Dix-sept ans après la disparition du leader Habib Bourguiba, un 6 avril 2000, le père de l’Indépendance est devenu une grande figure du monde contemporain, ou mieux encore un mythe non seulement dans son pays, mais aussi dans le monde entier. Il a eu le courage et la vision de celui qui, après 1965, a appelé les Etats arabes à ouvrir la voie de la paix notamment dans le conflit palestinien. C’est grâce à lui que la Tunisie a montré le chemin de la modernité, à l’aube de l’indépendance, avec le Code du statut personnel, la démocratisation de l’éducation et de la santé. C’est tout un parcours hors du commun avec tant de luttes et de combats au service de la Nation.
Un parcours exceptionnel : Bourguiba est né le 3 août 1903 à Monastir, fils de Ali Bourguiba et de Fatouma Khefacha. Il est le dernier des frères et sœurs. Durant son époque, « La diplomatie a connu son âge d’or », affirme Mohamed Férid Chérif, un ancien ambassadeur qui a longtemps servi du temps du leader Habib Bourguiba. Il nous a confié: « Le président Bourguiba a cette qualité extraordinaire, la modestie d’écouter les gens. J’ai assisté avec lui à la rencontre de plusieurs chefs d’Etat« .
Concernant le conflit palestinien, il a déclaré: » Bourguiba et Abdennaceur se respectaient mutuellement, mais les choses avaient pris une autre tournure quand Bourguiba avait dit à Abdennaceur au cours d’une visite en 1965, – Je vais proposer aux Palestiniens d’accepter les accords des Nations unies, alors que les Arabes avaient refusé cet accord, je vais le faire mais à une condition, il ne faut pas m’attaquer. Après ses déclarations, l’ambassade de Tunisie en Egypte a pris feu. Abdennaceur était un mauvais joueur dans ce conflit« .
Pour ceux qui l’ont connu de près, ils confirment tous qu’il avait un talent fou, celui d’orateur connu pour ses discours enflammés pour inciter les Tunisiens à se mobiliser. Trois mois à peine après l’Indépendance, Bourguiba avait un seul souhait : « Il faut moderniser et changer les mentalités », répétait-il. Il était le seul à pouvoir le faire, en imposant le Code du statut personnel, boycottant notamment la polygamie. A l’époque déjà, sa réputation était faite. Bourguiba pour le reste du monde était le libérateur de la femme.
Sa vision de l’islam, il l’a déclarée dans une interview réalisée en 1961 : « L’Etat moderne tunisien n’est pas laïque. C’est un Etat musulman, mais progressiste, c’est ce qui constitue l’originalité. On a toujours cru pendant longtemps que l’islam est un islam de recul, de stagnation. Eh bien la cause en est les hommes de l’islam, de ceux qui interprètent la loi de l’islam et qui ont l’esprit très étroit, pétrifié, figé. Moi, pour ne pas heurter le sentiment religieux, j’essaie d’être un instrument de progrès. L’incompatibilité existe entre le monde moderne et l’esprit de certains musulmans. »
Sur la question de l’incompatibilité entre la démocratie et l’islam
Notre interlocuteur poursuit : « Au début l’islam était nettement un régime démocratique. Omar, le deuxième calife a dit Dieu nous a tous créé égaux. On ne comprend pas que nous soyons si illégaux dans la vie. Et Jean Jacques Rousseau a dit l’homme est né libre. C’est un peu la même idée. »
A propos de l’unité du Maghreb mais aussi l’avenir de l’Afrique du Nord, le leader Habib Bourguiba avait déclaré: « Je crois que cette unité exigera du temps parce que nous tenons à ce qu’elle se réalise non pas par la conquête ou par la force, mais par la volonté des peuples. Un facteur qui facilite cette marche vers l’ unité, c’est le fait que nous ayons été dominés par le même pays colonisateur. Or cette idée du Grand Maghreb, nous y travaillons, mais j’estime qu’en définitive, les pas que nous faisons vers l’unité sont très importants surtout si l’Algérie arrive à accéder à l’indépendance avec l’aide de la France , avec les mêmes conditions que la Tunisie et le Maroc, cela faciliterait énormément les choses et permettrait à cette unité de s’établir sur les bases solides. La décolonisation crée une solidarité entre tous les pays qui ont eu à souffrir du régime colonial même quand ils appartiennent à des continents différents« .
Xénophobie
« Nous n’avons pas ce problème, vous pouvez le sentir dans le peuple, nous avons besoin de rattraper le retard si nous nous mettons au travail en laissant de côté tout ce qui est xénophobie, le fanatisme« , a-t-il conclu.
Il y a 17 ans jour pour jour, le leader Habib Bourguiba tirait sa révérence en laissant à son peuple un héritage exceptionnel et intemporel qui servira d’exemple pour des temps immémoriaux : l’obligation et la gratuité de l’enseignement, la République, l’accès au service de la santé publique, l’émancipation de la femme, le Code du statut personnel, l’interdiction de la polygamie, la couverture sociale. Autant d’acquis qui ont permis au Printemps arabe de résister aux sirènes de l’obscurantisme et de gagner l’admiration du monde pour la réussite de la Tunisie dans sa transition démocratique.