Enjeu des relations euro-méditerranéennes, la mobilité et la diaspora constituent un sujet préoccupant : au-delà des états d’âme de part et d’autre de la Méditerranée, la quête de l’émigration économique des habitants du sud, les velléités d’exclusion de l’extrême-droite européenne, » Mobilité et diaspora » posent la question des relations de l’Union européenne avec le Maghreb. Les relations en vigueur ouvrent en effet le marché aux produits, dans le cadre avantageux pour l’Europe et de l’échange inégal et des relations asymétriques mais exclut la libre circulation des Sud-Méditerranéens.
Cette situation reste un thème de discorde, au cours des négociations, en dépit des voeux pieux d’éventuels « partenariats privilégiés ». L’ambassade de France a eu le courage de traiter cette question, dans un souci de persuasion évident (Tunis, 30 mars – 1er avril 2017) ». La proximité favorisant les va-et-vient entre la France et la Tunisie, la communauté française en Tunisie représente 30.000 personnes. La diaspora tunisienne, en France, atteint près de 760.000 personnes. Nous introduisons nos propos, sur la problématique de l’émigration, par cette référence au titre du film-poème « Brûle la mer », qui vient des rivages méditerranéens de l’Afrique. Bascule fantasmatique, entre l’espoir et l’échec, la réalité a dissipé le rêve. Le film nourrit en retour une nostalgie pour la Tunisie et décrit la mélancolie du déracinement (film de la cinéaste Nathalie Nambot et de l’immigrant tunisien Maki Berchache, novembre 2016).
Le forum « Mobilité et la diaspora » avait pour but de présenter l’importance des flux migratoires et de mettre en valeur les influences positives que cette mobilité professionnelle, étudiante ou familiale, engendre que ce soit en France ou en Tunisie. Il se décline en plusieurs volets : société civile, développement et économie, importance de la diaspora. L’Office français de l’immigration et de l’intégration à Tunis a été un participant actif au Forum, ainsi que l’Office des Travailleurs tunisiens à l’étranger et l’Observatoire national de l’émigration. Inaugurant les travaux, l’ambassadeur de France, Olivier Poivre d’Arvor, a exprimé les bonnes prédispositions françaises à l’égard de la Tunisie, dans le cadre d’une « construction ensemble ».
Traitant cette question transversale, le forum engage une réflexion franco-tunisienne, évoquant les différentes composantes du thème : visa, émigration, éducation, culture. Il élargit ses enjeux à l’étude de l’expérience du camp Choucha d’accueil des réfugies de Libye, en 2011, l’entrepreneuriat et la diaspora, le soutien à la création d’activités, employabilité et diaspora, les expériences partagées. Signalons la riche enquête du chercheur français Jean-Pierre Cassarino, sur le retour des migrants dans leurs pays d’origine et leur capacité à se réinsérer et à entreprendre : le cas de la Tunisie. Les 700 entretiens qu’il a accomplis montrent, à travers l’étude du départ, de l’émigration et du retour, la réussite de l’insertion, en tant que partenaires, de ceux qui ont accompli un cycle complet, non interrompu, par un départ accidentel.
Abordant l’opportunité d’une ouverture de la diaspora, le forum a étudié l’état de la diaspora subsaharienne, en Tunisie, avec une potentielle participation de la diaspora tunisienne en France, exposant deux expériences comparatives. Cette ouverture des échanges, au-delà de l’aire euro-méditerranéenne, mettrait à l’ordre du jour une dynamique d’avenir, qui pouvait d’ailleurs transgresser la pesanteur de l’Union européenne sur la question. Le forum a réussi à élargir la vision d’une histoire partagée et d’un dialogue à construire. S’agit-il d’une « utopie à l’épreuve de la réalité », expression d’une affiche sans doute électorale, qui s’adresse à la population cible française ? Peut-on parler désormais du « temps des frontières », dans l’aire-monde ? Le Forum de Tunis tient à démentir ces états d’âme de peur de l’autre. Saluons cette initiative qui opte pour un retour aux normes de la solidarité et pourquoi pas du codéveloppement.