute la note. « Les voyages non-essentiels sont également déconseillés sur le restant du territoire tunisien », précise la note, en rappelant que l’état d’urgence a été prorogé jusqu’au 17 mai 2017.
En effet, c’était depuis 2015, au summum des attentats terroristes, que la Belgique a décidé d’émettre des restrictions de voyage en Tunisie. Des croisiéristes, dont notamment MSC Croisières et Costa Croisières, avaient décidé d’annuler toute escale en Tunisie, au lendemain de l’attaque du Bardo, où certains de leurs passagers ont été touchés.
« Thomas Cook Belgium reprendra ses vols à partir du samedi 8 avril vers l’aéroport d’Enfidha, qui se situe dans la région de Hammamet », affirme le tour-opérateur dans un communiqué. « Jusqu’à présent, beaucoup de Belges rejoignaient la Tunisie à partir de la France ou du Grand Duché de Luxembourg, où l’avis aux voyageurs n’était pas négatif », ajoute-t-il.
Chez TUI, la volonté est également de reprendre les opérations, mais aucune date n’a encore été fixée, annonce l’agence Belga.
A l’issue de sa rencontre, jeudi 23 février 2017, avec le chef du gouvernement Youssef Chahed, le président exécutif de MSC Croisières, l’Italien Pierfrancesco Vago, a estimé que sa compagnie est sur le point de reprogrammer la Tunisie dans ses destinations.
Selon lui, cette compagnie mondiale œuvrera à reprogrammer la Tunisie parmi les destinations touristiques préférées de MSC.
Préparer le terrain pour la reprise
Tous ces indicateurs sont révélateurs du nouvel état d’esprit, mais pour les professionnels tunisiens, il est nécessaire d’agir pour maintenir cette dynamique et, pourquoi pas, la faire évoluer. Il ne tient qu’à eux de ne pas dormir sur leurs lauriers et de faire le nécessaire pour attirer ces touristes et les fidéliser.
Jusqu’à maintenant, la Tunisie s’est limitée au tourisme balnéaire et l’évolution du secteur touristique appelle à varier les produits et à présenter les autres atouts dont dispose la Tunisie, comme le tourisme culturel et de santé.
A ce propos, les sites archéologiques pouvant être un attrait pour les visiteurs étrangers sont abandonnés à leur sort et leur entretien, qui nécessite des sommes importantes, ne semble pas être au programme du sommet de l’Etat.
En outre, le pays est classé en deuxième position, après la France, dans le domaine de la thalasso et de l’hydrothérapie, et il revient aux professionnels de ce domaine d’activité de valoriser le produit et de le promouvoir, en se basant sur les atouts tels le professionnalisme des opérateurs et les coûts beaucoup plus bas que ceux pratiqués ailleurs.
Le service dans les établissements hôteliers est aussi un élément fondamental à prendre en considération. La Tunisie avait, dans le passé, beaucoup de doigté et de savoir-faire, à ce niveau. Il y va donc de la volonté des professionnels pour revenir aux habitudes passées en considérant que le client, surtout étranger, doit être roi.
De nouvelles donnes, au niveau d’autres marchés porteurs, sont également à faire valoir, comme c’est le cas des touristes chinois qui ont besoin de préparatifs spéciaux pour les fidéliser à la Tunisie, surtout qu’ils sont férus d’histoire et d’archéologie, en plus du balnéaire.
Il y va de l’avenir du secteur du tourisme en Tunisie, un secteur qui occupe une part importante dans le PIB. Le pays a besoin des recettes touristiques pour renflouer son économie et sortir de la crise.