Rencontre-débat, à l’initiative de l’ambassade du Maroc, exclusivement consacrée à la coopération tuniso-marocaine, sa réalité, son potentiel et ses possibilités vis-à-vis de l’Afrique, particulièrement la région subsaharienne. Un éventail d’alternatives et une panoplie d’idées à creuser et, surtout, à mettre en œuvre avec un esprit « gagnant-gagnant ».
Idée nettement opportune que celle de faire coïncider la Journée de l’Afrique avec une manifestation économique à portée continentale et à incidence pragmatique certaine. A l’initiative de l’Ambassade du Maroc, une rencontre-débat a été organisée mardi dernier au siège de l’UTICA sur le thème, combien évocateur, « Maghreb –Afrique : quelles pistes économiques pour la consolidation de l’intégration continentale ?». Un rendez-vous qui semblait de prime abord voué au conjoncturel mais à suivre les débats et à toucher de près la qualité des interventions, on se rend aisément compte du contraire. Des moments de haute volée et d’un intérêt certain. Une enfilade de communications dont le mérite essentiel est d’avoir réussi à retenir l’attention et, qui plus est, d’avoir poussé à la réflexion.
Les participants au débat, toutes nationalités confondues, ont procédé à un large éventail des possibilités de l’intégration économique Afrique sud-sud, et ce, à partir de la complicité et à l’initiative du Maroc et de la Tunisie. Ainsi, Fadhel Abdelkéfi, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération Internationale, Abdellatif Hamam, Secrétaire d’Etat au Commerce, Assitan Diarra Thsoune, économiste régionale à la BAD ont assuré l’ouverture de la rencontre après une excellente mise en perspective du thème par Latifa Akhrbach, ambassadrice du Maroc.
L’approche économique du sujet a été conduite par les deux co-présidents du Conseil d’affaires conjoint marocco-tunisien, Jamal Belahrach et Hichem Elloumi. Kamel El Habachi , responsable de la banque de financement du groupe Attijari bank, Alioune Gueye, Président du Groupe Afrique Challenge et Commissaire Général de Hub Africa.
Le parterre de spécialistes invités a, de la sorte, pu apprécier combien la réalité économique a de potentiel à découvrir et à creuser malgré les obstacles et l’héritage du passé. Non, l’intégration, à partir de la coopération tuniso-marocaine est possible. Il suffit de le vouloir et d’y mettre le prix en efforts et perspicacité. Cela a été mardi dernier le message fort de cette rencontre. A sa clôture, la conviction était presque palpable dans ce sens.
« Développer une synergie de complémentarité »
« Comment enrichir les opportunités en Afrique subsaharienne ? », telle fut la question posée par l’ambassadrice du Maroc à l’ouverture des travaux. Et de dresser le tableau de tout ce qui a été réalisé par le royaume à ce propos, une liste encourageante, a-t-elle souligné, avec bon nombre de « success-stories » que ce soit en Afrique en général ou en Tunisie particulièrement (l’exemple d’Attijari bank ). Les voix de coopération étant permises, la réalité incite à la réflexion et, surtout, peut se prêter à tout engagement économique, pourvu qu’il soit réfléchi, conséquent et bien étudié. C’est ce qui peut être traduit par ce que Latifa Akhrbach appelle la « synergie de la complémentarité »
Pour Fadhel Abdelkéfi , l’exemple de Bourguiba et son héritage sont là pour inciter à l’intégration et à contribuer à construire, concrètement, l’UMA telle que voulue par tous surtout que « les populations n’ont aucun problème à œuvrer dans ce sens », ce qui a de quoi inciter à l’espoir pour que l’Afrique se réveille sur une réalité économiquement meilleure. « 80 % de nos échanges sont faits avec l’’Europe imaginez le potentiel de ce qui peut être réalisé. C’est un impératif de pousser dans le sens de la collaboration subsaharienne ».
