Images prises dans le quotidien du mois de Ramadan. Instantanés d’une réalité aux « sourcils » bien froncés. Chronique.
Rien n’y fait manifestement, le jeûne pèse lourdement sur la ville et le comportement des gens. Les heures avancent lentement et tout prend la couleur d’une attente qui n’en finit pas de traîner. La chaleur, caniculaire par moments, y a mis aussi du sien pour installer le mois de Ramadan de cette année dans le quotidien des gens. Il faut se promener en ville pour se rendre réellement compte de la particularité de l’ambiance générale dans laquelle baignent tous les quartiers de la ville. Dans les quartiers populaires de la capitale, ceux qui d’habitude et d’année en année affichent haut les couleurs du mois sain et élèvent en symbole les tics d’un temps qui n’en finissent pas de nous surprendre, tels Bab Jdid, Bab Souika, les souks, Souk el Asr et ailleurs, traditionnellement Ramadan s’identifie à la ferveur collective quand, la journée avançant, le jeu des coudes aux alentours des étals de marché ou des présentoirs de fortune sur les grandes places devient synonyme de quête insatiable du plaisir de l’attente et de la satisfaction.
Pour casser la monotonie
La foule se distille aux quatre coins de la place Halfaouine où vendeurs d’habits usés et marchands de légumes et de fruits se disputent l’espace. La mine maussade et les sourcils froncés, les présents s’affairent à repérer ce qui les intéressent. Ils le font sans passion. Seuls les appels des marchands cassent la monotonie et ramènent, pour ainsi dire, l’ambiance à son tempo habituel. Ailleurs et dans les lieux similaires, même spectacle au rythme essoufflé…
La redondance des moments égarés
Ces promenades de fin de journées ramadanesques avaient le pouvoir de mettre de la passion dans le rapport des gens durant le mois du jeûne. Ces errements oisifs à quelques heures du moment magique de l’annonce de la rupture du jeûne, partir à la découverte de tout et de rien sont un réel plaisir. Déambuler soit du côté de Bab Jdid jusqu’au Souk Sabaghine, dans le marché aux poissons, soit depuis la place Bab souika jusqu’à Halfaouine devant la mosquée Saheb Ettabaâa, à proximité du célèbre café Sidi Amara, un rituel auquel les jeûneurs sacrifient avec nostalgie, la nostalgie des temps passés qui reviennet en mémoire.
A la fin de la prière d’El Asr, une foule sans cesse grandissante s’en va rejoindre les grandes places marchandes de la capitale où les jeûneurs donnent libre cours à leurs envies selon les opportunités offertes. Un itinéraire au contenu presque identique pour les deux quartiers célèbres de la capitale et qui prennent particulièrement les couleurs du Ramadan d’une manière spécifique, à tel point qu’ils ont fini par s’y identifier.
Cependnat, cette année et déjà à cinq jours du mois du jeûne, la ville a du mal manifestement à retrouver ses vieux réflexes et à réapprivoiser ses tics d’antan. Elle semble fatiguée et gênée de sa lassitude. Ses rues, ses places et ses « rbats » n’arrivent pas à afficher la forme d’antan ou, du moins, à s’orner des couleurs qui, par le passé, faisaient leur fierté. Les heures de la journée continuent de s’égrener lentement avec, toutefois, une différence notable au niveau de l’ambiance qui s’en dégage, de l’animation générale et du mouvement de la foule. Un écart sensible qui résume si bien les signes de ce « décrochage » culturel, observé au niveau du comportement des gens et de leurs habitudes en pareille période. Un silence, presque complice, pèse de tout son poids sur les lieux. L’on se découvre à lorgner avec nostalgie ce temps où la ville était toute souriante à l’approche du Ramadan et où cette rencontre, au plaisir de tous, a toujours offert une convivialité et une complicité à nulle autre pareilles.
Seuls les cafés
Le soir n’est pas, quant à lui, logé à une enseigne différente. Seuls, les cafés semblent épargnés. Pour le reste, tout donne la même impression d’essoufflement. L’animation culturelle, traditionnelle en pareille période, se laisse désirer. Le Festival de la Médina qui démarre ce soir, jeudi, avec le spectacle des Azzifets au Théâtre municipal porte sur lui le défi, du moins pour l’animation nocturne, de changer la donne. Arrivera-t-il à le relever ? Il faut l’espérer.