La Tunisie a depuis l’indépendance mis un point d’honneur à faire de l’éducation une priorité nationale. Une part majeure du budget de l’Etat lui a été consacrée avec un taux de 7 % du PIB par an.
Devant un tel investissement, avons-nous obtenus les résultats escomptés ? Malgré un taux record de 99% de scolarisation des enfants âgés de 6 ans égal pour les garçons et les filles, la Tunisie observe une montée inquiétante de l’abandon scolaire.
A cet effet, une étude de terrain intitulée “L’abandon scolaire, les facteurs et les obstacles” réalisée par l’Association Citoyens de Gafsa, en collaboration avec la Délégation de l’Union européenne en Tunisie, a permis d’analyser les déterminants de ce phénomène émergent.
L’étude ayant porté sur une population de 732 familles situées à proximité de 83 écoles, collèges et lycées dans les gouvernorats de Gafsa et Kasserine a montré que parmi les enfants ayant fait l’objet d’un abandon scolaire 40 % d’entre eux étaient originaires de la région de Gafsa et 60% étaient originaires de Kasserine.
La répartition de la population d’enfants ayant abandonné l’école selon le cycle d’enseignement est la suivante : 23 % pour le cycle primaire, de 25 % pour le cycle préparatoire, et de 51% pour ce cycle secondaire. Les garçons sont plus touchés par ce phénomène avec une proportion de 63% en comparaison des filles qui représentent 37 % de la population de l’étude.
Parmi les facteurs mis en cause dans l’abandon scolaire, les facteurs scolaires qui représentent 44 % des raisons d’abandon. Un manque d’attrait pour l’environnement scolaire perçu par certains élèves comme hostile (plusieurs enfants ont déclaré qu’ils ont été victimes, au moins une fois, d’une agression morale et verbale) , des infrastructures défaillantes ( manque d’hygiène, un nombre de salles de classe insuffisant, absence de restaurant scolaire), l’échec scolaire vécu comme une échec et pourvoyeur d’un état de manque de confiance en soi , et l’éloignement des établissements scolaires (qui dans certains cas mettent en péril la sécurité des enfants) , ont contribué à dissuader ces enfants de poursuivre leur cursus scolaire.
Sur un autre volet, la pauvreté constitue un facteur conduisant à l’abandon scolaire : 11% des familles interrogés sont en situation financière très précaire et 29% sont en situation financière précaire. L’analphabétisme des parents constitue un autre facteur contribuant à réduire davantage le soutien nécessaire aux enfants à la maison.
Les études sont par ailleurs perçues sans utilité car elles ne sont plus synonyme de possibilité d’ascension sociale, comme le souligne le témoignage d’un garçon de 17 ans à Kasserine qui déclare : « Mon cousin est contrebandier, il gagne bien sa vie, il est dans une situation très confortable… »
L’étude révèle enfin que 57% des garçons et 48% des filles interrogés ne regrettaient pas leur abandon scolaire… A méditer très sérieusement.