Les participants au colloque organisé les 27 et 28 mars à Tunis par l’Association tunisienne pour la loi sociale et les relations professionnelles sur la réforme de la sécurité sociale ont appelé à une impérative réforme de la sécurité sociale vu les défis qui lui sont imposés et les solutions à leur apporter.Un panel de spécialistes s’y sont arrêtés. Couverture.
Le colloque a tenté d’épouser tous les aspects d’une situation de plus en plus insoutenable et d’apporter les réponses aux multiples questions posées à ce propos.
Le verdict connu est confirmé. Une réforme s’impose. Une manière de faire, de procéder et d’imaginer doit être abordée dans une démarche tripartite entre les employés, les employeurs et l’administration. Le but étant de redonner des couleurs à un secteur vital qui fait la moue depuis bien des années.
Le constat, il faut bien l’admettre, ne date pas d’aujourd’hui. Les caisses sociales, tous profils et spécialités confondus, se portent mal. L’Etat devra consacrer 500 millions de dinars à la CNAM en 2018 si les réformes ne sont pas engagées dans les plus brefs délais. Les chiffres avancés ça et là n’augurent rien de bon, faisant profiler des horizons peu rassurants s’ils continuent leur démarche titubante. Les spécialistes n’ont pas lésiné sur les qualificatifs pour tirer la sonnette d’alarme et appeler à une urgente réanimation du secteur. Aujourd’hui, ce diagnostic n’a pas pris un pli et, encore une fois, des appels sont lancés avec insistance pour trouver les solutions appropriées, lesquelles permettraient aux caisses sociales de sortir du goulot d’étranglement dans lequel elles se trouvent désormais.
Partant du fait qu’une réforme plurielle et pluridisciplinaire est désormais nécessaire, on a traité de ses défis, du financement de la retraite, de l’assurance maladie et de sa réalité et ses perspectives.
Tout cela dans le cadre d’une nécessaire gouvernance idoine qui serait à même d’assurer un meilleur relais pour le secteur de la sécurité sociale, aussi bien dans le détail de ses composantes que dans la généralité de ses aspirations à travers la mise en place d’un socle efficace en matière de protection sociale.
La protection sociale est une nécessité tout au long de la vie
Toutes les interventions et les communications programmées ont eu, malgré la diversité thématique et la floraison constatée des zones d’intérêt, pour seul dénominateur commun l’impératif d’une meilleure et vitale reprise en main du secteur, le tout devant se fonder sur une donnée de base – laquelle a «été fondamentalement partagée durant le colloque- qui se résume par la devise que « la protection sociale est une nécessité tout au long de la vie ».
La première journée a permis d’ausculter le volet des défis de la réforme et du financement de la retraite, et ce, après avoir cerné le bilan des précédentes réformes dans les secteurs public et privé. Ceci en parallèle d’un aperçu des expériences étrangères en la matière. Et pour finir, une intervention sur les perspectives de la fiscalisation du financement de la sécurité sociale.
Pour la deuxième journée, l’intérêt s’est porté sur l’assurance maladie avant de se focaliser sur les concepts de socle social et les critères d’une bonne gouvernance en ce qui concerne la sécurité sociale sous nos cieux.
Seule une bonne gouvernance est viable
La bonne gouvernance ou pour utiliser une traduction plus prosaïque l’administration éclairée et avisée ne se limite pas à une utilisation optimale des ressources. Le concept est de toute évidence plus large englobant aussi compétence, participation, transparence et respect total de la loi. Cette approche s’est vu être au centre des intérêts de tous depuis de nombreuses années, à tel point qu’à l’échelle international l’OIT lui a consacré tout un département.
En Tunisie, le concept de bonne gouvernance a retenu l’attention pour finir par avoir une place omnipotente dans tous les projets de réforme. Ce constat s’est imposé en ce qui concerne la sécurité sociale dont les responsables y ont découvert plusieurs mérites au niveau de l’amélioration des équilibres financiers des caisses sociales. Concédant à ce thème une place prépondérante dans la programmation, les organisateurs du colloque ont voulu exprimé à travers cela l’intérêt majeur porté à la gouvernance.
Youssef Ghalleb, chef de l’unité Dialogue social et tripartisme ( BIT- Genève), a ,dans son intervention à ce propos, mis l’accent sur l’importance de ce concept en tant que principe de gestion saine et préalable au développement avec optimisation des ressources. D’ailleurs, a-t-il insisté, de nombreuses conventions de l’Organisation internationale du travail y font directement référence (numéro 102 entres autres) en faisant prévaloir la notion de gouvernance tripartite ( travailleurs, employeurs , gouvernement). Les critères d’une bonne gouvernance étant la participation, la transparence, la responsabilité, la crédibilité et le dynamisme.
En ce qui concerne la sécurité sociale, le tripartisme s’impose avec un renforcement manifeste du principe de la consultation de tous les partenaires sociaux, ce qui a pour effet immédiat de se répercuter au niveau d’une saine gestion participative.
Le colloque a permis, à cet effet, de découvrir quelques exemples de modèles de bonne gouvernance à travers le monde. Tel le cas de la Malaisie, juste après la crise de 2008 et 2009 qui a secoué le monde. Ce pays a entamé un projet sur l’assurance-chômage. Il a créé à ce propos un comité national tripartite qui a bien avancé dans ses travaux.
L’exemple aussi du Sénégal qui a travaillé dans le même cadre conceptuel sur le projet de l’extension de la sécurité sociale aux travailleurs du secteur informel. L’exemple encore de l’Espagne qui s’est intéressée à l’allongement de l’âge de départ à la retraite.
L’impératif du socle de protection sociale
Aujourd’hui, l’impératif d’une réforme des régimes assurantiels est plus que jamais d’actualité. Cela doit, comme cela a été souligné, se manifester précisément par la notion et les mécanismes d’un socle social approprié.
A l’échelle internationale, le principe est posé et se répercute clairement dans la convention n° 102 sur les normes minimales de sécurité sociale. Il importe de couvrir tous les cas et les risques dits classiques. Mais au cours du temps, de nouveaux risques sont apparus et qui ne figurent pas dans l’agrégat des nombreuses conventions en vigueur (risques dits de 4eme âge, dépendance, paternité…).
Il faut maintenir la démarche assurantielle et veiller à l’améliorer. Ceci ne peut se faire que par l’instauration d’une croissance dite inclusive. Celle-ci est à même de maintenir le niveau de consommation et donc d’entraîner un développement au niveau satisfaisant.
Les socles de protection sociale doivent concerner aussi bien le secteur formel qu’informel. Faut-il rappeler qu’un socle minimum doit avoir des composantes inévitables dont l’accès aux soins pour tous et la sécurité de base pour les enfants( allocations familiales, éducation..). Surtout ne laisser personne en dehors de la protection.
La réforme est devenue pour nous, comme cela a été grandement souligné durant le colloque, une obligation, un recours inévitable. En attendant un aperçu sur la situation.
L’essoufflement financier des régimes de retraite, à titre d’exemple, a atteint, comme l’a souligné Kamel Essoussi, expert en la matière, un déficit de 200 millions de dinars. Ajoutant à cela les lourdes charges exigées, dissuasives pour les employeurs et de bien d’autres facteurs inhibants.
Des questions qui requièrent des réponses urgentes, en attendant la mise en forme d’un projet de réforme qui se fait attendre.