Interpellé en marge du 19ème Forum de l’Economiste Maghrébin, organisé hier sur le thème : « L’innovation, clé de la croissance tunisienne », Radhi Meddeb, expert économique – PDG du groupe COMETE Engineering- nous a déclaré que les économies qui sont compétitives et performantes, aujourd’hui dans le monde, et qui arrivent à créer de l’emploi et de la valeur ajoutée de manière conséquente, avec à leur tête l’économie américaine qui continue à créer de l’emploi à un rythme inégalé de 250 mille emplois nouveaux par mois, sont des économies caractérisées par l’esprit d’entreprise et l’innovation.
Aujourd’hui, la plupart des secteurs traditionnels sont soumis à une forte concurrence avec l’émergence de nouveaux pays considérablement compétitifs en matière de coûts. Les pays traditionnellement producteurs n’ont d’autre choix que de celui de monter en gamme et d’intégrer encore plus d’innovation ou de céder la place et se désindustrialiser.
En misant encore plus sur l’innovation et en intégrant davantage de recherche et de développement dans leurs produits et services, ceux des grands pays traditionnels qui arrivent à le faire se mettent à l’abri de la concurrence par les coûts et préservent leur avance technologique et commerciale. Pour y arriver, ces pays ne s’embarrassent plus d’être dans la fabrication ou la production. Ils se positionnent essentiellement sur les créneaux de la création, du design, de l’innovation et de la valeur ajoutée…
Prenons l’exemple de l’entreprise américaine Apple, aujourd’hui l’une des toutes premières capitalisations boursières dans le monde, elle se limite, pour son produit phare l’iPhone, au design, à la création, à l’innovation et à l’intelligence artificielle. Tout le reste, la fabrication et l’assemblage sont sous-traités en Chine. Apple reste strictement dans la conception et ce faisant, récupère l’essentiel de la valeur ajoutée de ce produit.
Pour le cas de la Tunisie, M. Meddeb a indiqué que nous passons actuellement par une situation particulièrement compliquée et difficile. Nous avons trop tardé à remettre en marche la machine industrielle et économique, plus globalement.
La Tunisie a besoin aujourd’hui de se remettre au travail mais pour y arriver elle a besoin de beaucoup plus d’inclusion, de solidarité et en même temps de performance. Cela passe, selon ses propos, par de nouvelles modalités à inventer pour faire que tous les Tunisiens soient partie prenante au processus de création de richesses avant de réclamer d’en recueillir les fruits.
Pour ce faire, il faut travailler sur l’inclusion financière. Autrement dit, comment faire en sorte que tout porteur d’idée, quelles que soient sa taille et sa complexité, puisse se faire accompagner et accéder aux modalités de financement de son projet.
Nous sommes, aujourd’hui encore, très loin d’être dans cette situation: les PME souffrent du très faible accès au crédit, 50% des Tunisiens ne possèdent ni compte bancaire ni compte postal. Dans une telle situation, ils ne pourraient, en aucun cas, être auto-entrepreneurs, faire aboutir leurs idées et réaliser leurs projets.
De ce fait, Radhi Meddeb a précisé qu’il est primordial de lutter contre l’exclusion financière, parce que cette lutte induira et favorisera l’inclusion économique et par ricochet l’inclusion sociale, sociétale et politique…
«S’il y a un maître mot qui doit structurer l’ensemble des politiques publiques, sur les prochaines années, c’est bien celui de l’inclusion, avec ses multiples déclinaisons: financière, économique, fiscale, sociale, administrative et politique… C’est là le meilleur moyen de lutter contre l’économie informelle, la fraude fiscale, la contrebande, l’échec scolaire et bien d’autres maux dont souffre la société tunisienne. Cette lutte se mène d’abord par l’éducation, la formation, l’information, l’encadrement, la prévention et pour finir par la sanction ».
Pour être mieux partagés, l’esprit d’entreprise et l’innovation ont besoin que des réformes majeures soient mises en oeuvre, y compris celle de l’éducation. Ces réformes seront longues à mettre en œuvre et encore plus longues à produire leurs effets. L’éducation pourrait contribuer à faire que l’esprit d’entreprise soit mieux partagé par l’ensemble des jeunes et des moins jeunes pour que plus personne n’attende la manne du gouvernement ou de l’administration qui lui apporteraient, l’un ou l’autre un contrat dit de la dignité ou un emploi dans la fonction publique.
L’ensemble des Tunisiens doivent prendre conscience qu’ils sont porteurs d’immenses capacités d’innovation et de création de valeur ajoutée. Pour que ces trésors d’intelligence et d’énergies puissent éclore et s’épanouir, l’environnement doit suivre en offrant à chacun la possibilité de concrétiser ses idées et de faire aboutir ses projets «Et c’est à partir de là que la société se portera mieux parce que chacun contribuera à la création des richesses avant de prétendre profiter de leur distribution».