Tentant d’apporter les réponses idoines à la magistrale question posée par le deuxième panel organisé lors de la seconde phase du 19eme forum de l’Economiste maghrébin tenu hier, vendredi 20 avril, les interventions des spécialistes ont , chacun selon sa méthode et son vécu du sujet, pointé du doigt les vrais défis.
La question est relative à la détermination de la stratégie à mettre en œuvre afin de réussir au mieux l’impératif désormais de l’innovation. Cette démarche bien que cognitive a été enrichie par des illustrations concrètes prises dans la réalité et rapportées pour la plupart par ceux qui les ont orchestrées, vécues et évaluées, d’où l’intérêt et la pertinence.
Faisant preuve de perspicacité et de rigueur – chose qui lui est unanimement reconnue- Radhi Medeb, le modérateur du panel, a réussi le pari de veiller au respect du timing imparti aux communications en facilitant le passage de témoin sans pour autant que ce soit au détriment du contenu des interventions. Son éclairage succinct, qu’il apporte à chaque thème abordé, a été une plus- value académique fort appréciable, permettant ainsi à l’auditoire de profiter de toutes les communications programmées, ce qui était au préalable peu probable vu le débordement en temps des rubriques du forum et la qualité très relevée des débats. Ainsi Sami Ghazali (DG de l’économie numérique), Badreddine Ouali( Vermeg), Samir Bechouel (DGde l’API), Eric Grab ( Directeur Innovation Michelin) et Benoit Grossman ( DGd’Iinvest) ont apporté leurs témoignages à propos de la question de la stratégie à mettre en œuvre en matière d’innovation. Un véritable cocktail d’éléments de réponses de haute teneur.
Les mérites de l’économie de fonctionnalité
Ouvrant le panel, Eric Grab a admirablement encadré le sujet en partant de sa propre expérience au sein du mastodonte industriel qu’est Michellin. Insistant sur le fait que l’innovation signifie créativité, surpassement de soi et découverte de nouveaux sentiers économiques porteurs, il a fait la démonstration du possible à faire et des objectifs à atteindre tout en tenant compte des possibilités et des opportunités permises. Il a à ce titre mis l’accent sur l’impératif en amont de toute initiative de procéder à une réflexion minutieuse afin d’arrêter les étapes à franchir. Cela se traduit, selon lui, par la nécessité de comprendre la demande, c’est-à-dire l’enjeu de l’opération dans le détail, ses implications et les différents pôles qui en sont concernés. « L’innovation, ne l’oublions pas, est une rencontre d’une offre et d’une demande » dit-il . Et de poursuivre : « Cela ne sert à rien de développer une offre quand il n’y a pas au préalable une demande. C’est pourquoi, il faut bien travailler sur celle-ci non pas en elle-même mais dans un cadre plus large, celui des consommateurs potentiels et des autres entreprises ». Une logique qui ne souffre d’aucune ambiguïté. De plus, la quête de la demande est une initiative tournée vers l’avenir. En cela, il souligne qu’il ne s’agit pas là d’un travail sur la demande exprimée dans le « maintenant » mais plutôt et surtout sur ce qu’il a désigné comme étant une « demande latente et anticipative ». Et comme cette dernière est par essence future, il importe qu’elle soit bien réfléchie et donc qu’elle doive faire l’objet d’évaluation et de tests de pertinence et de faisabilité. De plus, une donnée importante doit être étudiée en parallèle : il s’agit de la détermination des usages, celles des générations futures à qui l’innovation est destinée. Logique donc dans cette perspective de bien identifier ces usages, ce qui implique l’élargissement des spectres de la recherche. Cela revient à dire bien comprendre l’écosystème afin d’en tirer tous les profits potentiels, et par là même créer de la valeur en sortant des sentiers battus. Des exemples de remise en forme de la recherche : garantir une économie de fonctionnalités( pour les pneus à titre d’illustration, vendre des kilomètres plutôt que de se focaliser sur le produit lui- même ou pour les engins qui volent vendre la qualité du décollage et d’atterrissage..)
Les défis du digital
Et les propos des interventions par la suite de garder, tous thèmes confondus , cette ligne de pertinence et de qualité dans le développement. Badreddine Ouali, pour sa part, a traité de quelques-uns des ingrédients nécessaires à la réussite de l’innovation , dont l’impératif de l’invention des systèmes appropriés aux pays concernés. Ceci en tenant compte de ceux qui peuvent fonctionner .Toutefois, il a souligné les limites constatées au niveau de notre pays. » Dans le système protectionniste d’aujourd’hui, nous avons le légal, a-t-il dit, mais nous n’avons pas les moyens « .
Pour Samir Bouhlel, la question de la stratégie est primordiale . Il faut par conséquent bien asseoir l’infrastructure par le biais des pôles technologiques, les réseaux des laboratoires et tout ce qui a trait à la recherche. Il a cependant fait remarquer que la démarche entreprise jusque-là en la matière « n’est pas inclusive ». De plus, dit-il, les études réalisées sont « dans le tiroir ». Comme solution, il a proposé que de nombreuses choses soient « revisitées ». Il importe, par conséquent, et surtout de faire en sorte que l’inclusion soit financière et économique.
Seul le travail..
Benoît Grossman, de son côté, a insisté sur le fait que l’écosystème est surtout entrepreneurial. Le digital est une vraie révolution. Il faut donc se positionner par rapport à cela.. le problème toutefois : les compétences existent mais l’aspect financier est manifestement un élément bloquant. Il est donc impératif de chercher à trouver les alternatives positives, celles qui favorisent l’innovation salutaire.
Le panel a fait le tour de la question de la stratégie à mettre en œuvre. En filigrane de tout cela, Radhi Meddeb, maniant non sans brio le sens de la répartie, s’est référé, durant le déroulement du panel , à un propos de Voltaire sur les mérites du travail, lequel propos illustre bien un des aspects du thème abordé :« Le travail élimine trois maux : le vice, l’oisiveté et le besoin »
A méditer..