Partenariat gagnant-gagnant
La question relative à l’intérêt de la coopération sud-sud n’a pas à être prouvée, pour Abdellatif Hmam. Le tout est de procéder par une démarche constructive car des opportunités prometteuses sont à la portée de l’effort et des investigations conséquentes. Des atouts majeurs sont disponibles, principalement, selon lui, la position géoculturelle du Maghreb , véritable pont entre l’Europe et l’Afrique. Ceci en plus de l’atout linguistique ( le français largement parlé et écrit dans le continent) et surtout de l’atout digital qui s’avère être un excellent outil pour le développement inclusif. Tout ceci concourt inévitablement à la complémentarité et à la coaction. Constat largement approuvé par Assitan Diarra qui a insisté sur le fait que la BAD appuie un partenariat fondé sur l’esprit « gagnant-gagnant ».
Pour Hichem Elloumi, l’impératif est on ne peut plus clair. La coopération sud-sud est primordiale mais au préalable il faudrait veiller à ce que le Maghreb réussisse à construire son propre espace économique d’une manière plus affirmée et à créer une zone de libre-échange. Cela amène d’une façon concomitante à revoir toutes les barrières existantes, tarifaires et non-tarifaires.
Afin d’harmoniser les normes, les procédures et procédés en vigueur, il a cité à ce propos quelques chiffres qui en disent long sur le vécu et le potentiel à explorer. La Tunisie exporte aux environs de 30 milliards de dinars. L’Afrique représente à ce propos 12 %. Pour le groupe tuniso-marocain dont il est le co-président, Elloumi souligne qu’avant l’export se chiffrait à 1 million d’euros. Aujourd’hui, il se situe à 200 millions, c’est dire tout le potentiel. Toutefois, il importe d’harmoniser les codes d’investissement avec le Maroc .
Bientôt 30 millions de chômeurs
Kamel Habbachi a mis en exergue, pour sa part, l’itinéraire positif réalisé par Attijari bank, présent aujourd’hui dans quinze pays d’Afrique. Présence effective qui se caractérise par le fait que chaque filiale dans un pays se considère comme siège –mère avec ce que cela entraîne de commodités et d’efficacité dans la gestion directe.
Jamel Belahrach estime, de son côté, que l’approche est conséquente. Il faut serrer les rangs et aller de l’avant dans le sens du plus d’intégration. L’heure est grave. Elle le sera davantage dans le futur. Dans le prochain futur, 6 millions de jeunes vont rejoindre le monde du chômage. Ceci en parallèle d’un constat avéré que l’économie formelle crée, quant à elle, 3 millions d’emplois. La menace terroriste est là et ne se gêne pas pour renforcer ses rangs. Le premier recruteur dans ces conditions-là ne sont pas les multinationales mais Daech. Incontestablement. Le conférencier est conséquent à ce propos. Il faut passer d’une idéologie idéologique à une idéologie pragmatique. Une seule devise « il nous faut (Maghreb) construire et co-construire. Aller en Afrique avec humilité et non en conquérants. L’Afrique n’est pas un effet de mode mais une vision.. »
« L’Afrique n’est pas un continent mais 54 pays »
Au final, Alioune Gueye, a réitéré les appels de ceux qui l’ont précédé au micro. Il a souligné que le Maroc et la Tunisie ont toutes les chances de réussir, vu le niveau d’expertise atteint et les avantages dont ils bénéficient pour accompagner la révolution digitale. Signe encourageant : le fait que l’on exporte 80 % vers l’Europe, cela veut dire qu’il y a un niveau d’exigence très valable, accepté et encouragé . Cela tranquillise quant à l’intégration en Afrique. Toutefois, il importe d’avoir une vision stratégique et de veiller à s’armer d’une diplomatie économique aussi conséquente que pragmatique. L’Afrique doit être un objectif stratégique car, n’a-t-il pas cessé de répéter: « l’Afrique n’est pas un continent mais 54 pays », d’où le potentiel économique. Citant Antoine de Saint-Exupéry qui a un jour clamé en substance qu’il ne s’agit pas de prévoir mais de rendre possible, il a mis en guise de conclusion l’accent sur les défis à remporter grâce justement à la capacité dont il faut se prévaloir pour planifier…