La question de l’innovation est primordiale pour réussir notre transition économique. Cela a été dit et redit lors de la tenue, 20-21 avril, du Forum de l’Economiste Maghrébin.
Anis Sahbani, professeur et Maître de Conférences, CEO & founder ENOVA ROBOTICS, a décidé de se lancer dans l’entrepreneuriat en créant une start-up du monde de la robotique. Intervenant lors du panel du Forum “Innover pour réussir”, il déclare : « Quand je suis arrivé en Tunisie en 2014, j’avais l’ambition de monter une start-up dédiée à la robotique . Il s’agit de la première entreprise dans la région MENA où on fabrique la première marque de robot. On ne fabrique pas des humanoïdes mais des robots mobiles. Le choix est aussi stratégique. Le premier robot mis sur le marché est un robot préposé à la sécurité des grands espaces au niveau des frontières et les aéroports, à usage civil, opérant à l’extérieur. Un robot complètement autonome qui détecte des intrusions et lance des alertes soit à des postes lointains ou à des postes de commande locales sur site ».
Même si le monde des robots paraît révolutionnaire et conforme à l’innovation, les difficultés administratives freinent ce type d’innovation. « J’ai mis six mois pour créer cette start-up à cause de la lourdeur de l’administration : le premier obstacle a été la difficulté de débloquer l’argent car il n’y avait pas d’intermédiaire entre le ministère des Finances, la Douane, le ministère de l’Industrie et la Banque centrale. Mais plus encore, il n’existe pas de code au ministère des Finances sur les activités robotiques », confie-t-il.
Le débat est récurrent quand on parle de la digitalisation et de numérisation. « Rien n’est digital dans toute l’administration il y a un grand effort à faire », martèle-t-il. Selon M. Sahbani, le terme innovation est encore incompris au sein de l’administration tunisienne, en poursuivant: « Les gens n’ont pas connaissance aujourd’hui des prémices de l’innovation. Or quand on parle d’innovation on parle des propriétés intellectuelles à protéger ». Mais le plus surprenant d’après lui, c’est qu’en Tunisie il n’y a pas de bureau préposé à la rédaction des brevets. On se pose la question comment ça se passe aujourd’hui si quelqu’un veut lancer une start-up dans laquelle on exige un brevet?
Il a répondu: « On rédige nous-mêmes les brevets, même si au niveau de l’INNORPI on nous aide un peu, mais il n’y a pas de loi qui encadre les brevets. En d’autres termes, l’Etat n’a pas investi dans la rédaction de brevet à l’international quand l’entreprise est totalement exportatrice. Ce sont autant d’exemples qui freinent l’innovation. Il y a une contradiction au sein de la bureaucratie entre le critère de l’innovation et le développement de ces entreprises. Le 2ème problème est lié à l’absence d’experts en technologie ».
Que faut-il faire?
« Ce qui manque, c’est la volonté de l’Etat. J’ai bien aimé la présentation de l’expert coréen quand il a dit que chaque Etat doit créer son propre chemin. On peut prendre l’exemple de la Corée qui a décidé à un certain moment, à travers une dictature, de choisir cet axe de développement en poussant Samsung à se développer. Même si le ministre de l’Industrie a déclaré qu’on gère l’urgence, personne ne s’est préoccupé d’avoir une vision futuriste, comme la loi qui régit l’industrie en Tunisie qui remonte à 1972. Il est temps qu’en 2017 on prenne le soin de réfléchir à une nouvelle loi », conclut-il.