La victoire d’Emmanuel Macron (1°rang, 23,86 % des voix) et de Marine Le Pen (2°rang, 21,43 % des voix), au premier tour des élections présidentielles, inaugure-t-elle une ère de changement en France ?
Un nouveau venu Emmanuel Macron, rejetant le clivage droite/gauche et Marie Le Pen, qui incarne l’extrême-droite, recyclée diplomatiquement, sont ainsi sur les rangs, à l’épreuve des élections finales. Ces résultats confirment-ils les mutations de la donne politique, marquée par le Brexit et l’élection du Président Trump ? Depuis l’ère gaullienne, le régime français a établi l’alternance politique entre la Droite et la Gauche. Or, dans les élections de 2017, François Fillon, le candidat des Républicains (3e rang, 19,94% des voix) et Benoit Hamon l’élu des primaires socialiste (5°rang, 6,35% des voix) se trouvent sur la touche. Peut-on dire que la France « vit une crise du système des partis ? (titre de l’article de Philippe Renaud, Le Monde, 17 mars 2017).
Prenons la juste mesure du bouleversement politique, que l’instance électorale a mis à l’ordre du jour, les ralliements en chaîne au leader d’En Marche, Emmanuel Macron – y compris celui de l’ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls – ont programmé l’implosion du parti socialiste. La percée conjoncturelle et relative de Jean-Luc Mélenchon, dirigeant du mouvement La France insoumise l’a mis à la rude concurrence de la gauche contestataire. Au-delà de ses échecs, dans ces élections, le parti socialiste est désormais « en miettes, sans leader, sans projet, sans stratégie et sans alliés ».
Le journal Le Monde a défini son actuel statut: « Requiem, pour les Socialistes » (éditorial, Le Monde, 31 mars, 2017). Son concurrent direct, Jean-Luc Mélenchon, a percé au cours des débats. Mais ses postures antisystème ne peuvent faire le jeu de l’Establishment économique et financier. Fait d’évidence, il est sorti des marges, sans satisfaire son ambition de dépasser le premier tour (4° rang, 19,62 % des voix). Des observateurs ont regretté cette concurrence socialiste, qui aurait rassemblé plus de 25,97 % des voix, en cas de démission de l’un des deux concurrents. Mais, en matière électorale, les opérations de calcul mécanique ne définissent pas les rapports de forces.
Situation différente cependant du parti républicain : Les « affaires » ont terni l’image de son candidat, François Fillon. Des politiciens avisés et vraisemblablement partisans, ont dénoncé l’entrée de la morale, dans la vie politique.
Jacques Julliard, historien et essayiste, par exemple, évoque « une campagne où la morale a aboli la politique » (carnet de Jaques Julliard, Le Monde, 3 avril 2017). Peut-on exiger de l’électeur qu’il réduise l’appréciation de son élu, à son programme politique, en occultant son jugement de la personnalité à choisir ?
De fait, le système des primaires a inversé les situations électorales dans les deux mouvements: l’élection par des militants a permis le choix de deux candidats représentatifs de leurs mouvances radicales, mais non de l’ensemble des électeurs (option droitière de François Fillon, et choix du socialiste frondeur, Benoît Hamon). De ce fait, de grandes personnalités plus représentatives, telles qu’Alain Juppé, objet d’une campagne insidieuse et Manuel Valls, condamné en tant qu’ancien Premier ministre de François Hollande, ont privé leurs partis de candidats plus populaires et plus représentatifs.
Les dés sont- ils jetés en faveur d’Emananuel Macron, aux dépens de l’extrême-droite ? Et pourtant, certains pensent, à l’appui des états d’âme contre les migrants, à la dénonciation de l’Union Européenne, à l’exemple du Brexit, que rien n’est joué. L’analyste politique ferait plutôt valoir la fidélité de la France à ses normes, à son humanisme, pour faire valoir l’ouverture, le respect des droits et la morale de la solidarité.