« Situation et perspectives de l’ALECA », tel est le thème de la Matinale d’Alumni IHEC Carthage organisée, aujourd’hui, et présidée par son vice-président Naoufel Ben Rayana, son secrétaire général Anis Wahabi, Nabil Arfaoui, représentant du ministère de l’Industrie et du commerce, Amine Turki, Secrétaire général de l’Union tunisienne des professions libérales (UTPL) et Michaela Dodini, chef de la section commerce à la Délégation de l’Union Européenne en Tunisie.
Le projet d’accord entre la Tunisie et l’Union européenne pour élargir et consolider leur coopération économique, dit ALECA, a démarré suite au partenariat privilégié obtenu par la Tunisie auprès de l’UE en novembre 2012.
Il s’agit d’un accord qui vise à compléter et à étendre à d’autres secteurs la zone de libre-échange pour les produits industriels manufacturés mise en place en 2008 en vertu de l’Accord d’Association de 1995.
Au-delà de l’accord avec l’UE, l’ALECA s’inscrit dans la stratégie nationale de réformes annoncées par la Tunisie pour asseoir une intégration progressive du pays dans son contexte régional, maghrébin, arabe, euro-méditerranéen et international.
Depuis, les négociations relatives à l’ALECA, lancées officiellement en octobre 2015, ont connu des hauts et des bas, aussi bien au niveau des avancées réalisées qu’au niveau des positions des divers intervenants économiques.
Les défenseurs de l’ALECA considèrent qu’il constitue un instrument d’intégration de l’économie tunisienne dans le marché intérieur de l’UE, en harmonisant progressivement les réglementations de l’environnement commercial, économique et juridique, en réduisant les obstacles tarifaires et non- tarifaires et en améliorant les conditions d’accès des produits et services aux marchés respectifs. Ils voient dans l’ALECA une opportunité en tant qu’accélérateur des réformes.
D’un autre côté, les détracteurs de l’accord voient en lui une menace économique, à cause d’une symétrie du pouvoir de négociations, une absence de stratégie nationale pour assurer la compétitivité des entreprises tunisiennes et le défaut d’une véritable volonté à impliquer les acteurs économiques dans le débat. L’absence d’évaluation profonde des résultats de l’Accord d’Association de 1995 constitue aussi une question de fond.
Débattant cette situation et des perspectives de l’ALECA, Michaela Dodini a annoncé que l’ALECA constitue un dossier politique et économique complexe qui a suscité nombre de polémiques , vu qu’il y a ceux qui sont optimistes par rapport à la capacité de la Tunisie de profiter de cette opportunité d’ouverture sur les marchés européens et ceux qui sont pessimistes parce que le pays passe par une situation difficile.
Face à cette polémique, l’UE a toujours rassuré de faire de son mieux pour soutenir la Tunisie et appuyer les efforts déployés. Sachant qu’un nouveau appui financier d’une valeur de 500 millions d’euros a été récemment signé entre les deux parties.
L’ALECA offre plusieurs opportunités à la Tunisie et en même temps à l’Europe. D’ailleurs, les négociations de cet accord ont déjà une motivation politique visant à intensifier et renfoncer les relations (politique, économique, sécuritaire…), rapprocher les deux parties pour booster le commerce, les services et les investissements. Il s’agit d’un instrument parmi d’autres.
Mme Dodini a affirmé que depuis 22 ans, la Tunisie et l’UE avaient l’habitude de négocier seulement les droits de douane. Ce qui a poussé, côté européen, à rectifier et mettre à jour l’Accord d’Associations de 1995 tout en incluant les domaines de services, l’agriculture et les investissements parce que la Tunisie mérite, selon ses dires, d’avoir un meilleur accès aux marchés européens.
D’autre part, la Tunisie est en train de mettre en place plusieurs réformes depuis la révolution. Pour accélérer ce processus de réformes, parmi les 11 chapitres de l’ALECA existe un chapitre portant sur ces réformes.
Dans le même sillage, la responsable européenne a indiqué que l’ALECA est un accord ambitieux qui se repose sur quatre principes en faveur de la Tunisie, à savoir l’asymétrie, la progressivité des engagements, l’appui technique et financier ainsi que la transparence et l’approche participative.
A ce stade, après le déroulement des deux rounds de négociations, le premier en avril 2016 à Tunis et le deuxième en février 2017 à Bruxelles, l’UE est à en attente actuellement d’autres propositions du côté de la Tunisie pour commencer à échanger les offres et les demandes visant à conclure un accord gagnant-gagnant à moyen et long termes. Un accord qui vise à faciliter les commerces, rehausser les normes de hauts standards internationaux, anticiper des concessions, notamment dans le secteur de l’agriculture, améliorer l’accès direct de la Tunisie sur les marchés européens et aller par la suite ensemble vers d’autres marchés tels que l’Afrique et les pays de Golfe.
Pour sa part, Nabil Arfaoui a précisé que la Tunisie a exprimé sa détermination de conclure l’ALECA, qui prévoit un rapprochement réglementaire et cible de nouveaux domaines dont les services, l’agriculture et les investissements, tout en insistant sur les principes qui sont en faveur du pays. La Tunisie a également insisté sur une libéralisation qui ne sera faite que selon les modalités de négociations d’où certaines activités sensibles dans les domaines de l’agriculture et des services ne seront pas concernées, ainsi que sur la mobilité des jeunes cadres et l’équivalence des diplômes, ce qui figure dans le Mode 4 de cet accord intitulé : « Mobilité temporaire des personnes ».
Afin de mieux étudier cet accord, le responsable a annoncé que son ministère a lancé, la semaine dernière, un appel d’offres pour l’élaboration d’une étude d’impact de l’ALECA.
Amine Turki a, quant à lui, fait savoir que l’ALECA fait miroiter beaucoup d’avantages mais également d’inquiétudes, et ce, pour deux raisons. Il s’agit de la situation interne délicate qui nécessite des négociations profonds, et de la situation externe de l’UE.
Pour lui, les problèmes internes concernent essentiellement la législation, la structure minimale des entreprises de services et les problèmes de change qui s’accumulent.
S’ajoutent à cela les problèmes de restriction d’entrée en Europe avec le « fameux » visa qui devrait être, selon ses propos, supprimé ainsi que les problèmes de reconnaissance des diplômes.
De ce fait, on ne peut pas parler d’ouverture sur les marchés internationaux et on ne peut pas avancer avant de résoudre ces problèmes épineux. Ces derniers points font de l’ALECA un accord loin d’être dans l’intérêt des Tunisiens bien qu’il contienne beaucoup de bonnes intentions.